S'il est vrai qu'à tous niveaux, des redressements sont à opérer, et tous genres de dérives répréhensibles sont à éliminer, il serait mal venu pour autant de vouer aux gémonies l'institution elle-même.
Il serait profondément injuste de ne pas reconnaître son rôle irremplaçable.
Sans remonter à l'époque héroïque où les pandémies décimaient une frange importante de la population, l'hôpital public a accompli courageusement sa mission, grâce aux moyens mobilisés, mais aussi grâce au dévouement et à l'abnégation du personnel et des praticiens.
Maintenant, nous devons passer à une nouvelle étape qui implique réformes, rénovations et réaménagements.
C'est le sens de la loi du 21 juillet 2009 qui tend globalement à appréhender les problèmes liés à l'Hôpital, au Patient, à la Santé et aux Territoires.
D'où un véritable remue-ménage et remue-méninges à mettre en branle dont la finalité est d'augmenter la performance des services rendus aux malades.
Toutefois, ce projet d'organisation sanitaire ne peut valablement se mettre en place sur les déficits colossaux actuels et sans engagements financiers pérennes.
A vrai dire on est déjà au bord de l'explosion
Les chiffres parlent d'eux-mêmes
En 2007, le déficit de 5 établissements sur 12 est de 10, 264 M€
En 2008, le déficit grimpe à 18,853M€ pour 6 établissements sur 12
En 2009, un summum est atteint avec 52 M€ pour 8 établissements sur 12
La conséquence immédiate est que les impayés à l'endroit des seuls fournisseurs bloquants pour uniquement le CHU, s'est élevée à 6,5M€.
Les carences importantes portent sur les produits de première nécessité et le matériel de base. C'est le patient qui en pâtit en dernier ressort.
Pour l'anecdote, le manque de films spéciaux indispensables à la radiographie a provoqué en ce début d'année, la suspension des mammographies à la Maison de la Mère et de l'Enfant. Les patients ont été orientés temporairement vers le privé.
Dans de telles conditions la sonnette d'alarme déjà tirée à plusieurs reprises, doit retentir une nouvelle fois.
Car, les causes de ces dégradations sont bien connues.
Elles ont pour nom :
- Coût d'exploitation élevé,
- Surcoûts dûs au stockage et à l'éloignement,
- Opérations lourdes peu nombreuses mais très coûteuses,
- Pertes des recettes dues à la T2A,
- Surcoûts d'improductivité estimés à 17 % après audit,
- Créances irrécouvrables de 30 M€
Etc... etc...
A cela il faut ajouter les retards en équipements à combler, les nouveaux défis à relever et la prise en compte des pathologies spécifiques.
On pense à la mortalité périnatale deux fois plus élevée qu'en France
On pense à la prévalence du diabète et de l'obésité et des maladies qui en découlent.
On pense à la montée inquiétante de l'hypertension artérielle avec la cohorte de ses conséquences : l'infarctus, l'AVC, l'insuffisance rénale.
On pense à la drépanocytose, à la poly- toxicomanie, à la maladie d'Alzheimer et au vieillissement déjà en cours de la population.
Il ne s'agit nullement d'assombrir le tableau mais de dresser un état des lieux le plus objectif et le plus exhaustif qui soit.
Je ne peux terminer sans évoquer le secteur de la psychiatrie sur lequel j'introduirai une question particulière vu le temps qui m'est imparti aujourd'hui.
Face à une telle situation particulièrement difficile, Madame Roselyne BACHELOT, alors Ministre de la santé a présenté en 2009 un plan spécifique dénommé « Plan Santé Outre-mer »
Ce plan préconise une carte sanitaire complètement reconfigurée.
Ce projet risque d'être compromis si certains préalables ne sont pas traités :
-Résorption des déficits,
-Financement des créances irrécouvrables grevant la trésorerie des établissements,
-Elargissement et financement des missions d'intérêt général et spécifiques pour les activités médicales coûteuses et nécessairement déficitaires compte tenu de l'échelle de la population.
-Révision du coéfficient géographique de 25% à 28%.
Cette revalorisation est destinée à compenser les surcoûts réels observés en Martinique après calculs sur place.
-Concertation fructueuse avec le personnel hospitalier toutes catégories confondues.
En conclusion,
l'Hôpital public n'est-il pas la clef de voûte du système de santé ?
Sa mission n'est-elle pas d'assurer avant tout, l'égalité d'accès aux soins de tous ?
Sa réorganisation pour rendre cette mission plus efficace ne doit- elle pas se faire sans casses inutiles ?
Alfred MARIE-JEANNE
Paris le 03 mars 2011