FAUTE-SUR-MER : 4 ANS DE PRISON FERME POUR L'EX-MAIRE RECONNU COUPABLE D'HOMICIDES INVOLONTAIRES

Approche judiciaire inédite des délits non intentionnels

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L'ancien maire de La Faute-sur-Mer (Vendée), René Marratier, a été reconnu coupable d'homicides involontaires et condamné vendredi à 4 ans de prison ferme par le tribunal correctionnel des Sables-d'Olonne, qui n'a toutefois pas délivré de mandat de dépôt, ce qui a permis à l'intéressé de repartir libre. Le 28 février 2010, la tempête Xynthia avait tué 29 personnes dans sa commune. Cette sentence, qui va au-delà des réquisitions du parquet, témoigne d'une approche judiciaire inédite des délits non intentionnels : jusqu'à présent, l'élu le plus lourdement sanctionné avait écopé d'une peine de dix mois de prison avec sursis. PHOTO : Tempête Xynthia - 29 victimes.

 


Françoise Babin, à l'époque première adjointe en charge de l'urbanisme, se voit punie de deux ans ferme et 75 000 € d'amende - la somme maximale ; Philippe Babin, ex-responsable de l'entretien des digues, de 18 mois de prison. À noter qu'un quatrième prévenu, Alain Jacobsoone, ancien cadre de la DDE, a été relaxé, tandis que la cinquième personne renvoyée, Patrick Maslin, est décédée peu après l'ouverture du procès, en septembre dernier.

Les attendus du jugement de 130 pages, dont le président Pascal Almy a proposé un bref résumé, frappent par une sévérité qui confine à la cruauté. Le tribunal, en effet, ne reconnaît aux prévenus aucune circonstance atténuante. «Les conséquences tragiques de la tempête Xynthia ne doivent rien au hasard. Il ne s'agit pas d'un drame environnemental, sur lequel l'être humain n'aurait pas eu de prise. La tempête aurait dû passer à La Faute-sur-Mer, comme en bien d'autres endroits en France ou en Europe, en laissant derrière elle son cortège de dégâts matériels plus ou moins considérables. Par les fautes pénales conjuguées des prévenus qui vont être condamnés, il y a eu 29 morts, des blessés, des personnes traumatisées durablement.»


Si le tribunal reconnaît que les services de l'État ne sont pas au-dessus de tout en ce qui concerne la surveillance de l'urbanisation galopante à La Faute-sur-Mer, il n'en conclut pas pour autant que la responsabilité des prévenus doit en être allégée. Au contraire, pourrait-on dire. Et de faire litière de la «caricature du petit maire pris dans le tourbillon d'un univers complexe», car il a «tourné le dos» à toute prudence élémentaire, «resté dans les limbes d'un monde sans repère». «L'antienne de l'élu victime d'une technocratie absconse» ne se fera jour que lorsqu'il s'est agi, pour M. Marratier, d'organiser sa défense, cinglent les attendus. «René Marratier a trouvé dérisoires les apports de la science moderne, mais a été tout aussi insoucieux de la sagesse des anciens, qui ne construisaient jamais en pareil endroit.»

 

Pour ce qui est du défaut d'information sur le risque d'inondation encouru, la juridiction pointe, là encore, la responsabilité pleine et entière de l'équipe municipale, coupable d'une «captation d'information vitale», de sorte que «le piège s'est refermé sur les victimes». «L'État est impuissant quand il est confronté à la malveillance d'élus locaux qui n'ont de cesse de faire obstruction à des démarches d'intérêt général absolument indispensables», poursuit le jugement. Et en matière d'information sur les risques, «l'État est irréprochable, sauf à considérer qu'une commune est un organisme décérébré».

 

Toujours dans sa logique, selon laquelle une catastrophe météorologique comme Xynthia était prévisible, le tribunal ajoute qu'«il est insupportable de laisser prospérer l'idée fausse que toute action était inutile pour contrer le déchaînement de la nature. C'est un pur artefact, créé de toutes pièces dans le but de se défausser de ses lourdes responsabilités. Xynthia n'a pas été un tsunami déferlant en quelques minutes sur une terre sûre, comme une création du néant. Le risque à La Faute-sur-Mer avait été étudié, était connu, qualifié, anticipé. Le fait qu'il se soit réalisé au bout de huit ans seulement, et non pas après un siècle, était un aléa temporel qui avait été intégré par les scientifiques (…) De manière délibérée, les personnes qui dirigeaient la mairie (…) ont relégué le danger au rang d'une persécution menée par une administration nocive.»

Pourquoi tant d'incurie? Le tribunal répond que les prévenus «ont intentionnellement occulté ce risque, pour ne pas détruire la manne du petit coin de paradis, dispensateur de pouvoir et d'argent. Ils ont menti à leurs concitoyens, les ont mis en danger, les ont considérés comme des quantités négligeables, en restant confits dans leurs certitudes d'un autre temps.»

 

Interrogée à l'issue de l'audience, l'une des parties civiles a déclaré: «C'est la justice.» Pendant ce temps, les avocats de la défense annonçaient leur intention de faire appel. Un deuxième procès pourrait avoir lieu fin 2015, à Poitiers.

 

VOIR : les MOTIFS DU JUGEMENT 

 Affaire Xynthia : les motifs du jugement