Ce 21 décembre 2010, les Camerounais n'ont pas décroché de leur écran. Tous suivaient le débat sur la crise postélectorale en Côte d'Ivoire organisé par la première chaîne de télévision privée à Yaoundé, Canal 2 International. Depuis le face-à-face télévisé historique du 25 novembre entre Laurent Gbagbo et Alassane Ouattara, la situation politique en Côte d'Ivoire est suivie de près par le pays frère. Jean Claude Awono, écrivain, explique : « Ce qui se passe aujourd'hui en Côte d'Ivoire intéresse tous les Africains car ce qui arrive à nos frères là-bas pourrait aussi bien arriver au Cameroun. » Mais au-delà de cette explication, c'est surtout la cristallisation du sentiment nationaliste et panafricaniste qui mobilise les foules. Pour Jean-Michel Nintcheu, député au sein du Social democratic front (SDF), principal parti de l'opposition : « La rue camerounaise, qui semble soutenir majoritairement M. Gbagbo, n'est pas fondamentalement pro-Gbagbo, mais plutôt antifrançaise. Les premiers impliqués dans l'affaire ivoirienne sont d'ailleurs bien les partis d'opposition camerounais. Ainsi, le Mouvement africain pour la nouvelle indépendance et la démocratie (Manidem) envisage une marche ces prochains jours pour soutenir Laurent Gbagbo. De même, l'Union des populations du Cameroun a pris fait et cause pour le président ivoirien sortant. Le 4 décembre, ce parti lui a adressé une lettre de félicitation pour son « éclatante victoire qui est le couronnement d'une lutte du peuple ivoirien. » Mais au sein du SDF, la situation ivoirienne fait des vagues. Alors que le parti a officiellement reconnu la victoire du Président Gbagbo, Jean-Michel Nintcheu soutient que « les présidents africains, Paul Biya [le président camerounais, ndlr] en tête, gagneraient à apprendre la culture de l'alternance. » La rue et les médias n'échappent pas à l'engouement. « Coup d'Etat électoral contre coup d'Etat constitutionnel », titre Le Messager, « Un fauteuil pour deux », annonce le quotidien Mutations, « La crise ivoirienne secoue le SDF », lit-on dans La Nouvelle Expression, ou encore « Tout sur les accords qui ont vidé le pouvoir de Laurent Gbagbo » selon l'hebdomadaire Emergence. Tandis que radios et télévisions multiplient les émissions interactives. Entre ceux qui voient dans l'attitude de la communauté internationale une ingérence qui ne vise qu'à écarter Laurent Gbagbo du pouvoir, et les autres qui pensent que celui-ci est un mauvais perdant, la mobilisation des Camerounais se fait sentir jusque dans les rues. Comme devant un kiosque à journaux de la capitale camerounaise, mardi 21 décembre, où fuse un échange particulièrement corsé entre deux clients : « Vous accusez les Blancs de vouloir chasser Gbagbo. Dites-moi si ce sont eux qui ont voté pour Ouattara. – Ce ne sont pas les Blancs qui ont voté mais dis-moi où Ouattara a trouvé l'argent pour mener toute sa campagne et pourquoi les médias français le supportent de cette façon. » Pour Céline, une étudiante : « Laurent Gbagbo a publiquement accepté de respecter le verdict des urnes. Il ne doit pas ressortir aujourd'hui la carte du nationalisme parce qu'il a perdu. » Mais pour son camarade Eric : « La communauté internationale doit respecter les institutions ivoiriennes. C'est le Conseil constitutionnel qui proclame les résultats définitifs. Et cette institution a proclamé Gbagbo vainqueur. Il faut respecter ce résultat. » Tandis que la tension monte à Abidjan, les rues de Yaoundé s'enflamment sur la situation au pays des éléphants. Photo : un supporter de Laurent Gbagbo tient une affichette à son effigie à Abidjan, le 15 décembre 2010 (Thierry Gouegnon/Reuters). SOURCE : Rue89 Le Cameroun prend fait et cause pour Laurent Gbagbo
Radios et TV multiplient les émissions