ESCRIME - CHAMPIONNAT DU MONDE : MAUREEN NISIMA, ENFIN REINE !

Le jour de tous les bonheurs

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Sacrée championne du monde au Grand Palais, Maureen Nisima se retrouve enfin en pleine lumière. Pour l'épéiste martiniquaise, ce n'est pas un hasard si cette consécration arrive aujourd'hui. Elle estime qu'avant, elle n'était pas prête. Il lui fallait son lot de souffrances pour goûter au bonheur.



Il y a une phrase de Nietzsche qui dit, "deviens toi-même." Maureen Nisima est devenue elle-même, lundi, au Grand Palais. Enfin. Elle est devenue cette reine qu'elle a toujours voulu être, et qu'elle a toujours eu les moyens de devenir. Il lui a fallu des années pour s'accomplir. Mais ça valait le coup d'attendre. Cette consécration parisienne a tout pour être inoubliable. La voilà donc, enfin, championne du monde. Toutes derrière et elle devant. "C'est moi la plus forte!", s'esclaffe-t-elle en rigolant. Ce ne sera peut-être que la vérité d'un jour, mais c'est la vérité pour l'instant", ajoute-t-elle, assez joliment.

Sa médaille autour du cou, les yeux écarquillés, elle parait déjà profiter de chaque instant. Les vertus de l'attente. Même si elle est une gamine dans ce groupe France avec ses 29 ans, soit 10 de moins que Laura Flessel et Hjnalka Kiraly, Maureen Nisima a beaucoup roulé sa bosse depuis ses débuts internationaux, aux Mondiaux de Nîmes, en 2001. Quelques superbes performances, entre grand bonheur et immense frustration, de sa médaille d'argent aux Mondiaux de La Havane, en 2003, à celle en bronze à Saint-Pétersbourg, quatre ans plus tard, en passant par sa troisième place aux Jeux d'Athènes, en 2004. Mais jamais LA consécration, celle qui vous change une carrière, peut-être même une vie.

 

Les galères ont fait ce titre

Alors, pourquoi aujourd'hui et pas hier? Parce que ce n'était pas l'heure. Parce qu'il lui fallait sa dose de galère, de souffrance et de drames pour arriver au sommet. A chacun son chemin. La gloire précoce n'était pas pour elle. "Les galères, les doutes, les blessures, tout mon parcours, c'est ce qui a fait ce titre aujourd'hui, confie la Martiniquaise. J'ai traversé des moments très, très difficiles mais c'est parce que c'est la galère que je m'accroche. Je ne me suis jamais apitoyée sur moi-même, en me disant 'mais pourquoi est-ce que ce n'est pas mon tour de gagner un grand titre. Non, je me suis battue et je savoure aujourd'hui. Si cela avait été trop facile, cela ne m'aurait peut-être pas plu."

Pour devenir elle-même, Nisima a dû surmonter ses peurs, chasser ses démons. Digérer les souffrances. Celles que provoquent les blessures, touchant la championne dans sa chair. Voilà pour les trois opérations du poignet, celle de l'épaule, les tendinites à gogo, les muscles qui se déchirent. Celles, aussi, qui ne cicatrisent jamais, déchirant non pas l'athlète, mais la jeune femme, comme ce drame familial, en 2005, dont elle trouve la force de parler, quelques minutes après son titre. "Nous avons perdu plusieurs membres de ma famille dans un crash aérien (NDLR: Il s'agit de l'accident d'avion de la West Carribean qui s'était écrasé au-dessus du Venezuela alors qu'il était en route pour Fort-de-France, tuant ses 152 passagers et les 8 membres de l'équipage). Je pense à eux, car ils auraient dû faire le voyage eux aussi aujourd'hui pour venir m'encourager. Ils auraient été si heureux et fiers de moi."

 

"Je suis une folle furieuse qui se canalise",

Maureen Nisima s'est construite à travers toutes ces douleurs, de la plus anodine à la plus tragique. Au fil du temps, elle a aussi pu libérer sur la piste cette part de folie qu'elle possède en elle, sans que cette folie ne la détruise. "Je suis une folle furieuse qui se canalise", dit-elle pour se définir. Avant de se battre contre les autres, elle doit d'abord s'apprivoiser. Ce fut son combat. Toute sa carrière. Y compris tout au long de cette journée de lundi. "J'ai peut-être pu donner l'impression par moments que j'étais facile, mais je peux vous dire que ça a été un combat de tous les instants contre moi-même, sans quoi j'aurais très bien pu me battre toute seule", explique-t-elle.

Mais c'était son jour. Le jour de tous les bonheurs. "Franchement, je préfère être championne du monde ici, à Paris, dans cet endroit extraordinaire, que de l'avoir été à l'autre bout du monde, rigole Nisima. Non mais vous avez entendu comme ça gueule dans la salle? C'est énorme, ça m'a porté, jusqu'à la dernière touche. Les images que j'ai gravées dans ma tête aujourd'hui... Ce n'est même pas descriptible ! Je vais mettre un petit moment avant de pouvoir les raconter vraiment parce que cela m'a retournée". Rayonnante, souriante et reine du monde. Pas de doute, Maureen Nisima est devenue elle-même.

 

Laurent VERGNE, au Grand Palais / Eurospor