Didier Robert veut "inaugurer une antenne de la Région Réunion en Inde en 2013"
"Cette conférence vient clôturer le programme AHIMSA initié en mars 2012 par l’Association Réunionnaise des relations et créations culturelles, présidée par Sabine Armoudom-Paulic. Depuis une dizaine d’années maintenant des actions de coopération ont été engagées avec le Conseil Indien des relations culturelles d’une part et le ministère des arts et de la culture de Maurice d’autre part".
"C’est un travail construit et intelligent qui a été mené tout au long de cette période et je voudrais bien sûr souligner votre engagement volontaire et déterminé, madame la Présidente, celui aussi de toute une équipe, ici à la Réunion, un engagement au service d’une coopération ambitieuse entre nos territoires.
Notre rencontre coïncide aussi, vous l’avez tous compris, avec la commémoration de la naissance du Mahatma Gandhi, le 2 octobre 1869, une date de notre calendrier déclarée par l’ONU, "Journée Internationale de la Non-Violence".
C'est donc un moment singulier qui nous réunit aujourd'hui, un moment riche de symboles, un moment riche d'humanité partagée et je me réjouis que le Conseil régional de La Réunion soit, pour ces journées, le lieu d’ancrage d’une réflexion sur la non-violence, sur la paix ici et ailleurs dans le monde, sur l'esprit de tolérance qui devrait en toute occasion guider les relations entre les hommes et entre les peuples.
Gandhi a été cet homme d’exception qui a profondément marqué de son empreinte le siècle dernier. Sa lutte pour la tolérance, pour l'égalité, son engagement pour la liberté et la démocratie constitue un socle d’exemplarité pour les peuples du monde, pour les générations d’aujourd’hui et pour celles de demain.
Nous avons beaucoup appris de lui, mais malheureusement, ces combats qui ont été les siens sont encore trop souvent ceux du moment, ceux de notre actualité. Les théâtres de guerres, de violences et d’effrois font encore tristement la « une » de nos journaux télévisés et de la presse quotidienne et magazine.
Les chocs brutaux entre les hommes, les coups portés au sein même des familles, les armes que l’on utilise avec une facilité sanglante et effroyable, les conflits civils, militaires ou religieux… marquent encore très fortement le début de ce XXIe siècle.
Nul ne peut rester insensible à ces expressions de violences, à ce regard définitif du soldat abattu, à celui de l’enfant sacrifié, à la jeune fille ensevelie sous les décombres des derniers tirs de missiles.
Nous rêvons tous d’une mobilisation plus forte des Grands de ce monde pour nous aider à mettre fin aux débordements coupables et sanguinaires. Nous rêvons tous d’une mobilisation plus forte de chacun des citoyens du monde, des citoyens devenus alors plus sensibles à la paix qu’à la guerre, plus sensibles à la tolérance qu’aux manifestations de haine, plus sensibles à la différence de l’autre qu’à l’indifférence et à la stigmatisation.
Nous rêvons tous d’un monde meilleur.
Nous rêvons tous d’un monde apaisé.
Nous rêvons tous d’un monde plus juste, plus libre, plus vrai ; un monde où la non-violence finirait par s’imposer, de manière volontaire et pacifique.
Romain Rolland, prix Nobel de littérature, qui fut un des premiers à faire connaître l’œuvre de Gandhi en France, s’est engagé dans la lutte pacifiste et anticoloniale avec pour conviction gandhienne qu’ « il faut aimer la vérité plus que soi même et les autres plus que la vérité ».
Ainsi, chaque pas en avant posé, chaque action engagée dans cette direction participent à donner droit aux paroles et aux actes des Henri David Thoreau, Martin Luther King, Nelson Mandela ou du Mahatma Gandhi.
Et je dis une fois encore le plaisir qui est le mien, celui des élus qui m’accompagnent, de pouvoir vous accueillir pour une rencontre que je place délibérément sous le signe de ce pas de plus que nous pouvons franchir, un pas de plus en faveur de la non-violence ici et ailleurs, un pas de plus pour plus d’humanité ici et dans le monde.
Nous le faisons avec humilité, mais aussi avec conviction et volontarisme.
Nous le faisons parce que nous pensons que La Réunion peut être en partie cette terre d’expression des tolérances partagées à laquelle nous croyons.
Nous ne sommes pas ici, en plein milieu de l’Océan Indien, meilleurs que les autres. Nous ne sommes pas ici toujours plus bons et plus généreux qu’ailleurs. Nous ne sommes pas ici vierges d’actes de violences de toutes sortes et de toutes natures, des actes qui finissent par enfler honteusement les pages des faits divers.
Mais nous avons peut-être ceci d’original, c’est d’avoir participer ici, génération après génération, à vouloir construire au fil des ans un savoir vivre ensemble ; un vivre ensemble frotté aux réalités d’un métissage dont nous tirons une part de vraie fierté ; un vivre ensemble assumé du mélange des couleurs et des peaux, des idées et des croyances plurielles.
Rien de parfait, encore une fois, mais un pas de plus franchi sûrement dans la longue quête d’une société rêvée de tolérance et de paix.
Et sans vouloir me départir de la fonction et du rôle qui sont les miens, je voudrais partager avec vous cette conviction d’une société réunionnaise encore fragile, d’une société pour laquelle nous devons en permanence garder toute notre vigilance, mais une société qui porte en elle aussi toutes les forces d’une cohésion que nous pouvons réussir.
Nous sommes ici Africains, Européens, Indiens, Chinois, malgaches mais en même temps devenus tous créoles et Français aussi à la fois.
La Réunion trouve cet équilibre au carrefour de trois grands piliers : la République, la famille et la foi.
La République, l’Ecole de la République participent pour beaucoup dans la saine confrontation des différences nourrie au rythme de la liberté, de l’égalité et de la fraternité.
La famille en ce qu’elle a de générosité et d’affection ; cette famille créole élargie qui fait autant de place aux très proches qu’aux plus éloignés, une famille bâtie autour des plus anciens que l’on sait aimer et respecter.
La foi enfin, parce qu’elle tient ici très justement une place singulière, enracinée et vivante, assumée et permanente.
Permettez moi ici de saluer les premiers acteurs du groupe inter-religieux de la Réunion. Chaque religion, chaque responsable religieux a su donner du corps à la tolérance de l’autre sans jamais perdre l’âme de sa propre croyance. C’est toute l’intelligence et la sagesse des hommes qui se sont impliqués à rendre possible ici ce qui apparaît comme étant tellement encore impossible dans bien d’autres endroits du monde !
Madame La Présidente, ces valeurs de tolérance, de non-violence, de dialogue et d’échanges sont, je le sais, au cœur de votre démarche. Permettez-moi de vous remercier une fois encore de l’initiative que vous portez, du travail que vous avez effectué avec l’Association Réunionnaise des Relations et Créations Culturelles et de vous assurer de notre plus entier soutien.
Je sais que ce projet ambitieux – AHIMSA - n'a pas été simple à mettre en œuvre, et le principal mérite vous en revient.
Au moment où nous renforçons les moyens de notre coopération, votre contribution prend tout son sens. Elle constitue même un élément clé de la réussite d’une présence réunionnaise mais aussi mauricienne plus affirmée et plus durable dans la zone du Grand océan Indien.
L’ouverture prochaine d’une ligne directe par la compagnie régionale Air Austral sur Chennaï contribuera sans nul doute au rapprochement de nos territoires et de nos populations, en complément de ce qui est assuré déjà par Air Mauritius.
Le fil directeur de nos relations devra être celui de rapprocher les hommes et les femmes de nos pays et de nos régions respectives. Il devra être celui des échanges culturels bien sûr mais il devra aussi participer à renforcer les contacts et les réussites économiques.
Dans des secteurs comme les énergies renouvelables, les Technologies de l’Information et de la Communication, le numérique, les industries agroalimentaires, le tourisme, la recherche, l’innovation…nous souhaitons nous affirmer comme des territoires de l’excellence française et européenne. Cette orientation est pour La Réunion une priorité.
C’est un enjeu économique majeur pour nos entreprises, c’est un défi pour notre recherche et c’est enfin une opportunité extraordinaire pour une mise en perspective de nouveaux secteurs d’activité au service de l’emploi durable.
Mais nous souhaitons le faire sur la base d’une relation vraie et sincère entre les hommes, d’une permanence des échanges entre les îles de l’Océan Indien, avec les grands voisins que sont les pays d’Afrique de l’Est, la Chine, l’Australie et l’inde bien sûr.
Votre passage, Excellence, cher Dr Karan Singh, peut marquer un tournant décisif dans le renforcement de nos actions. C’est en tout cas de cette manière que je la perçois.
Je formule d’ores et déjà le vœu que nous puissions procéder ensemble en 2013 à l’inauguration d’une antenne de la Région dans votre pays. Je sais déjà pouvoir compter sur le dynamisme des Réunionnais d’origine indienne. Une communauté forte et active qui montre que notre île a la volonté d’entreprendre, de nouer et de renforcer des partenariats solides avec l’Inde.
Je sais aussi pouvoir compter sur le volontarisme et le dynamisme de la nouvelle consule générale de l’Inde ici à La Réunion, chère Manju SETH, une vraie personnalité qui ne ménage pas ses efforts depuis son arrivée chez nous.
Excellence, nous avons fait connaissance aujourd'hui et cette première rencontre ne pouvait, je crois, bénéficier d'un meilleur prélude que ce colloque consacré à l’ouverture et à la découverte des autres.
Une formule du Mahatma Gandhi résume particulièrement bien la conviction qui nous anime : "Je ne veux pas que ma maison soit fermée de tous les côtés et que les fenêtres en soient obstruées. Je veux que les cultures de tous les pays imprègnent ma maison aussi librement que possible...".
Cette promesse d'apports mutuels par-delà les origines, cette élaboration d'un métissage et d’un espace commun, sans restriction, sans fermeture définissent finalement assez bien notre aventure, celle de l’Inde, de Maurice, de La Réunion, une aventure qui s’est construite sur le dialogue des cultures du monde, dans une longue démarche d’un métissage aux formes multiples que je crois inéluctable au rythme du temps.
Un mot enfin, si vous me le permettez encore, pour réaffirmer devant vous ce matin une autre de mes convictions et de mon engagement. Je crois en la nécessité individuelle et collective de participer à construire une terre de réussite, de tolérance et de justice, une terre épanouie à la non violence. Mais et, de la même manière, nous avons aussi en charge la responsabilité du durable, celle de la transmission aux générations futures. Je crois au respect et à la protection de notre biodiversité, à l’exigence que nous devons avoir du moindre impact environnemental.
Je retiendrai pour conclure ces mots empruntés à nouveau à Gandhi : "Vivre simplement pour que, simplement les autres puissent vivre".