CHLORDECONE : C'EST UN COMBLE !

Décidemment, on aura tout entendu, tout vu et tout lu  dans cette triste affaire d’empoisonnement au Chlordécone !

Après la surprenante volte-face du prof. Dominique BELLEPOMME, dont la crédibilité vient de prendre un sacré coup, c’est à Xavier TERNISIER Ternisien, un journaliste du quotidien « Le Monde » de s’illustrer à travers un article partial où les auteurs de "Chronique d’un empoisonnement annoncé" font les frais d’une polémique stérile. Malgré ces nombreuses gesticulations médiatiques  les questions de fond ne sont toujours pas abordées : A-t-on, oui ou non, utilisé massivement durant 3 décennies dans la sole bananière des Antilles françaises du Chlordécone, un dangereux pesticide interdit à cause de sa toxicité et de ses effets dévastateurs sur la santé humaine ? Qui sont les responsables de ce laisser-empoisonner ? Qu'a-t-on fait de concret pour arrêter la catastrophe écologique et sanitaire ? Autant d’interrogations qui devront être abordées dans l’inévitable « Procès du Chlordécone »

 

 

Pesticides : les Antilles tiraillées entre apaisement et dramatisation

par Xavier Ternisien – Le Monde du 1 nov. 2007

Ce
n’est pas tout à fait une psychose. Plutôt une inquiétude. Le
retentissement en métropole du rapport sur la pollution des sols par
les pesticides aux Antilles, coordonné par le cancérologue Dominique
Belpomme (Le Monde du 19 septembre), a fait écho dans les deux
départements antillais. "Cela fait trois ans que je parle du
chlordécone devant des auditoires clairsemés, témoigne Harry Jawad
Durimel, responsable des Verts en Guadeloupe. Depuis qu’un professeur a
tiré la sonnette d’alarme à Paris, je suis devenu une star ! Les
vendeuses de légumes du marché de Pointe-à-Pitre m’interpellent : "Tu
fais baisser les ventes !""

La
présentation du rapport Belpomme à Paris, en septembre, a été précédée
par la publication, au printemps, d’un livre polémique, signé par le
journaliste martiniquais Louis Boutrin et l’écrivain Raphaël Confiant.
Intitulé Chronique d’un empoisonnement annoncé (Ed. L’Harmattan, 240
pages, 21 euros), l’ouvrage dénonçait les effets du chlordécone, cet
insecticide utilisé sur les champs de bananes de 1981 à 1993. Les
auteurs allaient jusqu’à évoquer "une nouvelle forme de génocide par
stérilisation".

Aujourd’hui,
les professionnels de la santé s’efforcent de calmer les esprits. "Les
études menées aux Etats-Unis montrent que des troubles sont avérés chez
l’homme à partir d’une présence de chlordécone de l’ordre d’un
milligramme par litre de sang, explique le docteur Luc Multigner,
chercheur à l’Inserm et coordonnateur des études sur le sujet. Or les
doses relevées sur les ouvriers agricoles en Guadeloupe sont cent fois
inférieures."

Le
professeur Pascal Blanchet, chef du service d’urologie au CHU de
Pointe-à-Pitre, se veut, lui aussi, rassurant : "D’une manière
générale, il y a moins de cancers en Guadeloupe et en Martinique qu’en
métropole. Trois fois moins de cancers du colon. Un tiers de cancers du
sein en moins. La seule exception concerne le cancer de la prostate. Or
on soupçonne une prédisposition à ce type de pathologie chez les
populations afro-américaines."

Deux
études sur les conséquences possibles de l’exposition au chlordécone
sur la santé humaine sont en cours. L’une porte justement sur un lien
éventuel avec les cancers de la prostate, l’autre concerne les femmes
enceintes. Leurs résultats seront connus fin 2008. Philippe Quénel,
responsable de la cellule interrégionale épidémiologique (CIRE)
Antilles-Guyane, estime que 3,3 % de la population martiniquaise est
concernée, soit 12 000 personnes. "Il s’agit majoritairement
d’habitants de niveau social défavorisé, ayant des habitudes
alimentaires traditionnelles, consommant leur auto-production, dit-il.

Notre priorité est de mettre en place une politique de prévention à
leur intention."

M. Quénel
estime que l’Etat a fait son travail : "Je connais peu de dossiers pour
lesquels autant d’efforts ont été consentis. La pollution au
chlordécone aux Antilles est mieux documentée que celle par les
pesticides dans le Bordelais ou par les nitrates en Bretagne." La
polémique n’a pas le même relief dans les deux départements antillais.
En Martinique, les intellectuels de sensibilité indépendantiste, comme
Raphaël Confiant, montrent du doigt "les latifundistes Békés". Ils
accusent ces propriétaires terriens, issus des familles blanches
créoles, d’avoir fait pression sur l’Etat pour prolonger l’autorisation
du chlordécone jusqu’en 1993, alors que les effets du pesticide sur la
santé humaine étaient connus dès les années 1980. Eric de Lucy,
président de l’Union des groupements de producteurs de bananes,
s’insurge contre cette "ostracisation" : "C’est toujours la même
chose : les écologistes sont des anges et les producteurs sont des
diables !"

Le
docteur Multigner estime que "la pollution au chlordécone est
instrumentalisée par une minorité associative, qui en a fait son fond
de commerce, et par le mouvement indépendantiste". Eric Godard, chargé
de mission interministériel sur le chlordécone, déplore que "l’idée
selon laquelle l’Etat cache quelque chose s’est répandue dans le
public, avec, en toile de fond, une théorie du complot".

En
Guadeloupe, les responsables associatifs et les élus locaux se montrent
plus sereins. "Je ne partage pas la thèse de l’empoisonnement prémédité
ou du génocide, assure Harry Jawad Durimel. Je mets plutôt en cause le
laxisme des autorités et l’appât du gain des producteurs de bananes."

Albert
Dorville, maire (sans étiquette) de Trois-Rivières, une des huit
communes guadeloupéennes concernées par la pollution, considère que
"Belpomme est allé trop loin". Il souhaite cependant que les autorités
indemnisent les planteurs et estime qu’il faut "envisager la
dépollution des sols contaminés et une reconversion des cultures".
M. Dorville, qui est médecin, affirme n’avoir jamais vu dans son
cabinet de pathologie liée aux pesticides.

Xavier Ternisien
Article paru dans l’édition du 01.11.07