Le quotidien sportif accusé de diffamation
La 17e chambre du tribunal correctionnel de Paris juge vendredi le quotidien l'Equipe, accusé de diffamation par Nicolas Anelka pour avoir reproduit à sa Une les propos injurieux que le joueur aurait tenus envers le sélectionneur Raymond Domenech pendant le Mondial 2010 en Afrique du Sud
Le samedi 19 juin, un titre stupéfiant barre la première page du journal sportif: "Va te faire enculer, sale fils de pute". Ce sont, explique le sous-titre, les aimables propos tenus l'avant-veille à la mi-temps du match, alors nul (0-0), France-Mexique (0-2) par l'attaquant à qui Domenech a demandé de se repositionner en seconde période.
Une insulte, et surtout une médiatisation de l'insulte, qui débouchera sur la débâcle que l'on sait: l'exclusion d'Anelka, la grève des joueurs reclus dans un bus, l'étrange comportement de Domenech mi-victime mi-complice, la piteuse élimination, le retour honteux en France et le désamour d'un pays pour ses stars capricieuses dont l'équipe de France peine encore à se relever.
Nicolas Anelka, lui, estime qu'il n'a pas tenu exactement ces propos et que ceux-ci, prononcés dans l'intimité des vestiaires, avaient vocation à y demeurer.
En août, il avait donné sa version au journal France-Soir: "Quand le coach (...) me dit de rester devant, c'est monté direct au cerveau. Je me suis dit (...) qu'il cherchait un mec pour prendre les coups à sa place. Je marmonne dans mon coin des choses qui resteront dans le secret des vestiaires. Et qui auraient dû y rester. Mais en aucun cas ce ne sont les mots que j'ai pu lire dans L'Equipe."
Pour prouver sa bonne foi, l'attaquant de Chelsea -qui ne devrait pas apparaître vendredi à l'audience- produit des dépositions de certains coéquipiers. Il s'agit de Thierry Henry, Eric Abidal et Patrice Evra, selon la chaîne Infosport+. "J'ai assisté aux échanges, je peux donc confirmer que Nicolas Anelka n'a jamais prononcé la phrase" qui a fait la Une de l'Equipe, déclare notamment Abidal.
L'Equipe, pour sa part, s'appuie sur les témoignages des journalistes Damien Degorre et Raphaël Raymond qui ont recueilli les propos prêtés à Anelka de quatre sources vouées à demeurer anonymes.
L'ex-président de la Fédération française de football (FFF) Jean-Pierre Escalettes viendra également confirmer l'exactitude des mots prononcés. L'ex-ministre des Sports Roselyne Bachelot s'est elle dédite après avoir donné son accord pour témoigner.
La défense du quotidien sportif s'articule autour de deux axes: d'abord, l'absence totale de diffamation. Personne, dans les heures qui ont suivi les faits, n'ayant nié la véracité des propos prêtés à Anelka, exclu de l'équipe de France et suspendu 18 matches justement pour les avoir tenus. "Si nous regrettons l'incident (...), nous regrettons plus encore la divulgation d'un événement qui n'appartient qu'à notre groupe", écrivaient ainsi les joueurs dans le communiqué du 20 juin justifiant leur "grève de l'entraînement".
Enfin, L'Equipe tentera de faire valoir qu'au vu des circonstances - une équipe vice-championne du monde en plein Mondial - le sujet était légitime et n'avait rien à voir avec une supposée animosité envers Nicolas Anelka mais répondait à un "devoir d'information".