Celle qui avait pris garde jusqu’alors à ne pas s’afficher comme le soutien de son compagnon de gauche, ni d’aucun parti, apparaît radieuse au côté du député de Saône-et-Loire, fort de ses 17% de voix. Cameramen et photographes se régalent. Son absence de réserve provoque un tollé. Un faux pas de la part d’une journaliste, censée incarner la neutralité? « Dans le feu de l’action, elle n’a pas réalisé », commente un de ses proches. « C’était plus une fête qu’un moment de militantisme. Il n’y avait rien de prémédité », objecte un des lieutenants de Montebourg.
Il n’empêche, l’image est forte. Lundi, le buzz vidéo enfle. Et les critiques fusent.
Le Syndicat national des journalistes met en doute son impartialité en la voyant « laisser éclater sa joie sur les écrans ». Christophe Hondelatte — malmené le mois dernier chez Ruquier — estime qu’« elle n’a plus sa place sur le service public ». Le ministre de la Culture, Frédéric Mitterrand, accuse la journaliste de « mélanger les genres », rappelant que sa consœur Béatrice Shönberg, épouse de Jean-Louis Borloo, « avait agi différemment » en abandonnant le JT de France 2 à l’approche de l’élection présidentielle de 2007… Même son voisin de bureau, Patrick Cohen, présentateur du « 7-9 » de la radio publique, estime qu’il n’est « pas sûr qu’elle ait bien fait de se montrer de cette façon »…
Audrey Pulvar se défend vite sur Lepoint.fr : « 1. Je n’ai pas voté pour cette primaire. 2. Je ne m’étais jamais montrée dans cette campagne. 3. Je l’ai fait parce que la campagne d’Arnaud était terminée dimanche soir et qu’il n’aura pas de rôle majeur par la suite. 4. Je n’ai pas l’intention d’apparaître dans la campagne à venir. »
Depuis, la journaliste, si prolixe d’ordinaire, se garde de tout commentaire. « Je parle beaucoup, cela doit être fatigant pour mon entourage », nous confiait à la rentrée celle qui se qualifie de « passionnée », dotée d’« une grande capacité d’indignation ».
D’où lui vient cette pugnacité ?
De sa grand-mère maternelle, indépendante et féministe à sa façon? De son père, professeur de mathématiques et leader indépendantiste martiniquais, qui lui a transmis « l’entêtement et l’exigence »? De sa mère, assistante sociale, attentive aux autres? En tout cas, la libre penseuse affiche haut et fort ses convictions, descend dans la rue contre la suppression de la pub sur le service public sans compensation financière, s’indigne contre les propos racistes de Jean-Paul Guerlain contre les « nègres », regrette la façon dont Ben Laden a été exécuté, dénonce les propos sexistes de Jack Lang et Jean-François Kahn dans l’affaire DSK… Cette semaine encore, elle se prononce publiquement « pour l’indépendance, à terme, de la Martinique ».
Pris à partie, ses employeurs ne lâchent pas pour autant leur tête d’affiche. Tandis que France 2 l’incite à la prudence tout en la soutenant, la direction de France Inter lui demande simplement de ne traiter « aucun sujet de politique intérieure dans son émission ». « Toute cette agitation depuis dimanche dernier est stérile, déplore Laurent Ruquier. Audrey est une journaliste brillante avec une forte personnalité, ce qui rend sa façon d’interviewer intéressante. Le reste, c’est du buzz qui sera vite oublié. »
Pour évacuer le stress, l’énergique mère d’une ado de 14 ans, se réfugie dans la lecture, le sport, mais aussi — surtout? — le travail. « Je ne décroche jamais. Je n’arrête pas de tweeter », nous a-t-elle confié.
Il y a un an, la journaliste avait déjà subi une vindicte politico-médiatique, lorsque Arnaud Montebourg avait annoncé sa candidature à la primaire : i > télé l’avait suspendue « par mesure de prudence, d’éthique et de déontologie », avant de lui imposer des interviews non politiques. « Peu à peu, je me blinde », nous affirmait récemment celle qui a appris à LCI, auprès du directeur de la chaîne, Jean-Claude Dassier, à « être précise » et à se « durcir le cuir ».
« Je n’ai jamais pris Audrey en défaut, assure le journaliste Paul Nahon, qui a supervisé la présentatrice des journaux sur France 3. Pourquoi arrêterait-elle sa carrière de journaliste politique? Ce n’est pas parce qu’elle est liée à Montebourg qu’elle épouse ses idées! Je l’écoute sur France Inter et je regarde France 2, elle fait son boulot. Elle pose les questions qu’elle doit poser. »
Désormais la pasionaria veut être reçue par les sages du CSA. Elle a « le plus urgent besoin que sa dignité de femme journaliste soit défendue par votre haute autorité », écrit son avocat, Me Christian Charrière-Bournazel, dans une lettre reçue vendredi par Michel Boyon, le président de l’instance de contrôle audiovisuel. Elle veut « exprimer sa position » et « répondre aux questions ». Le CSA l’entendra-t-il ?
SOURCE : Le Parisien