Le point, six mois après la catastrophe
SEISME EN HAITI : Le 12 janvier dernier, à Haïti, un séisme d’une magnitude 7 sur l’échelle de Richter secouait la terre. Dans les heures qui suivaient commençaient les appels à l’aide internationale pour venir en aide aux milliers d’Haïtiens blessés, sous les gravats, sans toit, privés d’électricité. En France, impossible de tourner le bouton de sa radio ou de sa télévision sans entendre le spot de la Fondation de France appelant aux dons. Six mois plus tard, c’est l’heure des premiers bilans. Si vous faites partie de ces milliers de Français qui ont sorti leur carnet de chèques, vous êtes probablement curieux de savoir à quoi votre don a servi. Et visiblement, selon une étude récente de l’agence Mediaprism, votre curiosité est loin d’être assouvie puisque "seuls 35% des donateurs avaient reçu, cinq mois après la catastrophe, une ‘communication de la part des associations concernant Haïti’". Les enseignements du tsunami qui a frappé l’océan Indien en 2004 auraient-ils été oubliés? Les ONG s’en défendent et jurent leurs grands dieux avoir une communication transparente. "On a fait passer des notes internes à nos bénévoles qui les diffusent ensuite dans leurs réseaux, notre revue mensuelle a consacré quatre pages à nos actions en Haïti le mois dernier, nous évoquons la situation lors des réunions locales…", énumère Hélène Bonvalot du Secours Catholique. Le discours est sensiblement le même ailleurs. La plus grosse opération d’urgence Une chose est sûre: pour beaucoup d’ONG, les interventions menées à Haïti sont les plus importantes depuis leur création. C’est le cas aussi bien pour la Croix Rouge française que pour Médecins sans Frontières ou Handicap International. Les moyens déployés sont considérables, le nombre de travailleurs humanitaires conséquent. Forcément, ces opérations requièrent un investissement financier important. En France, l’élan de générosité qui a suivi le tremblement de terre a été tel qu’on a cru un moment dépasser les dons de 2004; en une semaine, quinze millions d’euros avaient été envoyés aux diverses organisations. Puis, au bout de quelques semaines, la couverture médiatique s’est faite plus discrète, les envois de chèques moins nombreux. Pour André Hochberg, président de France générosités, "les Etats ont tellement parlé de leur implication en Haïti que les gens se sont sentis moins concernés". Le président de ce syndicat professionnel qui regroupe les principales associations et fondations françaises souligne également le désintérêt relatif des entreprises et des collectivités territoriales pour ce coin des Caraïbes. 80 millions d’euros récoltés Six mois après le séisme, les ONG ont reçu au total entre 80 et 82 millions d’euros. Le calcul reste approximatif sachant qu’il n’existe dans notre pays aucun organisme qui comptabilise l’ensemble des dons. Le chiffre, fourni par le Comité de la Charte, mêle les dons des particuliers à ceux des collectivités publiques et des entreprises. En haut du podium se trouve inévitablement la Fondation de France. L’organisation, dont la surmédiatisation avait été critiquée par certains professionnels de l’humanitaire, a reçu 31,4 millions d’euros. Dix pour cent de cette somme serviront à des frais de gestion et de logistique. Jusqu’à aujourd’hui, la Fondation de France a versé 15,6 millions d’euros (sur 31,4 donc) à 43 projets menés par 34 ONG. En effet, cet organisme de collecte n’œuvre pas directement sur le terrain. Il affecte ses dons à des programmes d’ONG, après examen par un comité d’experts. Onze réunions de ce genre ont eu lieu depuis le début du séisme. "L’humanitaire durable" Sur la page "Solidarité Haïti" mise en ligne sur le site de la Fondation de France, le détail des montants attribués est indiqué, avec un rapide descriptif du projet bénéficiaire. Où l’on voit que l’argent envoyé par les donateurs peut servir à financer des opérations d’urgence menées par Acted ou Action contre la Faim. Mais aussi, et on peut s'en étonner, des programmes de soutien à la culture haïtienne. Martin Spitz, responsable des urgences internationales à la Fondation de France, justifie ces attributions: "Nous nous plaçons délibérément dans la reconstruction", explique-t-il, un processus qui s'inscrit dans le développement du pays sur le long terme. La reconstruction, l’après-catastrophe, l’ "humanitaire durable". C’est le credo de la plupart des ONG présentes à Haïti. La Croix Rouge française et le Secours Catholique, qui forment avec la Fondation de France le trio de tête des collecteurs pour Haïti, ne disent pas autre chose. "Sur 26,2 millions d’euros reçus, on a dépensé 6 millions pour les phases de première urgence et d’urgence", explique Jean-François Riffaud de la Croix Rouge française. Ce total comprend à la fois les dons privés et les financements des bailleurs internationaux (8,5 millions d'euros) dont bénéficie la Croix Rouge, comme les autres ONG. La prise en charge des populations dans les camps, l’accès à l’eau et à des soins, le soutien psychologique apporté aux enfants et aux adultes font partie des actions menées actuellement. Avec 26,2 millions d'euros, la Croix Rouge peut agir à Haïti pendant deux ans. Source : Youphil