Le changement de présidence du Conseil général le 31 mars dernier constitue une nouvelle donne politique pour la Martinique. La majorité plurielle de Claude Lise, à l’issue d’un scrutin serré, a été battue d’une voix alors qu’à deux reprises le bloc RDM et partenaires et la coalition néo-PPM et alliés avaient fait jeu égal.
Un type d’élection qui, par nature, est propice aux revirements et aux reniements sans réels fondements politiques et fondés essentiellement sur la course aux places. En dépit des affirmations de ses adversaires, Claude Lise à la tête du Conseil général pendant 19 ans a bien travaillé pour le pays.
Ainsi rien ne l’obligeait à se battre pour mettre en place la Collectivité unique. Son intérêt personnel aurait été de rester tranquillement président du Conseil général. Il a pris en compte l’intérêt supérieur de la Martinique. Et personne ne peut croire sérieusement qu’il aurait été un bon président pendant les années où il était membre du PPM (1989-2006) et, qu’à partir de 2006 où il l’a quitté, il a conduit le pays à « une situation de faillite chronique avec un endettement abyssal », comme l’a encore écrit « Le Progressiste » du mercredi 30 mars dernier.
Josette Manin, de « Bâtir le Pays Martinique », le parti communal de Pierre Samot, accède à la présidence. Certes, il s’agit d’un véritable fait historique qu’une femme préside à la dernière mandature de la plus vieille Institution de notre pays. Mais il n’y a pas que cela.
Nous connaissons bien Josette Manin puisqu’en d’autres temps elle fut membre de notre Parti qu’elle a quitté pour suivre Pierre Samot suite à une crise douloureuse qui a porté en 1998 un coup terrible au PCM. Nous relevons qu’elle a tenu dans son premier discours à saluer Claude Lise pour le travail accompli sous sa présidence.
Par ailleurs, Josette Manin a aussi salué la mémoire de Georges Gratiant, 1er président du Conseil général après la loi de départementalisation, dont elle a revendiqué la « filiation ». Un Georges Gratiant qui fut communiste jusqu’à son dernier souffle, faut-il souligner…pour aller jusqu’au bout. Elle a reconnu avec un réalisme qui tranche avec la démagogie de certains des membres de l’alliance qui la soutient qu’on ne pouvait pas tout faire en raison des contraintes budgétaires. Elle a pris l’engagement de ne pas se livrer à la « chasse aux sorcières » au Conseil général et a assuré que « notre obligation première » est « l’intérêt supérieur et général de la Martinique ». Nous en prenons acte et la jugerons sans a priori sur ses actions.
Car ce qui est devant nous, c’est la mise en place de la Collectivité unique dans les meilleures conditions possibles. Nous souhaitons que cela ne traine pas comme veulent encore le faire certains en multipliant les obstacles juridiques, car le pays n’en peut plus de s’enfoncer dans une crise qui n’est pas seulement économique mais sociétale. Un plan de relance du BTP ne peut suffire, tout en étant nécessaire. Pour janvier 2011, nous en sommes encore à plus 1 656 chômeurs de catégorie A de plus par rapport à janvier 2010, après plus 4 553 chômeurs en 2009.
Il est urgent de disposer des outils utiles que peut donner la rationalisation du pouvoir local dans le corset de l’assimilation législative de l’article 73, même s’ils sont de notre point de vue insuffisants.
Serge Letchimy a déclaré à France-Antilles (2 & 3/04/2001) que « Josette Manin est libre ». Fort bien. Mais c’est pour ajouter immédiatement que le premier chantier à ouvrir est celui de la « gouvernance interne du Conseil général ». Suit une véritable feuille de route de la nouvelle présidente. En clair, Letchimy a ses idées à lui sur la manière de gérer le Conseil général. Josette Manin, quoiqu’elle proclame, est « cadrée » étroitement.
De même, le néo-PPM déclare vouloir mettre en œuvre une « nouvelle gouvernance » pour le pays. Si « gouvernance » veut dire tout simplement gestion, il est clair qu’une gestion peut et doit toujours être améliorée. Une gestion est perfectible par définition, surtout par ces temps de crise capitaliste profonde. Mais il faut se garder de tomber dans le technocratisme néo-libéral caractérisant ceux qui sont à l’origine dans les années 1980 de ce concept de « gouvernance » tiré tout droit des catéchismes du FMI et de la Banque mondiale et qui ont enfoncé les pays du Tiers-Monde dans la misère sociale et les révoltes populaires. S’il s’agit de faire croire qu’en améliorant la gouvernance locale tout en restant dans le système néo-colonial départemental de l’article 73 on peut résoudre tous les maux du pays, cela s’appelle donner des illusions à notre peuple. La droite départementaliste, pour récuser la nécessité du changement statutaire, n’a cessé de répéter qu’avec les pouvoirs actuels on pouvait réussir le développement et que le marasme du pays était du à l’incapacité voire la mauvaise volonté délibérée des présidents Marie-Jeanne et Claude Lise. Une telle conception de la prétendue « nouvelle gouvernance » revient à renoncer de fait à aller vers plus de responsabilité, donc vers l’Autonomie. Il s’agit de l’impasse de la 3ème voie qui attend l’apparition sur terre d’un miraculeux « 74 martiniquais ».
Après cette étape des cantonales 2011, le Parti Communiste Martiniquais appelle à se mobiliser pour aller au plus vite vers la mise en place de la Collectivité unique sur des bases solides. Pour aller de l’avant nous devons poursuivre nos efforts pour rassembler les forces de progrès dans un Front Martiniquais pour la Responsabilité et frayer une voie nouvelle vers l’Autonomie. Nous devons nous atteler à bâtir un véritable Projet pour la Martinique et cela en allant vers les Martiniquais pour recueillir leurs avis et en partant de leurs préoccupations.
Nous allons, chemin faisant, renforcer et moderniser le PCM.
*Michel Branchi est économiste, et Rédacteur en Chef du journal Justice