Après le séjour tunisien de MAM, Fillon à bord d'un avion de Moubarak
Matignon reconnaît, dans un communiqué, que le Premier ministre a emprunté un avion «de la flotte gouvernementale» égyptienne pendant ses vacances de Noël, quelques heures avant la parution de ces révélations dans le Canard.
Quart d’heure de flottement à la sortie de la séance des questions au gouvernement, à l'Assemblée. Christian Jacob, patron des députés UMP, file à l’anglaise: «Je vais prendre trois minutes pour regarder le communiqué.» Un autre élu de la majorité veut aussi lire le texte dans son coin avant de revenir le commenter. Bruno Le Roux se fait prêter un smart-phone pour découvrir, à son tour, la ligne de défense de Matignon.
Il y avait bien «une rumeur» qui circulait dans la journée, dit le porte-parole des députés PS qui, pointant à nouveau les pérégrinations tunisiennes de la ministre Michèle Alliot-Marie, avait d’ailleurs glissé auparavant, dans l’hémicycle, une allusion à «une pratique du jet privé peut-être généralisée dans ce gouvernement».
La confirmation est tombée en pleine séance de questions, via ce fameux communiqué des services du Premier ministre: François Fillon a été hébergé par le gouvernement égyptien d’Hosni Moubarak, pendant ses vacances de Noël. Des «précisions» apportées, se vante Matignon, «dans un souci de transparence»... ou plutôt pour devancer de quelques heures la parution du Canard enchaîné, qui révèle ce second voyage embarrassant pour le gouvernement.
(La une du Canard de ce mercredi)
Excursion à Abou-Simbel et sortie sur le Nil
Après l’utilisation du jet privé d’un ami et homme d’affaires tunisien, par MAM sous le feu de la polémique depuis une semaine, Fillon à bord d’un appareil «de la flotte gouvernementale» égyptienne donc. On récapitule: d’après l’hebdo satirique, le Premier ministre, en vacances en famille du 26 décembre au 2 janvier, à Assouan, s’est, à cette occasion, rendu pour une excursion à Abou-Simbel, à bord d’un avion de Moubarak. Matignon confirme et ajoute qu’il «a également effectué une sortie en bateau sur le Nil dans les mêmes conditions», comprendre, à l’invitation du raïs égyptien.
Pour le voyage Paris-Assouan, par contre aucun malaise, promet le communiqué: c’est «un Falcon 7X» du gouvernement français qui a été mobilisé, selon l’usage habituel pour le chef du gouvernement. Un trajet aux frais de Fillon: «S’agissant d’un déplacement privé, son billet et celui des membres de sa famille lui sont facturés, sur ses deniers personnels, au tarif établi par l’armée de l’air, conformément à la règle qu’il s’est lui même fixée et qu’il applique à chaque déplacement privé.»
«Chercher la petite bête»
Retour à la Salle-des-Quatre colonnes, ce mardi, où la majorité improvise. Eric Ciotti (UMP), sans filet: «Le Premier ministre voyageait dans le cadre d’un voyage privé. En même temps, il est en relation avec le chef de l’Etat du pays dans lequel il passe ses vacances, une personnalité qui compte. Je ne vois pas où est le problème. [...] La démocratie est en danger si on va regarder où chaque élu passe ses vacances.»
Lionnel Luca, agacé par un «acharnement», trouve qu’on «cherche la petite bête à tout prix». Jérôme Chartier a révisé en vitesse et rappelle que Moubarak, «alors qu’on est fin décembre 2010, est considéré comme un des éléments de stabilité du Proche-Orient et le vice-président de l’Union pour la Méditerranée». Sans compter que décliner l’offre aurait, selon lui, froissé: «Refuser l’invitation d’un pays étranger quand on est Premier ministre, n’est-ce pas une forme d’affront à l’Egypte tout entière?»
«On se croit tout permis dans la République»
La gauche, après avoir maintenu la pression sur la ministre des Affaires étrangères, a beau jeu d’enfoncer le clou. «On ne mélange pas les genres, on ne profite pas de sa fonction pour se faire offrir tel avantage, c’est aussi simple que ça, ça s’appelle l’éthique», sermonne le socialiste André Vallini. Noël Mamère (Verts) dénonce des «relations incestueuses avec des crapules» et regrette qu’on passe les droits de l’homme à la trappe «lorsqu’il s’agit d’aller bronzer sous le soleil de Méditerranée».
Bruno Le Roux (PS) déplore «une défaite supplémentaire pour la République», «une confusion la plus totale» au sommet de l’Etat: «on se croit tout permis dans la République.» Après les appels à la démisssion de la ministre des Affaires étrangères, le PS va-t-il réclamer le départ de Fillon? «Il ne s’agit pas d’un ministre qui a caché les choses, nous allons regarder les faits», nuance-t-il, tandis que Jean-Marc Ayrault, chef des députés socialistes, interpelle directement Sarkozy: «Va-t-il prendre ou non ses responsabilités en mettant plus de respect et d’exemplarité à la tête de l’Etat?» Celui-ci rêvait sans doute d'un contexte un peu plus favorable avant son émission de jeudi «face aux Français».