Débat sur la LODEOM - Intervention du Député Marie-Jeanne - 6 avril 2009

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Plaidoyer pour un changement glolal

Mais aussi, plusieurs points forts dans l'intervention du député Alfred Marie-Jeanne lors des débats sur la loi de développement économique Outre-Mer (LODEOM) : Le S.A.R., le photovoltaïque, le logement social, la zone littorale, les Très Petites Entreprises, transfert du Port et de l'Aéroport à la Collectivité régionale à l'instar de certaines régions de l'Hexagone.

Intervention d’Alfred MARIE-JEANNE,

au parlement français, lors du débat sur la LODEOM (lundi 6 avril 2009)

 

M. Alfred Marie-Jeanne. Monsieur le président, mes chers collègues, monsieur le secrétaire d’État, j’ai appris l’hospitalisation d’Alfred Almont, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire pour ce projet de loi. Permettez-moi de lui adresser du haut de cette tribune mes vœux de prompt rétablissement. (Applaudissements sur tous les bancs.)

Ce énième projet de loi de développement pour l’outre-mer arrive, après un parcours à maints rebondissements, dans un contexte mouvementé, voire très perturbé. La France a bien mal à ses DOM. Il n’y a plus d’échappatoire : nul ne peut le nier.

En effet, des grèves d’ampleur inégalée ont tour à tour secoué la Guyane, la Guadeloupe, la Martinique et la Réunion, répandant ici et là panique, cauchemar fièvre et frisson. On est passé très près d’un chaos.

En Martinique, après le déluge, nous restons englués dans l’impasse qui dure depuis un long temps déjà, impasse que l’on aurait pu éviter.

Pourtant les plans en tous genres n’ont pas manqué. Mais, sciemment, on a oublié que tout peuple aspire à un moment donné de son histoire à être aussi acteur de son développement tout en étant associé à un autre, et pourquoi pas à d’autres.

Les déterminants de cette crise dans la crise mondiale sont à la fois multiples et complexes. Certains commentateurs y ont vu un appel inconsidéré à l’État. D’autres une aspiration à plus d’intégration, à plus d’assimilation. En la circonstance il était effectivement demandé que la main de l’État soit plus visible pour faire contrepoids à la main invisible du marché, dans des domaines relevant plus spécifiquement de sa compétence. On peut citer la défense du pouvoir d’achat ; la baisse des prix ; la revalorisation des bas salaires, des minima sociaux et des petites retraites ; le chômage endémique ; la relance du logement social ; la situation précaire des jeunes… Mais tous ces éléments, qui constituaient le tronc commun des revendications, ne se trouvaient-ils pas dans le propre programme du Président de la République ?

Se trompe celui qui veut se tromper, s’il croit mordicus que seules les préoccupations matérielles étaient mises en avant. De façon sous-jacente perçaient des revendications plus sociétales, plus politiques, tout à fait légitimes. Car rien n’arrête une idée quand son temps est venu. Or le temps est venu d’un changement qualitatif.

Monsieur le secrétaire d’État, ne ratons pas l’occasion de le promouvoir ensemble. L’erreur aurait été de le rejeter, le meilleur serait de l’accompagner.

Quant à moi, je n’ai jamais plaidé pour une fuite en avant éperdue et encore moins pour unstatu quo mortifère dont nous subissons aujourd’hui les inévitables conséquences. La souveraineté doit être partagée partout où faire se peut.

Face à une telle situation, qui était prévisible, le rôle du politique ne réside-t-il pas dans un travail de mise en perspective pour ne pas avoir à rafistoler une fois de plus les failles et les dislocations qui se sont fait jour et qui iront s’agrandissant ? C’est ce qui a été fait avec le schéma martiniquais de développement économique et l’agenda 21. C’est ce qui a été fait en sollicitant le passage à l’article 74 de la Constitution. Ces projets ont été approuvés par les élus réunis en Congrès.

Monsieur le secrétaire d’État, je n’attends pas de vous de déclaration à l’emporte-pièce. Je ne réclame que l’écoute et la concertation la plus constructive qui soit. Tout étant dans tout, ne croyez pas que j’aie pour autant oublié la fameuse LODEOM. J’aurais préféré qu’elle reprenne son nom de baptême – loi pour l’excellence outre-mer – et qu’elle comporte des moyens plus adéquats, au moment où l’économie de la Martinique est aux urgences, tandis qu’il faut aussi préparer l’avenir.

En tout état de cause, pour que le développement endogène toujours préconisé, jamais réalisé, ne soit plus un vain objectif, encore faut-il que nos potentialités soient valorisées ; que les emplois créés ne continuent pas à nous filer entre les doigts ; que le foncier agricole ne soit plus dilapidé ; que notre autonomie fiscale soit totalement retrouvée et consolidée ; que la maîtrise du sous-sol, de la mer et des fonds marins nous soit transférée, et que notre ouverture à l’international soit acceptée.

Bref, c’est un changement global qu’il s’agit d’envisager.

En ces temps de rationnement, la LODEOM ne sera pas une loi miracle, même si elle a été copieusement amendée. J’apporterai ma contribution lors de la discussion des articles, mais qu’il me soit permis de formuler d’ores et déjà quelques remarques et propositions.

Ma première remarque concerne le schéma d’aménagement régional. L’une de ses orientations majeures est la préservation des espaces agricoles et naturels. En la matière, le constat est amer, puisqu’en dix ans, la surface agricole utile est passée de 40 000 à 26 000 hectares. Si l’on continue à ce rythme-là, rendez-vous est pris pour les prochains désordres. Sachons que la police effective du SAR se trouve entre les seules mains du préfet, ce qui suscite en permanence des appréciations conflictuelles sur son respect effectif.

Ma deuxième remarque concerne le photovoltaïque. Le Grenelle de l’environnement a préconisé de porter à 50 % la part des énergies renouvelables à l’horizon 2020, mais le photovoltaïque à terre n’est pas du tout encadré par la loi. Or les dossiers en cours couvriraient pas moins de 240 hectares. C’est une aberration de plus qu’il faut éviter. À ce rythme-là, et compte tenu de mes remarques précédentes, la Martinique sera bientôt à l’encan ; on prépare les prochaines révoltes. Il est donc urgent de légiférer en ce domaine, en encourageant l’installation de ces dispositifs sur les immeubles.

Ma troisième remarque concerne le logement social. Les livraisons se sont effondrées : en Martinique, il y en eut 258 en 2007, pour 11 000 demandes. Faut-il pour autant réduire l’importance de la LBU ? Je ne le crois pas. En effet, la problématique du logement social n’intègre pas suffisamment la vétusté et le vieillissement du bâti, dont les critères d’attribution devraient tenir compte. Par ailleurs, la défiscalisation du logement social suscite des inquiétudes, car elle reviendrait à faire dépendre celui-ci des contingences du marché. En outre, il y a un risque non voilé qu’elle se substitue à terme à la LBU. Pour ces différentes raisons, le maintien de cette dernière est souhaitable, mais son volume reste en deçà des besoins de financement.

Ma quatrième remarque concerne la zone côtière. Sur cette zone tant convoitée, le risque de bradage est évident, même à titre onéreux. Toutes les cessions de parcelles vides doivent donc se faire sur la base d’un projet d’aménagement concerté avec le maire de la ville concernée, au besoin la collectivité régionale et l’Agence des cinquante pas géométriques. En cas de revente, un droit de préemption doit être accordé au maire, à la collectivité régionale ou à l’Agence. J’ajoute qu’il serait temps de régler définitivement le problème de l’accès et de la libre circulation le long du rivage, qui font l’objet de conflits permanents.

Ma cinquième remarque concerne les très petites entreprises. En Martinique, 1 167 entreprises comptent plus de dix salariés, alors qu’elles sont 5 887 à employer entre 1 et 9 salariés et 21 776 à n’en avoir aucun. Les très petites entreprises représentent potentiellement un gisement d’emplois plus important. Or, parmi elles, on dénombre des sociétés créées dans le cadre de la défiscalisation, qui ne sont en fait que de simples boîtes aux lettres.

Ce type de sociétés représente 30 % des entreprises n’ayant aucun salarié et 55 % des entreprises créées depuis la loi Girardin, ce qui fausse les chiffres des créations d’entreprises de services. Elles servent de support au montage financier de la défiscalisation et n’ont aucun impact réel sur l’économie, car elles n’ont aucune activité réelle en Martinique. Or elles faussent, par leur vote, la représentation des entreprises ayant une activité effective. D’où un mécontentement assuré.

Ma sixième remarque est une demande. Pour favoriser la dynamique économique que l’on veut impulser, le transfert du port et de l’aéroport dans le patrimoine régional reste plus que jamais d’actualité. Je demande donc, pour la quatrième fois, que cette opération soit réalisée, au profit de l’intérêt général. J’espère que, cette fois-ci, je serai enfin entendu.

En conclusion, il est communément admis qu’après un grand coup de tonnerre, le temps s’éclaircit. Or nous venons d’en connaître un. Je souhaite donc, monsieur le secrétaire d’État, que l’horizon de tous les possibles se dégage et que s’instaure un nouvel ordre de relations et de responsabilités, dans la plus grande transparence et le plus grand respect de la démocratie. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)