Louis Boutrin est président de Pour une écologie urbaine, une des associations plaignantes. Harry Durimel fait partie du collectif d'avocats défendant les associations et syndicats guadeloupéens ayant déposé plainte en 2007 (1).
Tous deux ont été destinataires du rapport d'expertise remis le 31 août par Luc Mulitigner et Jean-François Narbonne au juge d'instruction du pôle de santé publique du TGI de Paris.
Selon Louis Boutrin, les « conclusions du rapport viennent confirmer les hypothèses avancées dans l'ouvrage « Chronique d'un empoisonnement annoncé - Le scandale du chlordécone aux Antilles françaises » , qui avait suscité de vives controverses médiatiques, orchestrées par le lobby de la banane et les services déconcentrés de l'État » .
Il ajoute que, d'après le rapport, « 22% des hommes âgés entre 45 et 75 ans présentent un risque augmenté de 77% de survenue de cancer de la prostate et qu'une fraction de la population des Antilles présentait des situations dites à risque liées à l'utilisation massive du chlordécone dans les bananeraies. »
Puis il cite de nouveau le rapport : « Les données scientifiques disponibles au niveau international entre 1981 et 1993 tout comme celles décrites avant 1981 pouvaient renseigner avec précision et détail sur le métabolisme, la demi-vie et la toxicocinétique du chlordécone » .
Louis Boutrin conclut : « L'administration étatique connaissait parfaitement l'existence de ces données scientifiques et que ce scandale du chlordécone signe une faillite des services de l'État, incapables de gérer aux Antilles une catastrophe écologique doublée aujourd'hui d'une grave crise sanitaire. »
UN MOIS POUR FAIRE DES OBSERVATIONS
De son côté, Harry Durimel commente : « Bien que déposé avec 3 mois de retard, ce rapport constitue une avancée décisive dans la quête de justice et de vérité de la population antillaise suite au scandale du chlordécone.
Sur le fond, ce rapport Multigner-Narbonne vient conforter l'action des associations qui ont déposé plainte pour faire reconnaître que c'est en connaissance de cause que les ministres ont accordé les dérogations en vertu desquelles on a continué à nous empoisonner au chlordécone, alors que les USA depuis fort longtemps et l'Europe depuis 1990, avaient banni l'usage de ce dangereux pesticide.
Ce que confirme ledit rapport d'expertise, c'est que les autorités publiques savaient, ou, à tout le moins, n'étaient pas censées ignorer, car les connaissances sur la toxicité du chlordécone étaient acquises et disponibles dès 1981, au moins.
L'élément moral de l'infraction de « Mise en danger de la vie d'autrui » nous semble donc désormais caractérisé, c'est-à-dire la connaissance qu'avaient les décideurs publics de la toxicité et de la rémanence de ce pesticide et le choix fait délibérément de privilégier l'impact économique sur les conséquences sanitaires et humaines.
Nous, les avocats, avons 1 mois pour faire toutes observations sur ce rapport et demander, le cas échéant un complément d'expertise. »
Cécile EVERARD
** À lire : www.latribunedesantilles.net
(1) L'Union régionale des consommateurs, SOS environnement Guadeloupe, L'union des producteurs agricoles de la Guadeloupe, Agriculture, société, santé, environnement dite ASSE
LA PHRASE de Louis Boutrin président d'une des associations antillaises ayant porté plainte en 2007, « Pour une écologie urbaine »
« Le rapport d'expertise vient confirmer nos hypothèses. »
LA PHRASE de Harry Durimel avocat, fait partie du collectif d'avocats défendant les associations et syndicats guadeloupéens ayant déposé plainte
« La mise en danger de la vie d'autrui est caractérisée » .
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