La mystification : « paradigme » politique nouveau en Martinique nouvelle.
La désignation d’une candidate aux élections législatives du Sud, (déjà sous menace d’une inéligibilité en sa qualité de conseillère régionale), puis le retrait de cette candidate pour cause d’inéligibilité d’une autre nature, laisse perplexe tout observateur de la politique locale.
On s’interroge sur les véritables capacités de ceux qui revendiquent, être les mieux qualifiés pour « gouvernancer » de manière exclusive toute la Martinique. N’existe-t-il pas au sein du rassemblement majoritaire à la Région, de compétences juridiques pour éclairer leurs décideurs quant à l’appréciation de la qualité d’une future candidate à la lueur du Code électoral ?
Il nous semble que le Code Electoral ne s’accommode d’aucune considération autre que le strict respect des dispositions légales qui y figurent et qui garantissent la démocratie et la sécurité des citoyens.
Cette affaire de retrait de candidature, motivé selon les dires de la candidate par un « souci d’apaisement » et qui affirme dans le quotidien local : « je me retire par devoir ! », invite à une analyse plus approfondie de la réalité des objectifs poursuivis par les uns et les autres au sein du groupe EPMN.
« Le projet législatif par la culture » de Madame Gallot ne sera donc pas décliné mais l’analyse de l’action culturelle à Fonds Saint-Jacques, au Conseil Régional et qui se poursuit au Conseil Général, dans la mesure où elle concerne toute la Martinique, mérite un décryptage.
Les récentes déconvenues à l’IRAVM, pour non respect de la légalité administrative et du droit du travail, invitent de manière urgente à s’interroger sur les mystifications qui s’habillent de paradigmes, de projets, de discours d’affichage, de jargon de management et de pratiques de communication orientées.
Quelle est la réalité de la politique culturelle en Martinique qui s’appuie déjà sur le déni de la Loi et du droit administratif ?
La situation de Fonds Saint-Jacques.
Fonds Saint-Jacques est un centre culturel de rencontres qui existe depuis un certain nombre d’années et qui a rayonné par le passé et posé avec succès les bases scientifiques des recherches canadiennes sur notre passé caraïbe.
De 2003 à ce jour que s’est-il passé sur ce site culturel? La réalité est qu’il est devenu un haut lieu de rencontres mais pour les jeunes désœuvrés et exclus de la Culture. L’appropriation du site, de manière inquiétante pour les populations avoisinantes et les employés de Fonds Saint –Jacques, par les jeunes des quartiers, livrés à eux-mêmes, sans projets, est d’autant plus paradoxale que ce quartier possède de fortes potentialités culturelles.
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L’occupation de Fonds Saint-Jacques, de cette façon là, par les jeunes qui y évoluent est si alarmante que les voisins et usagers du site sont en attente d’interventions des forces de gendarmerie et de police municipale qui elles, veulent éviter de provoquer des émeutes...
La contribution de la candidate retirée, à la mise en place d’un projet de recherche sur les traditions orales et les créations contemporaines de la Martinique et des Caraïbes, dite faite en « intimité avec les populations locales particulièrement celles des quartiers » a en réalité eu un impact régressif sur la créativité des populations de ces quartiers et n’a débouché sur aucune perspective économique pour les dites populations.
La réalité est que Fond Saint-Jacques est une institution où il existe de graves dysfonctionnements et dont l’action culturelle n’est guidée par aucun projet cohérent.
La sortie joyeuse de la candidate retirée, de « l’intimité avec les populations locales et du quartier » pour intégrer le cabinet de la présidente du Conseil Général répond sans aucun doute à une « haute nécessité » : celle d’une politique culturelle pour toute la Martinique.
Les fondements de la politique culturelle de l’actuelle majorité régionale.
La politique culturelle régionale, présentée en son temps en Plénière comme un long catalogue de prétendues propositions est une mystification de plus, qui repose sur la volonté d’effacer toute alternative politique dans le domaine d’importance que représente la Culture comme dans tous les autres domaines .
Cette politique culturelle hégémonique, inspirée par le groupe des « hautes nécessités » au détriment de la réalité des possibilités de création culturelle de notre peuple se caractérise par un certain nombre de constantes qui identifient les pratiques récurrentes, dans la « Martinique nouvelle ».
Première constante : le non respect de la Loi.
L’ancien directeur Benjamin Brou avait été licencié par la présidente du Conseil d’Administration de l’IRAVM avec fracas et brutalité, en piétinant les règles administratives élémentaires du Droit du Travail. Le tribunal administratif vient de condamner la présidente de l’IRAVM à rétablir Monsieur Brou dans ses fonctions de directeur de cet établissement à compter du 27 janvier 2011.
L’immixtion du politique dans le pédagogique qui entraîne le non respect de la Loi a des conséquences préjudiciables pour les étudiants, pour les enseignants en capacité de proposer un projet véritablement innovant pour l’école, pour le contribuable martiniquais qui aura à payer les salaires et indemnités dus à juste titre, à Monsieur Brou et les salaires de la personne ( ?) qui a été désignée pour le remplacer.
En « Martinique nouvelle », le Droit du Travail est bafoué, le Code Electoral n’est pas respecté, le Code des Marchés Publics (Affaire du Rond Point Tilo) est foulé aux pieds : ça suffit !
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Deuxième constante : les pratiques hégémoniques.
Dans l’affaire de l’IRAV, le politique s’est substitué aux tribunaux pour faire le procès du directeur de l’école et celui de l’équipe pédagogique qu’il envisageait de constituer, sans leur donner la possibilité de se défendre, ni de défendre leur projet.
Il s’agissait soit disant de faire le « grand ménage » et de rétablir la paix, mais le démenti cinglant du Tribunal Administratif montre à l’envie la mystification qui est en jeu.
En toute circonstance et dans celle là en particulier, l’immixtion du politique dans le pédagogique est totalement insupportable : les compétences d’un groupe d’universitaires et plasticiens ne sont pas à mettre en balance, dans le domaine de la Culture, avec les compétences d’une gestionnaire d’entreprises de spectacles et de management d’artistes aussi talentueuse soit-elle.
Monsieur Brou, dès sa prise de fonction s’était donné pour mission de « fédérer les énergies et ouvrir l’IRAVM à la Caraïbe et au Monde » et de mettre l’école en conformité de formation dans le nouveau dispositif du LMD (Licence –Master-Doctorat).
Pour cette mise en conformité, deux options étaient possibles :
Cette seconde option choisie par le nouveau « Campus Caribéen des Arts », place tous les enseignements sous l’autorité de l’UAG qui applique les programmes français.
La prétendue nouveauté d’un projet de formation des enseignants dans le moule du LMD (Licence-Master-Doctorat) avec les contenus de savoir de l’éducation artistique française sera-t-il suffisant pour préserver les potentialités de création de nos jeunes, de nos artistes et faire émerger une dynamique créative proprement martiniquaise ?
Il est fort à craindre qu’avec de telles orientations « faciles » la Culture en Martinique ne soit dirigée vers une impasse, pire, entraînée inéluctablement vers une agonie.
La décision du Tribunal Administratif implique que Monsieur Brou doit être effectivement rétabli dans ses fonctions. Cette fonction existe-t-elle dans la nouvelle structure dénommée « Campus Caribéen des Arts » ?
L’organigramme du nouveau « Campus», en séparant l’administratif du pédagogique, répond davantage à une logique politique d’exercice du pouvoir, et on ne voit pas comment un directeur l’école d’art pourrait exercer toutes les attributions afférentes à son statut.
Le mode d’organisation retenu pour le fonctionnement du « Campus » n’est pas de nature à permettre la réalisation des missions culturelles et artistiques d’une Ecole d’Arts.
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Une mystification de plus qui consiste à présenter comme une innovation, une organisation qui en réalité, permet à cette structure de mettre sous contrôle les projets culturels, de manière hégémonique, en recourant au clientélisme, en étouffant l’émergence de projets autres, même s’ils sont de nature à impulser une véritable créativité martiniquaise et caribéenne.
Tout est creux dans ce « campus » qui serait bien inspiré de s’afficher à minima, comme un « Campus Martiniquais des Arts » ouvert d’abord sur la Caraïbe et sur le Monde.
L’interrogation persiste : au-delà du catalogue, quel contenu de politique culturelle est assigné au « Campus Caribéen des Arts » et à ces différents départements ?
Les « hautes nécessités » sont en train de faire main basse sur la politique culturelle en Martinique, inspirés par une pensée unique, hégémonique, avec son complément de clientélisme et de « cancans », sans considération de la détresse des populations des quartiers et des jeunes désœuvrés qui n’attendent rien de mieux qu’une offre politique leur donnant la possibilité de s’exprimer et d’entrer en créativité.
Le prix à payer par l’ensemble des martiniquais pour la gabegie des responsables politiques en charge de la politique culturelle dans notre pays, risque d’être très lourd, tant financièrement que socialement. Et on n’a pas fini d’en entendre parler !!
L’immense regret est que cette mystification organisée, savamment orchestrée ne fasse pas l’objet d’appréciations de la part de nos intellectuels et artistes, très silencieux, qui ne partagent pas leurs réflexions théoriques sur la Culture en Martinique.
Notre poète bien aimé repose en paix, lui qui a tant porté l’espérance de notre peuple, il n’aura pas l’incommensurable douleur d’écrire : « Mon peuple,... quand, quand donc cesseras-tu d’être le jouet sombre au carnaval... » de tes propres enfants !
Danielle BORIEL