CONGRÈS DES ÉLUS DE MARTINIQUE : UNE VISION PASSÉISTE DU DÉVELOPPEMENT DURABLE !

Congrès des élus régionaux et généraux de Martinique 

20 juin 2013

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RAPPORT N°1. « NOTE INTRODUCTIVE – 

UN CADRE EXPÉRIMENTAL POUR LE DÉVELOPPEMENT DURABLE »

Madame la Présidente, Chers (es) collègues,  

 

Incontestablement, à travers cette note introductive intitulée « Rapport n°1 –Un cadre expérimental pour le Développement durable », vous avez voulu célébrer les louanges du Député Serge Letchimy dans un panégyrique digne d’un haut dignitaire des régimes de l’Europe de l’Est.

Mais, en lui offrant ainsi une telle tribune médiatique vous l’exposez également à la critique de l’opposition. Car, vous en conviendrez, nous ne pouvons pas vous laissez distiller votre rhétorique sans mettre quelques points sur les « i ».


Les Collègues du groupe m’ont donc mandaté pour synthétiser cette mise au point. Je dis bien synthétiser car, il n’est pas question de s’attarder sur les multiples superlatifs ni sur le style obséquieux de ce rapport dont nous retiendrons essentiellement deux choses : votre vision passéiste du développement durable et la confusion juridique révélatrice de votre incohérence politique. 


 

S’agissant de : 

 

1. Votre vision passéiste du développement durable

 

Vous évoquez en page 3 une citation d’Edouard GLISSANT « Il est urgent d’abandonner les systèmes de pensées et les pensées de système », 

Or, ironie du sort, c’est précisément le principal reproche que l’on pourrait vous faire puisque sous couvert d’une vision novatrice, vous restez enfermés dans les vieux schémas de pensée du développement durable en nous ressortant des « classiques» du siècle dernier issus des travaux de la commission Brundtland qui date des années 80. (1987)

Alors, parler d’une «…vision novatrice de Serge Letchimy » pour des principes ressassés depuis ¼ de siècle dans toutes les universités du monde, dans tous les colloques, aux quatre coins de la planète, relève de la forfaiture et mérite d’être dénoncé.


 

Et pour partager votre « vision novatrice », vous nous invitez à construire une approche « socio-centrée » du développement durable, approche qui, selon vos références, tournerait le dos aux approches « écocentrée » voire « anthropocentrée ». Tout cela est bel et bien dépassé aujourd’hui et, en dehors de quelques écoles de pensée, n’a guère droit de cité.


 

En final de compte, pour mieux insérer votre alchimie dans la mise en scène de ce Congrès, au bout d’un long passage sur « l’écologie politique » et l’inévitable « Changement de paradigme », vous terminez votre panégyrique par un appel à l’expérimentation.

Sans notre vigilance, votre forfait aurait pu passer comme une lettre à la poste. Il se trouve que votre conclusion nous oblige à une clarification juridique qui, du coup, met à nue votre incohérence politique. 


 

Venons-en donc à :

 

2. Votre incohérence politique…


Cette incohérence politique est manifeste à la page 6 de votre rapport, dernier paragraphe, vous réclamez …et je vous cite : une « compétence nouvelle qui nous permettra de développer des expérimentations propres à la Martinique » 

Du point de vue juridique, votre concept « d’expérimentations propres à la Martinique » suscite chez nous une double interrogation : 


 

  • Faut-il y voir une référence au principe d’expérimentation tel qu’il est consacré par le nouvel article 37-1 de la Constitution ? A moins que ce soit l’article 72 alinéa 4 de la Constitution ? Auquel cas il s’agirait d’une « dérogation aux dispositions législatives et réglementaires qui régissent l’exercice d’une compétence, à titre expérimental et pour un objet et une durée limitée, » et en l’espèce, selon votre rapport, la compétence développement durable. 

Si c’est cela votre référence, il convient de rappeler que ce principe d’expérimentation est juridiquement encadré par la loi Organique du 1er aout 2003 relative à l’expérimentation des Collectivités Territoriales et que dans ce cas ces expérimentations ne peuvent déboucher que sur 3 solutions possibles : 

 

  • Soit l’expérimentation est prolongée pour une durée qui ne peut excéder trois ans, 
  • Soit la loi détermine le maintien et la généralisation des mesures prises à titre expérimental,
  • Soit la loi détermine l’abandon de l’expérimentation. 

L’article LO 1113-6 du CGCT précise qu’en dehors de ces trois cas, « l’expérimentation ne peut-être poursuivie au-delà du terme fixé par la loi qui l’avait organisée ».


 

Cette référence permanente à l’expérimentation dans ce Rapport n°1, mais aussi dans les autres rapports de ce Congrès, affaiblit la portée juridique de vos propositions et les rend peu crédibles politiquement. 

 

A moins…

  • Qu’il faille y voir alors une référence « aux intérêts propres de la Martinique » telles qu’ils sont définis par l’alinéa 1er de l’article 74 de la Constitution ?


Vous en conviendrez que, dans les deux cas, il y aurait eu tromperie puisque vous vous éloignez du choix fait par les électeurs le 24 janvier 2010, et notre rôle en tant qu’opposition est de vous rappeler à l’ordre publiquement. 


Certes, on pourrait admettre que, dans une approche plutôt poétique, vous ayez décidé de « prendre la liberté de votre rêve pour mieux ordonner le réel ». Mais le choix d’un Congrès nous impose plus de rigueur conceptuelle.  Il ne peut déboucher ni sur la confusion juridique, ni sur de l’incohérence politique. 

Notre rôle en tant qu’opposition est AUSSI d’éclairer les Martiniquais sur cette dérive qui nous semble tout à fait inadmissible. 


Mme la Présidente, chers(es) collègues,

Je vous remercie de votre attention !

Martinique, le 20 juin 2013

 

Louis BOUTRIN 

Conseiller régional de Martinique

 

VOIR PDF : lb. congres 20.06.13