Circonscrit à l’est par l’Océan Atlantique (plus de 82 millions de km2) et à l’ouest par la Mer des Caraïbes (moins de 2 millions de km2), l’archipel des Antilles se compose de 25 entités insulaires marquées par une forte hétérogénéité.
En dehors du fait
qu’elles présentent des caractéristiques morphologiques différentes
[des îles karstiques plates (Marie-Galante, par exemple) s’opposent à
des îles volcaniques hautes (Sainte-Lucie, Montserrat, Saba, la
Martinique, etc.)], ces îles bénéficient de situations
socio-économiques diversifiées. Par exemple, si les îles Caïmans sont
considérées comme un archipel riche, puisque disposant d’un PIB par
habitant de près de 50000 dollars (en raison de leurs activités
bancaires offshore), les îles voisines comme la Jamaïque, Cuba ou
encore Hispaniola connaissent des difficultés les conduisant à des
situations quasi insurrectionnelles.
Avant la révolution industrielle (1860), la teneur en gaz carbonique (CO2) dans l’atmosphère était estimée à 260 ppmv (partie par millions de volume). Aujourd’hui, cette teneur oscille entre 375 et 380 ppmv, et les études prospectives indiquent qu’à l’horizon 2050, cette teneur devrait dépasser 410 ppmv.
La concentration de gaz à effet de serre (le CO2, le méthane, le protoxyde d’Azote, etc.) dans l’atmosphère, bloque les rayonnements infrarouges émis par la terre, ce qui accroît la température moyenne de la troposphère. Au cours des 80 dernières années, la température moyenne de la terre a cru de + 0,6 degré Celsius et les climatologues estiment qu’au cours des 80 prochaines années, la température devrait s’élever de + 1,4 à + 5,6 degrés Celsius. Il est évident que dans ces conditions, le niveau moyen des mers devrait s’élever en raison de la fonte des glaces polaires et de celle des glaciers de haute montagne.
Pour tenter d’apprécier les variations eustatiques (variations du niveau de la mer) susceptibles d’affecter les côtes antillaises, une analyse prospective a été réalisée en partant du postulat suivant : en raison du réchauffement global de la planète, le niveau de la mer dans le bassin antillais pourrait s’élever de 1,5 mm par an. En réalité, cette hypothèse de travail est largement sous-estimée, puisque de nombreuses régions à travers le monde connaissent actuellement des variations eustatiques annuelles de + 2,5 mm à + 3 mm. Toutefois, en partant de cette hypothèse, à l’horizon 2050 le niveau de la mer devrait s’élever d’un peu moins d’une dizaine de centimètres.
Face à ce constat, mais plus encore, face à la vulnérabilité des populations antillaises, des mesures de sauvegarde devraient être prises rapidement. Si aux Etats-Unis, au Japon et aux Pays-Bas, ces questions animent les travaux de nombreux centres de recherche depuis plus de trois décennies, aux Antilles les populations semblent découvrir le problème aujourd’hui.
En Martinique, il aura donc fallu du colloque organisé les 11, 12 et 13 décembre 2006 par le Conseil Général (et cette initiative doit être saluée), pour que le grand public prenne conscience des incidences de l’élévation du niveau de la mer sur l’aménagement de l’île (1100 km2 sans arrière-pays) et plus généralement sur les 160000 personnes qui vivent en bordure côtière.
Face à cette situation, qu’est-il donc possible de faire ?
Si l’élévation du niveau de la mer est l’une des incidences les plus médiatiques des modifications climatiques contemporaines, il ne faut surtout pas perdre de vue que cela se traduira aussi par une accentuation de la fréquence et de la récurrence des ouragans. C’est donc dans cette optique qu’il faut préserver les mangroves et les récifs coralliens qui servent respectivement de zones tampons et de brise-lames naturels.
Les sociétés antillaises se trouvent donc à la croisée des chemins, car elles devront prendre prochainement des décisions qui engageront leur avenir.
Pascal SAFFACHE
Maître de conférences - Doyen de la faculté des lettres et sciences humaines (UAG)