DURBAN : UN ACCORD SUR LE CLIMAT ARRACHE... AU BOUT DU PETIT MATIN !

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Un accord à Durban pour un nouveau pacte mondial en 2015 

"En l'honneur de Mandela : cela a toujours l'air impossible, jusqu'à ce que ce soit fait. Et c'est fait !" : le tweet posté par Christiana Figueres, responsable de l'ONU pour le climat, à l'aube du dimanche 11 décembre traduit le soulagement des représentants des 190 pays rassemblés depuis le 28 novembre à la conférence de Durban (Afrique du Sud).

PHOTO : Maite Nkoana-Mashabane, Ministre sud-africaine des Affaires étrangères et président de la Conférence de Durban sur la Lutte contre le réchauffement climatique, se fait applaudir dimanche matin après l'adoption d'une feuille de route pour un nouvel accord mondial en 2015

La 17e conférence des Nations unies sur le climat s’est finalement achevée, à l'issue de deux nuits blanches consécutives de discussions, par un accord prévoyant d’établir d’ici à 2015 un pacte global de réduction des émissions de gaz à effet de serre, à l’origine du réchauffement climatique.

Cet accord devra entrer en vigueur en 2020. Il concernera pour la première fois tous les grands pays émetteurs, devra avoir une force légale mais ne sera pas "juridiquement contraignant", contrairement à ce que demandaient les Européens à Durban.

Le sommet s'est achevé dimanche avec 36 heures de retard en raison de divergences sur la formulation de la feuille de route, et restera, dans l'histoire des négociations climatiques, comme le record du genre.

SOULAGEMENT DIPLOMATIQUE

"Nous avons écrit l'histoire", s'est félicitée Maite Nkoana-Mashabane, ministre sud-africaine des affaires étrangères, en conclusion du sommet. "On n'a pas sauvé la planète, mais on s'engage sur un accord global", a relativisé, sur France Info, la ministre française de l'écologie Nathalie Kosciusko-Morizet.

"Nous pensons que nous avons eu la bonne stratégie et cela a marché", a pour sa part commenté la commissaire européenne pour le climat, Connie Hedegaard : "l'essentiel est que toutes les grandes économies, toutes les parties en présence se sont légalement engagées sur l'avenir et c'est pour cela que nous étions venus".

Les deux pays les plus réticents à se soumettre à des engagements internationaux, l'Inde et les États-Unis, se sont également déclarés satisfaits. "Nous avons eu d'intenses discussions. Compte tenu de la souplesse et de la bonne volonté affichée par tous, nous avons fait preuve de souplesse", a déclaré Jayanthi Natarajan, la ministre indienne de l'environnement.

"L'affaire s'est finalement bien terminée", a estimé le représentant américain pour le climat Todd Stern : "C'est la première fois que l'on va voir des pays en développement accepter d'être tenus par un accord légal sur le climat".

UN MANQUE DE PROMESSES

Reste maintenant à savoir quelle sera l'ambition de ce nouveau pacte. Les 194 pays membres de la convention climat des Nations unies se retrouveront pour en discuter au Qatar, le pays qui produit le plus d'émissions de CO2 par habitant au monde, d'ici fin 2012.

Pour l'heure, le texte adopté à Durban se contente d'acter la création d'un groupe de travail qui devra identifier " les solutions pour éliminer le fossé qui existe entre les promesses d'engagements de réduction d'émissions faites d'ici à 2020 et les efforts qu'il faudrait réaliser pour maintenir la hausse moyenne des températures en dessous de 2°C".

Un récent rapport du Programme des nations unies pour l'environnement estime que seulement 60 % de ces efforts sont aujourd'hui acquis. "Le monde reste sur une trajectoire d'un réchauffement supérieur à 3°C avec les conséquences très graves qui en découlent" a rappelé Climate Action Tracker, une organisation qui rassemble des scientifiques, à l'issue de la conférence de Durban.

"Les dommages les plus sévères du réchauffement vont être ressentis en Afrique de l'ouest et en Asie du sud. En limitant le réchauffement en dessous de 2°c, l'adaptation coûtera 50 % moins cher que si la hausse des températures atteint 3°C" explique l'organisation, en soulignant que le coût de l'adaptation pour les pays vulnérables sera d'autant plus élévé.

Certes, le texte signé dimanche matin doit obliger les plus gros pollueurs (Chine, Inde, Etats-Unis) à prendre des mesures pour réduire leurs émissions de gaz à effet de serre. Mais l'accord ne s'accompagne pas d'une hausse du niveau des promesses des pays pour mettre en pratique ces réductions, alors que ces promesses sont, déjà, considérées largement insuffisantes pour contenir le réchauffement sous le seuil de 2°C.

Les Organisations non gouvernementales ont d'une voix unanime critiqué cette absence de nouveaux engagements concrets : "une nouvelle fois, les négociations climatiques ont échoué à faire de réels progrès pour lutter contre le changement climatique. Le 'paquet de Durban' est un jeu d'illusion sans objectifs réels" a dénoncé Susann Scherbarth, des Amis de la Terre Europe.

UNE PROLONGATION DE L'ACCORD DE KYOTO

L'adoption de cette feuille permet également de prolonger le protocole de Kyoto, après son expiration prévue fin 2012. Cette décision lève les incertitudes sur la survie des "outils" de Kyoto, au premier rang desquels les "Mécanismes de développement propres" qui permettent de développer des projets fondés sur des technologies peu émettrices de CO2 dans les pays du Sud.

La prolongation de Kyoto était une revendication forte des pays en développement. Alors que les Etats-Unis n'ont jamais ratifié ce protocole, les pays émergents restent attachés au seul texte légalement contraignant sur la réduction d'émission de substances responsables du réchauffement, au premier rang desquels le CO2.

Le sommet de Durban a de nouveau été l'occasion pour ces pays de rappeller que le Nord a une responsabilité "historique" dans l'accumulation de CO2 dans l'atmosphère. Les petits Etats insulaires et les pays vulnérables au changement climatique ont également dénoncé avec violence "l'irresponsabilité" des grands pays pollueurs tout au long de la conférence.

En échange de la feuille de route signée dimanche 11 décembre, l'Union européenne a ainsi accepté de s'engager dans une seconde période d'engagement du protocole, alors que la première phase d'engagement de Kyoto doit prendre fin après 2012.

LA QUESTION JURIDIQUE EN SUSPENS

A aussi été officiellement créé, dimanche, un Fonds vert pour le climat destiné à aider les pays pauvres à faire face au réchauffement climatique. Cependant, la question centrale de l'alimentation de ce fonds reste largement sans réponse, alors que l'engagement, pris à Copenhague il y a deux ans, était d'aboutir à 100 milliards de dollars par an à partir de 2020.

L'Union européenne, qui avait mis tout son poids dans la balance pour aboutir à un accord juridiquement contraignant, a dû également se contenter, à Durban, d'un texte laissant l'avenir de cette question en suspens dans le cadre du futur pacte climatique de 2015. Face à la vive opposition de l'Inde, les Européens ont finalement accepté une formulation décrivant l'accord de 2015 comme "un protocole, un autre instrument légal ou une solution concertée ayant une force légale".


Laurence Caramel (envoyée spéciale)

 

SOURCE : LeMonde