Seuls les voyages ont le pouvoir de faire se rencontrer les écrivains. Hors de leur lieu d’origine, ils cessent soudain d’être des gens renfermés et égocentriques. Je n’ai pour ma part rencontré Edouard Glissant que très rarement à la Martinique, mais dans ce qu’il a appelé le « Tout-monde », oui, nous nous sommes souvent vus. Contrairement aux artistes (musiciens, chanteurs etc.) ou aux sportifs, les écrivains ne gagnent pas d’argent ou très peu. Leur seul privilège est de pouvoir voyager un peu partout sans avoir à débourser quoi que ce soit, alors nous en profitons. Les souvenirs les plus forts que j’ai de cet immense écrivain se situent donc forcément hors de notre terre natale, quoique partout où nous allons nous n’avons cesse de parler d’elle, d’évoquer son histoire tragique, sa langue et sa culture déclinantes, l’impasse politique dans laquelle elle se trouve depuis un demi-siècle.
Incontestablement, Edouard GLISSANT occupe une place tout à fait à part au panthéon des grands penseurs de ce siècle. Ecrivain, philosophe, poète, essayiste martiniquais, professant dans les universités américaines, il bouscule les théories littéraires communément admises et renouvelle de livre en livre notre façon de penser l’identité, la nation, le monde, la résistance à l’uniformisation du monde.
Son concept-clé, celui de la Relation, est aujourd’hui la grille de lecture la plus achevée de la complexité contemporaine des peuples et des cultures.Louis BOUTRIN
Paris. 3 février 2011. 5H45. Edouard Glissant vient de rendre son dernier souffle. Il avait 82 ans. La dernière apparition publique de "Monsieur Tout-Monde" datait du 23 novembre. Visiblement affaibli, en fauteuil roulant, l’homme était monté sur la scène du théâtre de l’Odéon à Paris. Pour l’occasion, Edouard Glissant avait invité treize artistes pour interpréter en lecture publique son anthologie « La terre, le feu, l’eau et les vents », un recueil de textes emblématiques de la poésie du Tout Monde chère au poète martiniquais.
L'écrivain Régis Debray, compagnon de Che Guevara, conseiller de Mitterrand et penseur de la médiologie, rejoint à 70 ans la prestigieuse académie Goncourt, fondée en 1900 et forte de dix "couverts" parmi lesquels Bernard Pivot, Edmonde Charles-Roux ou Jorge Semprun. C'est lors de sa réunion de rentrée, mardi, que l'académie a élu Régis Debray "au couvert de Michel Tournier", qui avait demandé à se retirer en juin 2010, a annoncé la vénérable institution. L'auteur du Roi des aulnes avait largement dépassé l'âge désormais limite de 80 ans