L'outre-mer à la rescousse du Front de gauche: grâce à une alliance avec cinq élus ultramarins, les dix députés du Front de gauche ont pu annoncer mardi matin qu'ils allaient créer un groupe parlementaire à l'Assemblée, qui leur permettra de peser tout de suite dans les débats de la session extraordinaire de juillet. Un objectif atteint aussi par EE-LV: avec dix-huit députés, trois de plus que le nombre minimum requis, le parti écologiste détient pour la première fois un groupe parlementaire autonome. Pour le FN et ses deux élus, en revanche, c'est raté: depuis la réforme de l’Assemblée du 27 mai 2009, le seuil fatidique est de 15 députés. Etabli à 30 en 1958, il avait déjà été descendu à 20 en 1988 pour répondre à la demande des communistes. «L’Assemblée nationale a accepté en 2009 de baisser le seuil, notamment parce que le Parti communiste ne pouvait plus avoir de groupe alors qu’il en avait toujours eu... Il s’agissait de ménager l’opposition, souligne Pascal Jan. Ce seuil pourrait être encore abaissé à 10, mais après... Pourquoi pas 9, 8 ou 7? On risque une dispersion politique.» Pourquoi tant d'énergie dépensée à bâtir un groupe? Quatre raisons expliquant l'appétit des partis.
Etre vu et entendu dans l'hémicycle
Car monter un groupe parlementaire permet d’avoir une place dans l’hémicycle, au propre comme au figuré – le président distribue les places en priorité aux groupes, qui les attribuent ensuite à leurs membres. Mais surtout, pour les partis, il permet d'obtenir «une visibilité de leurs positions politiques et d'avoir un rôle dans l'organisation de la vie de l'Assemblée nationale», explique Pascal Jan, professeur de droit constitutionnel à Science-Po Bordeaux et vice-président du cercle des Constitutionnalistes. Quant aux présidents de groupe, ils bénéficient d'«un statut institutionnel non négligeable, ils parlent au nom de l’ensemble des députés qu’ils représentent et peuvent être conviés à des tables rondes par le Président ou le gouvernement».
Poser des questions au gouvernement
Le débat politique est rythmé par les groupes, alors que les non-inscrits – comme devraient l'être les deux élus Front national – se partagent les restes : «Les députés isolés n'ont pas voix au chapitre», insiste Pascal Jan. Par exemple, seuls les groupes sont habilités à assister à la Conférence des présidents qui fixe l’organisation des séances – les débats, l'étude des textes, les motions de censure... Les questions au gouvernement sont accordées en fonction des poids des groupes, qui peuvent en poser chaque semaine, les non-inscrits n'en posant en général qu’une tous les deux mois.
Participer aux commissions
Avoir un groupe s’avère aussi essentiel pour constituer les commissions, et même pour y participer. Depuis 2009, chaque président de groupe d’opposition ou de groupe minoritaire peut proposer une fois par session ordinaire la création d’une commission d’enquête. Une possibilité que n'ont pas les non-inscrits. Dans les commissions, les places sont attribuées proportionnellement au poids des groupes politiques, les non-inscrits se distribuant les places restantes. Sans compter que les fonctions de président et de rapporteur reviennent automatiquement à des membres des groupes.
Organiser son secrétariat
Plus prosaïquement, le règlement du fonctionnement de l’Assemblée stipule que chaque groupe politique dispose d'«un secrétariat administratif» dont il règle lui-même «le recrutement et le mode de rétribution». A l'inverse, «le statut, les conditions d’installation matérielle et les droits d’accès et de circulation du personnel dans le palais de l’Assemblée sont fixés par le bureau de l’Assemblée sur proposition des questeurs et des présidents des groupes ». Le budget est alloué par l’Assemblée nationale à chaque début de mandat, puis à chaque début d’année, en fonction du poids du groupe.
SOURCE : Libération