Vers une étude similaire chez les jeunes garçons aux Antilles françaises ?
Une équipe médicale franco-brésilienne a mis en évidence une prévalence anormalement élevée de micropénis chez des nouveau-nés mâles, dans une région du Nordeste, au Brésil, où l'usage des pesticides est intensif.
Les auteurs de l'article, mis en ligne sur le site de l'International Journal of Andrology, estiment que leurs données "accroissent les soupçons sur le rôle joué par une exposition prénatale aux perturbateurs endocriniens dans les malformations génitales masculines externes, en particulier les micropénis."
Certaines malformations génitales sont d'origine génétique, mais il est bien établi que des polluants ayant des propriétés similaires aux hormones féminines (œstrogènes) ou antagonistes à celles des hormones masculines (antiandrogènes) les favorisent également. Beaucoup de ces perturbateurs endocriniens peuvent s'accumuler dans le tissu adipeux et être transmis au fœtus à travers la barrière placentaire.
L'équipe dirigée par le professeur Charles Sultan (CHU et université de Montpellier) a mené son étude pendant deux ans dans les hôpitaux de Campina Grande, la deuxième ville de l'Etat du Paraiba, qui compte 400 000 habitants. Beaucoup d'entre eux vivent dans des favelas dépourvues d'égouts, où pullulent les insectes. D'où un recours massif aux insecticides dans leur domicile, sans compter les expositions liées à la profession exercée par les parents.
L'étude avait trois objectifs : établir l'incidence des trois principales malformations génitales masculines, identifier les facteurs pouvant en être à l'origine et étudier le rôle potentiel d'une contamination prénatale par des perturbateurs endocriniens, en lien avec une exposition parentale environnementale ou professionnelle.
Les anomalies génitales recherchées étaient l'absence de descente des testicules dans les bourses (cryptorchidie), la position anormale du méat urinaire (hypospadias) et le micropénis (défini comme de morphologie normale mais mesurant moins de 31 mm, par rapport à la moyenne qui est de 47 mm dans cette population).
Un total de 2 710 garçons a été examiné dans les quarante-huit heures suivant l'accouchement. Tous les cas d'anomalie détectés ont été étudiés par des pédiatres endocrinologues pour confirmer le diagnostic et pratiquer notamment un dosage de la testostérone et des analyses génétiques.
PRODUITS INTERDITS
En tout, 56 cas de malformations génitales ont été identifiés : 23 cas de cryptorchidie (0,85 % des garçons), 15 cas d'hypospadias (0,55 %) et 18 cas de micropénis (0,66 %). Si la fréquence des deux premières anomalies n'est que légèrement supérieure à la moyenne observée à travers le monde, il n'en va pas de même pour les micropénis : le taux est 44 fois plus élevé que dans une étude épidémiologique menée aux Etats-Unis à la fin des années 1990, plus de 11 fois supérieur à la prévalence signalée en 2010 en Egypte, et le double de celui constaté par les mêmes chercheurs dans la région de Montpellier.
Pour évaluer l'exposition prénatale, l'équipe a interrogé les parents au moyen d'un questionnaire. Au Brésil, les insecticides employés sont principalement des organophosphorés, des carbamates et des pyréthroïdes, tous autorisés, mais aussi des produits interdits, comme le DDT. Les mères ont été interrogées sur le recours à des insecticides au domicile, ainsi que l'exposition à d'autres produits domestiques contenant des perturbateurs endocriniens. Les activités professionnelles pouvant impliquer un contact avec des pesticides ont également été détaillées.
Restait à déterminer l'origine des malformations. Les chercheurs ont pu écarter l'hypothèse d'une anomalie génétique, d'un défaut de production hormonale ou d'une réponse anormale à l'action des androgènes. Ils ont constaté que 92 % des garçons présentant une malformation génitale avaient subi une exposition durant la période fœtale : la quasi-totalité de leurs mères avait fait un usage domestique d'insecticide. De plus, 80 % des mères et 58 % des pères avaient eu une ou plusieurs activités professionnelles impliquant l'usage de pesticides ou d'autres perturbateurs endocriniens.
SOURCE : Le Monde