LA DOMINATION EUROPEENNE DE 1850 A 1950

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Comprendre l’histoire de son pays,  c’est également  pouvoir  l’insérer dans un ensemble plus vaste : l’histoire du capitalisme colonial et impérialiste. Mais c’est aussi savoir qu’il n’y a pas de système économique injuste qui n’ait pas été confronté à la lutte des travailleurs, à celle des peuples  et des nations. L’économie capitaliste mondiale actuelle  n’est pas une fatalité, ni une  espèce de monstre incontrôlé  devant laquelle les hommes  seraient résignés. Elle est faite par les hommes et pour les hommes.Nous sommes en 1850, en France, sous la Seconde République qui vient d’abolir l’esclavage dans toutes les colonies. Cette république ne fera pas long feu car, le 2 décembre 1851, Louis-Napoléon BONAPARTE  prend le pouvoir. La colonisation ne va pas tarder elle aussi à connaître un « second souffle ».

    La domination de l’Europe sur le monde date déjà de plusieurs siècles. Mais à partir de 1850, cette domination s’étend  à la planète  entière, et particulièrement à l’Afrique qui sera « partagée » par les puissances  européennes entre  elles. C’est  la Grande-Bretagne qui  exerce  le plus  sa suprématie industrielle et commerciale, suivie par la France et, plus tard, par l’Allemagne et l’Italie. Si le continent américain échappe  de plus en plus  à cette domination pour entrer dans l’orbite des USA, jeune république industrielle, le prestige culturel, scientifique et technique du vieux continent reste intact.  

A un capitalisme mercantile, encore esclavagiste, succède un capitalisme de la finance bancaire et  des grands trusts: ce capitalisme a certes  besoin de « colonies classiques » de peuplement ou d’exploitation directe, mais sa puissance d’investissement  de capitaux va lui permettre de se constituer de  véritables empires coloniaux sur la base de protectionnismes nationalistes lui permettant d’écouler davantage sa production manufacturière et d’accroître sa capacité d’extraction de matières premières.

     Cela dit, l’Europe sera-t-elle capable de maintenir de si vastes « empires » sur le dos de peuples asservis sans que ces derniers ne s’organisent progressivement pour résister, souvent à la faveur de conflits mondiaux qui minent une telle domination ?

     Durant  trois siècles, l’expansion coloniale de l’Europe sera presqu’essentiellement tournée vers l’Amérique si l’on excepte les Philippines et les Indes néerlandaises et quelques implantations de colons, britanniques en pays australs, et français en Algérie. En 1850, la plupart de ces vieilles colonies du Nouveau Monde ont arraché leur indépendance (1783, USA)et sont passées sous une forme néocoloniale, sans avoir pour autant réglé partout le problème de l’esclavage. En Europe, la Grande-Bretagne et la France reprennent leur expansion coloniale. La première, après Trafalgar, a gagné définitivement la suprématie maritime au 19e siècle. Ce sont ses navires marchands qui sillonnent à 70% les mers. Londres acquiert le monopole des assurances navales ; mais elle est également une place financière incontournable (cf. la City) qui gère la majorité des flux financiers, y compris français. Ce sont d’ailleurs les milieux financiers de ces deux pays qui vont favoriser cette sorte de «coexistence coloniale » franco-britannique qui évoluera en Entente cordiale avant 1914.

     Après l’écrasement de la révolte des Cipayes en 1857, l’Inde devient un empire associé  à la Couronne britannique en 1876. Avec le Canada (1763), l’Afrique du Sud (1814), l’Australie (1823) et la Nouvelle-Zélande (1843)  la Grande-Bretagne s’est déjà constituée un empire de peuplement impressionnant.

     La France, elle, sous le Second Empire – après son échec au Mexique – consolide sa position en Algérie. Elle impose sa présence en Indochine après l’occupation de Saïgon (1863), au Cambodge (protectorat de 1863), au Sénégal par les expéditions de Faidherbe (1854-1865). Toutefois, différentes guerres en Europe (de Crimée-1856, d’Italie-1859 et franco-prussienne-1870) font passer au second plan l’interventionnisme colonial. Toutefois, deux  jeunes nations, l’Allemagne et l’Italie, apparaissent sur l’échiquier mondial. En 1874, la France étend son protectorat sur le Tonkin (traité de Hué).

     En 1880,  la colonisation  s’accélère. Le général GALLIENI  conquiert  le Soudan. La France impose un protectorat à la Tunisie (1881), tandis que le royaume du Maroc est contraint d’ouvrir ses frontières commerciales. De 1883 à 1886, le Gabon et le Congo sont colonisés. La France s’implante de plus en plus à Madagascar et en Indochine (1887). De son côté, la Grande-Bretagne tente de s’implanter au Moyen-Orient et en Extrême-Orient (Iran, Irak, Birmanie, Afghanistan) après qu’elle eut occupé militairement le canal de Suez. Les rivalités franco-britanniques (cf. l’incident de Fachoda) et anglo-russes (cf.Chypre – 1878) d’un côté, les ambitions allemandes de l’autre, poussent tous les Etats européens à organiser la « compétition coloniale ». La Conférence de Berlin  (1884-85) définit les critères d’occupation et d’accord tacite entre Européens en Afrique. En 1899, la Grande-Bretagne occupe totalement l’Afrique du Sud en éliminant les vieux états de colons hollandais (cf. Guerre des Boers). A la veille de la première conflagration mondiale (1914), on peut dire que le partage de l’Afrique est achevé. Le Portugal, bien qu’économiquement faible, possède le Mozambique, l’Angola, la Guinée-Bissau et les îles du Cap-Vert. L’Espagne contrôle le Rio de Oro, la Guinée Equatoriale et la petite ville de Ceuta. L’Allemagne s’octroie la Namibie, le Cameroun et le Tanganyika(1911).

     Quant à l’Italie, après avoir conquis l’Erythrée (1890) et la Libye (1911), elle dispute la Somalie aux Anglais, mais échoue dans sa tentative de coloniser l’Ethiopie (défaite d’Adoua – 1896). En Océanie, la France acquiert la Nouvelle-Calédonie (1853) et Tahiti (1880).

     Parallèlement à tous ces évènements, la Belgique avait pu s’octroyer l’immense bassin du Congo par une série d’actions diplomatiques visant à contrer les visées françaises (Brazza), anglaises et portugaises et par le biais de l’acquisition d’un fief monarchique nominale !

   Mais le continent chinois n’avait pas été oublié. Dès 1823, les Britanniques avaient déclenché ce l’on a appelé la Guerre de l’opium. Après l’occupation de Changaï, ils obtiennent Hong-Kong (traité de Nankin – 1842). En 1857, une nouvelle guerre franco-britannique entraîne finalement l’occupation de Pékin (1860). Les Occidentaux obtiennent des Concessions, territoriales et portuaires. La Chine devient ainsi une semi-colonie et les empereurs sont contraints d’accepter le découpage à vif de leur empire, car dans le nord les Russes et les Japonais vont « se disputer » la Corée et la Manchourie. La guerre finit par éclater entre ces deux impérialismes. Le Japon inflige une défaite militaire et navale  humiliante à la Russie (Tsou-shima 1905) : c’était la première fois qu’une nation non européenne triomphait d’un empire occidental. Mais en attendant que ce nouveau venu en vienne plus tard à affronter les Américains et les Européens dans l’immense Pacifique, les nations impérialistes, sur le continent européen même, ne tardèrent à en découdre entre eux dans ce qui fut la première « boucherie moderne ».

   La Grande-Guerre 14-18 est la résultante des contradictions nationalistes purement européennes, de l’expansionnisme territorial allemand « in situ » et d’une volonté d’imposer par la force un nouveau partage colonial. Mais, cette conflagration va affaiblir non seulement les rapports sociaux de sujétion au sein même du vieux continent (cf. révolution russe), mais encore la belle harmonie architecturale des empires coloniaux. Pourtant ces derniers sont à leur apogée à la fois économique, idéologique et politique. Qui ne se souvient des manuels d’histoire et de géographie d’avant et d’après-guerre exposant des planisphères colorés où l’empire français juxtaposait celui de Grande-Bretagne, avec en exergue l’existence de « quatre races » ? L’Empire britannique compte près de 30 millions de km2 et 400 millions d’habitants. L’Empire français  environ 10 millions de km2 et 70 millions d’hommes. C’est avec ses mêmes « colonisés », encadrés d’officiers « métropolitains » que les colonisateurs vont conquérir par la violence d’immenses territoires. Ce sont ces mêmes « indigènes » qui seront recrutés souvent de force pour défendre la « Mère-Patrie » (600.000 soldats et 200.000 travailleurs pour la France) en 14-18.

     La domination coloniale fonde sa légitimité sur la supériorité affirmée de la « race blanche ». Jules Ferry, le fondateur de l’Ecole républicaine, parle du «devoir » des « races supérieures » à civiliser les « races inférieures ».L’idéologie de supériorité raciste imprègne tous ses acteurs : administrateurs, colons, soldats, missionnaires, médecins... Les Africains et les Asiatiques sont des peuples-enfants qu’il faut civiliser. Le Code de l’indigénat en Algérie et dans l’Afrique subsaharienne fait penser,par certains articles, au Code Noir de Colbert. Le « métissage ethnique » est condamné, particulièrement chez les Britanniques, moralement chez les Français, et ignoré chez les Portugais ! Cette hiérarchie raciste (car elle n’est pas raciale), aboutira à l’Apartheid juridique en Afrique du Sud (1911). Mais cette domination idéologique s’appuie également sur la puissance technique, scientifique et militaire des colonisateurs aux yeux des colonisés. Il fut souvent assez facile de trouver des « collaborateurs indigènes », d’acheter matériellement la conscience de rois ou de petits chefs locaux et de former dans des écoles de la «Métropole » des sous-cadres autochtone dociles. Le cas des administrateurs antillais ou réunionnais fut, à ce titre, assez singulier : René MARAN (prix Goncourt 1921),Guy TIROLIEN (poète) et quelques autres dénoncèrent implicitement la colonisation française en Afrique, au côté d’Andre GIDE (« Voyage au Congo »), de MEMMI en Tunisie et de FANON, psychiâtre en Algérie.

   Cela dit, la colonisation britannique, héritière d’une féodalité monarchique, fut paradoxalement davantage portée vers une organisation autonome de leurs colonies : le self governement ; alors que la France, héritière d’une centralisation féodale et républicaine, s’accrocha farouchement à la doctrine de l’Assimilation jacobine : c’est ce qui fait qu’elle eut à faire face (si ce n’est encore) à des processus dramatiques de décolonisation (cf. Indochine, Algérie et, aujourd’hui, Nouvelle-Calédonie, etc.).

      En 1931, le Maréchal Lyautey – un ancien de la coloniale – organise à Paris l’Exposition Coloniale Universelle afin d’exalter la mission de la France à l’égard de «ses enfants ». Avec le recul, on sait aujourd’hui comment fut organisée et instrumentalisée cette opération de propagande, dans l’unique but d’abuser le peuple français au sein duquel s’élevaient de plus en plus des voix discordantes (cf. les Communistes, les Surréalistes). La propagande fit longtemps croire aux Français que la colonisation ne générait que des bienfaits, pour les peuples colonisés, pour le prestige et l’économie de la France.

      En réalité, l’aventure coloniale, liée depuis Christophe COLOMB à l’expansion capitaliste de l’Europe, fut, comme le dit Aimée CESAIRE dans « Discours sur le Colonialisme », une immense opération de pillage et d’asservissement du Tiers-Monde, sous réserve que des Européens aient tenté de l’expérimenter « à domicile » (cf. Guerres innombrables, massacres inter-ethniques, pogroms de Juifs, nazisme). La production de matières premières( minerais, produits agricoles, sève d’hévéa, bois précieux, etc.) va de pair avec l’installation d’infrastructures ferroviaires, routières et portuaires : le travail forcé tuera des milliers d’Africains (cf. port d’Abidjan, chemins de fer des deux Congos, mines du Transval, etc.). Dans les Indes Néerlandaises, un véritable esclavage est mis en place dans les plantations d’hévéa. La colonisation bouleverse  et la démographie, et les modes de vie des pay- sans africains. L’exode rural crée des sous-prolétariats urbains. Dans les ports et les grandes villes d’intérieur, les quartiers indigènes se démarquent des quartiers européens. Au Maghreb, à la médina ou à la casbah des Musulmans s’oppose le centre-ville des Pieds-Noirs (cf. Bab El Oued à Alger).Cette ségrégation urbaine recoupe en fait une ségrégation culturelle et cultuelle. Après la Grande-Guerre, seuls les dominions britanniques accèdent à la souveraineté (Australie, N.-Zélande, Canada, Afrique du Sud) :à l’évidence, ils sont peuplés d’originaires européens ! Dans les autres colonies britanniques et néerlandaises, des assemblées élues généralement sur la base d’un suffrage restreint, « assistent » un pouvoir exercé depuis Londres ou Amsterdam. Dans les colonies françaises, c’est généralement le statu-quo. Les colons s’opposent farouchement à toute évolution progressiste. Cependant, malgré une répression politique et militaire souvent féroce,  des résistances voient le jour.

 

     En effet, les Traités de Versailles (1919) et de Sèvres (1920) avaient provoqué une redistribution des possessions allemandes et turques, sous l’égide de la SDN (Société des Nations) au profit de la Grande-Bretagne, de la France, du Japon qui obtiennent des « mandats ». L’Italie fasciste avait conquis l’Ethiopie au mépris des « règles internationales » (1935-1936). La France et l’Espagne s’étaient mises ensemble pour écraser la révolte du Rif (cf. Abd-el-Krim – 1925-1926). Bref, que ce soit dans les  colonies, les départements algériens, les dominions, les protectorats ou les mandats, l’ordre semblait régner, à la veille de la deuxième conflagration mondiale, si l’on excepte l’opposition à peine voilée, au Moyen-Orient, des populations arabes aux mandats franco-britanniques.

    La résistance apparaît d’abord au niveau des élites autochtones qui refusent de plus en plus d’être des «béni-oui-oui » (Algérie) ou des maharadjahs d’apparat (Inde). En Afrique subsaharienne, les cadres antillais (cf. le Gouverneur Félix EBOUE au Tchad) alimentent, à leur corps défendant, des espérances de souveraineté et de dignité. Beaucoup de Maghrébins et d’Africains ont vécu ou ont été formés en Europe ; ils  peuvent comparer les niveaux de vie, l’attitude plus fraternelle des Européens chez eux par opposition à celle des colons sur place ; ils ont été pénétrés des idées socialistes ou communistes.  D’ailleurs, la Gauche française (cf. Front Populaire, SFIO et PCF) sont favorable, à des degrés divers, à l’émancipation des peuples colonisés.

     Mais la première résistance anticolonialiste vint de l’Inde. Au cours des années 20, le Parti du Congrès, fondé en 1885, exerce une forte influence sur les populations indiennes, grâce à l’action du mahatma GANDHI (de son vrai nom Mohandas KARAMCHAND). Ce dernier appelle à la première désobéissance civile en 1920. Dix années après, il organise la « marche à la mer » pour briser le monopole de l’Etat britannique sur l’extraction du sel. GANDHI, par son courage serein, ses grèves de la faim et sa doctrine de la résistance passive, force l’admiration même d’une partie de l’opinion britannique et oblige le gouvernement de Londres à accorder aux Indes une relative autonomie. En 1942, en prison avec NERHU il encourage la désobéissance civile qui paralyse les transports militaires du front de Birmanie. De toute évidence la Deuxième Guerre Mondiale a des conséquences désastreuses sur les empires coloniaux

      La défaite des grandes puissances coloniales continentales en Europe même (France, Belgique, Pays-Bas) en 1940; l’humiliation des Britannique qui capitulent à Singapour devant une armée asiatique et l’occupation des colonies hollandaises et françaises par les Japonais; tout cela porte atteinte à l’image sacro-sainte du « blanc invincible ». La propagande nazie et nippone  ’est pas non plus en reste en la matière, flattant les nationalismes arabe, birman, vietnamien et indonésien. Toutefois, quoi qu’on en dise, ces peuples d’Outre-Mer choisissent le plus souvent de combattre les fascistes nippons ou hitlériens que de collaborer. Grâce à EBOUE au Tchad et à la colonne LECLERC, le gouvernement de la Résistance à Londres, celui du général DE GAULLE, peut « entrer dans la guerre ».La dissidence aux Antilles, le ralliement de l’Océanie et le débarquement américain au Maroc et en Algérie en 1942, permettra au GPRF1 d’Alger de constituer la 2eDB et le CEF (Corps Expéditionnaire Français) en Italie. En Alsace, lors de la campagne 44-45, la 1ère Armée de DE LATTRE DE TASSIGNY sera, pour l’essentiel, composée et encadrée de «coloniaux », autochtones ou jeunes colons du Maghreb.

     Dans le même temps, dans les maquis indochinois, le communiste HO CHI MING crée le Viet-minh (Front pour l’Indépendance du Vietnam). En Asie, profitant du retrait japonais, le leader nationaliste  SUKARNO proclame l’indépendance de l’Indonésie. Le 2 septembre 1945, HO CHI MING proclame, lui aussi, la République Démocratique du Vietnam. Dans tout le Maghreb, des nationalistes du Néo-Destour (Habib BOURGUIBA) en Tunisie, de l’Istiqlal (le roi MOHAMED V) au Maroc et de l’Algérie (les élus musulmans unanimes) profitent de la présence des Américains, « favorables » à l’émancipation des peuples colonisés, pour manifester leur désir de changement. Mais, en 1945 des émeutes  à Sétif sont durement réprimées. Elles marquent une rupture définitive entre colons et Algériens, entre la France et l’Algérie. A l’autre bout de l’Afrique, des militaires malgaches et des patriotes se soulèvent contre l’arrogance et l’injustice des Français. Ils sont massacrés par milliers. On estimé ces massacres à 50.000! A la même époque, l’aspiration à l’Assimilation des élites intellectuelles des « vieilles colonies françaises » (Guadeloupe, Martinique, Guyane et Réunion) trouve un écho dans un Gouvernement gaulliste allié aux socialo-communistes. Le lobby béké et blanc créole freine ce processus, mais finalement s’en accommode dès l’instant où se maintient le statu quo économique et que l’Administration coloniale «coopère » (cf. fraude électorale massive, répressions, privilèges concédés en 1952 aux fonctionnaires « autochtones »).Ces pays deviennent  alors des Départements français.   

      C’est dire qu’au lendemain de la guerre, les métropoles tentent de reprendre le contrôle de leurs colonies. Mais le réveil des consciences est général, encouragé par les idées communistes. En Indonésie, les Pays-Bas alternent, de 1945 à 1949, accords successifs et répressions militaires. Mais, sous  la pression  des Etats afro-asiatiques  qui se réunissent à Delhi, celle  des Etats-Unis assurés par l’écrasement des communistes indonésiens et celle de l’ONU, les Pays-Bas reconnaissent l’indépendance de l’Indonésie.

      En Inde, les Britanniques accélèrent le processus de souveraineté. Des élections ne règlent pas le conflit inter-religieux ; la violence s’installe et le 28 Août 1947, la Grande-Bretagne, par la voix de Lord MOUNTBATTEN, dernier vice-roi de la dite-colonie, proclame l’indépendance de l’Inde et du Pakistan. Cette partition provoque la mort de plus 500.000 personnes et la migration de 12 millions d’Indiens et de Pakistanais. Le Sri-Lanka et la Birmanie accèdent également à l’indépendance ; la Malaisie le sera en 1957 et Singapour l’année suivante. En 1948, GANDHI est assassiné.

     En Indochine, sous l’impulsion personnelle de DE  GAULLE et du lobby colonial indochinois, des contingents de la 2e DB débarquent à Saïgon. Le Général LECLERC signe un accord d’indépendance avec le Vietminh, le 6 mars 1946. Mais, plus tard, relevé de ses fonctions, il cède sa place à un jusqu’au-boutiste, l’Amiral D’ARGENLIEU, qui fait bombarder Haïphong (il y a des milliers de morts). Le Vietminh entre alors dans la guérilla. Il est soutenu par la Chine devenue communiste depuis 1949 et par l’URSS. Les Français, eux, sont appuyés voire financés par les Américains. L’aventure s’achèvera dans les tranchées sanglantes de Dien-Bien-Phu en 1954 et par les Accords de Genève.

    En conclusion, durant un siècle, une Europe arrogante et impérialiste s’est partagé le monde. De nombreux peuples africains, des plages d’Alger à celles du Cap, se retrouvent asservis ou ségrégés dans leur propre pays. De même en Asie, Britanniques, Français et Néerlandais renforcent l’exploitation de d’anciennes colonies (Inde, Insulinde), imposent par force ou par intimidation leur domination économique à de nouveaux peuples (Birmanie, Laos, Cambodge et surtout Indochine). Par le jeu de la préférence impériale, ces immenses territoires fournissent soldats et mains d’œuvre serviles afin de mieux piller des richesses minières et agricoles de ces pays, afin d’établir des infrastructures essentiellement destinées à asseoir leur souveraineté et à exporter. Souvent basée sur une idéologie raciste de sous-humanité et d’indigénat humiliante, ou encore sur un soi-disant élan bienfaiteur d’avoir à civiliser les « races inférieures, cette domination a généré comme dit CESAIRE des « monceaux de cadavres » et une pauvreté endémique. Elle a greffé une grande injustice sur de vieilles injustices, si ce n’est en jouant sur ces dernières pour justifier son interventionnisme.

     Toutefois, inéluctablement, la résistance va de plus en plus naître et se répandre. Les nations colonisatrices elles-mêmes, confrontées à leurs divisions et à des impérialismes nouveaux, ne pourront pas empêcher l’éveil des consciences et les luttes de ces peuples et nations asservies pour leur indépendance et leur liberté. De 1850 à 1950, le temps des conquêtes et des pacifications connaîtra son apogée pour finalement entrevoir déjà celui de son déclin.

Titor  07.02.2007

1. GPRF : Gouvernement Provisoire de la République Française.