AIME CESAIRE : CRITIQUER N'EST PAS VILIPENDER !

A. CESAIRE - LS SENGHOR - photo F. Bibas.jpg"Oui, il fallait le dire, il fallait écrire "La traversée paradoxale du siècle". Qui bene amat bene castigat, en gréco-latin, et c’est bien ce que fait Raphael, dans son éloge récent ! Deferre, Mitterrand, Marchais, Sartre, ont combattu De Gaulle, tout en le respectant, une grande figure historique et un grand homme d’Etat. Ses fils spirituels, Pompidou, Chaban, Chirac, peut-être Sarkosy, ne l’ont guère ménagé. Nul n’est infaillible, nul n’est parfait, y compris ceux qui écrivent. Critiquer, voir les zones d’ombre, n’est pas vilipender, n’est pas rejeter, n’est pas déchouquer, mais mieux éclairer et mieux faire comprendre. 

 

 

 Césaire
nous a dit de sortir du fond de la cale du bateau négrier, et face au
vent retrouvé, de nous mettre debout sur le pont. Quand on est debout,
il faut marcher. Mais avant de marcher sur la terre ferme et de
progresser, il faut déjà descendre du bateau.

Il
a eu une peur bleue du pouvoir. Comme cette patate chaude, la Région,
première mouture, qu’il a vite refilée à Darsières. Une relecture, non
pas de la Traversée paradoxale du siècle, mais de son Toussaint, La
tragédie du roi Christophe et d’une Saison au Congo, nous met en
lumière, au-delà de la problématique du pouvoir , (depuis les Egyptiens
et les Romains, sans parler de la construction de la France -et ou de
l’Europe- sur 2000 ans) pourquoi Césaire, tout seul, nous a fait taire,
y compris Aliker, en décrétant tout seul le moratoire, donc
l’immobilisme.

Il
n’était pas prêt et nous a fait comprendre jusqu’au bout que c’est le
Peuple, son Peuple martiniquais, qui ne l’était pas -60 ans de
politique pour que le Peuple ne comprenne pas. Où est le travail ?.
Bien sur qu’il est mort le Poète, l’Immense Poète, bien sur qu’il est
mort le Rebelle, celui qui après Chaka, Toussaint, Christophe,
Dessalines, en complicité avec Senghor, a poussé le grand cri nègre, ce
en quoi nous lui serons éternellement redevables, tous ses fils comme
dit Confiant, même si très tôt Depestre a écrit "Bonjour et adieu la
négritude".

Je veux dire que bien avant Confiant, et il faut aussi lire
Glissant, Césaire n’a pas été ménagé par des hommes de grande culture.
Il n’y a pas eu -et c’est tant mieux, que des thuriféraires de
l’unanimité, ce qui aurait déplu, à ce démocrate et à cet humaniste,
qui sait que la vie n’est faite que de contradictions, qu’il faut
affronter, surmonter et dépasser. Mais, comme Césaire l’a lui-même dit,
et il faut le suivre en cela, il nous faut continuer encore à "défier
l’architecte aux yeux bleus", pour ne pas être un jouet à son
carnaval ; il faut, comme il l’a si bien écrit, penser que le monde ne
s’est pas arrêté pour nous.

Etc, etc, etc..(voir tous ces panneaux à
son effigie qui soulignent , projettent même, à la face des
martiniquais, des pawols très fortes- trop fortes pour le peuple ?),
qu’il a dit et que le Peuple martiniquais -il y croyait, la Nation
martiniquaise -il en était convaincu- doivent mettre en oeuvre. Hors la
dictature, hors les exclusions. En ce jour des 60 ans de la création
d’Israel, qui a droit à un Etat , tout comme les Palestiniens, on peut
imaginer l’insuffisance d’un discours de façade, aussi fort aura-t-il
été, face à l’action. Il y a eu la pawol, la philosophe Simone Weil,
Annah Arendt et Ben Gourion aussi, l’action. Mais, attention, je dis
l’action politique et non terroriste. Mais ce n’est pas pareil,
diras-tu..."        

 
Fernand Fortuné