Milieux insulaires : la consigne du verre mérite réflexion.

emballagesco2.jpgAux Antilles, la consigne du verre devrait susciter une réflexion et une prise de position des partis politiques et écologistes qui revendiquent un développement durable de nos pays. 
Les tarifs pratiqués sur les boissons locales, eau, jus, bières, rhum sont extrêmement élevés; n’oublions pas que les emballages contribuent à hauteur de 20% dans le prix des aliments achetés mais encore que ces emballages présentent des risques majeurs de pollutions.

 

Consigne du verre... C'est sans conteste une question qui revient régulièrement sur le tapis et qui fait grincer des dents dans les milieux autorisés.
 
Et pourtant nombreux sont ceux qui se souviennent « du bon vieux temps » où l'on ramenait les chopines  de lait, de rhum... chez le commerçant du coin. L
 
e problème est que le commerçant du coin se fait rare au bénéfice des super et hyper marchés qui vendent de l'emballage à gogo et des produits conditionnés dans du non consigné...

  S'il est un sujet récurrent en matière de recyclage d'emballage en verre, c'est bien la consigne. Pas un colloque, pas un congrès ou une conférence de presse sans que la question ne soit posée, au grand damne des professionnels du recyclage qui n'y sont pas favorables et qui se donnent un mal de chien pour faire passer le message.

Coutume ou initiative récente, la consigne reste à l'honneur

La consigne est pratiquée dans plusieurs pays européens avec plus ou moins de succès. « Suivant les cas, il s'agit d'un héritage historique ou d'une initiative plus récente conditionnée par des rapports de force entre producteurs et distributeurs de boissons ». Cela étant, c'est aussi, et il est important de le noter, l'une des solutions référencées dans la directive européenne relative aux emballages et déchets d'emballages...

Elle est préconisée par des analyses coûts bénéfices dans certains cas de figure...

Dans le cas qui nous occupe, il est important de rappeler que 80% des emballages en verre mis sur le marché sont destinés à la boisson.

 
La question de la consigne des emballages se pose comme une alternative à un système existant de collectes sélectives dont les rendements sont déjà très satisfaisants et dont le modèle organisationnel et économique est très différent (on parle d'autres acteurs et d'autres niveaux de coûts).

Pour mémoire on rappellera que les emballages en verre mis sur le marché sont récupérés par les collectivités locales, en conteneurs ou en porte à porte, pour être préparés chez les traiteurs avant d'être réinjectés dans les fours verriers qui fabriqueront, grâce à cette matière première (calcin), de nouvelles bouteilles et emballages en verre...

Ce système on le sait, est en partie financé par les cotisations versées par les metteurs sur le marché d'emballages à Eco-Emballages et à Adelphe ainsi que par la filière verre, qui apportent un soutien financier aux collectivités locales.

A chaque étape, l'intervenant apporte une valeur ajoutée.

La question se pose aussi de savoir si la consignation est une solution au problème actuel du tri par couleur des emballages collectés pour le recyclage afin de répondre aux besoins du marché...

Collecte sélective « Vu comme une alternative au système actuel de collectes sélectives, il nous semble nécessaire de comparer les coûts de ces 2 systèmes ; d'une part les coûts internes, c'est à dire ceux en rapport avec la logistique, l'organisation et les contrôles et d'autre part, les coûts externes, c'est-à-dire ceux qui n'entrent pas directement dans le modèle économique classique car ils ne sont pas monétarisés, mais qu'il convient de prendre en compte car ils reflètent l'impact sur l'environnement ainsi que la faisabilité pour le consommateur.

Il faut encore préciser qu'il y a deux types de consigne ; celle  des emballages réutilisables et celle des emballages à usage unique. Ces deux types de modèles ont des structures et des coûts très différents »....

 Des coûts divers et très variés...

Dans le modèle de la consignation des emballages réutilisables, le consommateur est invité à ramener l'emballage vide au point de vente afin de récupérer le montant de la consigne. L'emballage vide remonte ainsi la filière de distribution, pour être lavé et à nouveau rempli. Dans ce schéma, les collectivités locales sont extérieures et  donc... non impliquées.

Cela étant, ce système est relativement onéreux car il implique des coûts supplémentaires et non négligeables au niveau de la distribution, à savoir :

  -la rémunération du personnel pour la reprise des bouteilles vides et le remboursement aux ménages et/ou le coût des automates de reprise ;

  -des coûts de stockage dans des espaces en principe dédiés à la distribution et relativement chers ; de plus, ces lieux ne sont pas agencés pour faire « déchèteries »...

 -le comptage individuel des pièces rendues ;

 -puis le tri par marque (les formes et couleurs sont différentes), toujours accompagné d'un comptage des pièces,

 -ensuite du transport sur une plus ou moins longue distance en fonction de la concentration de la production

-ainsi que du lavage.

 Au niveau de la production, il y a lieu de fabriquer des emballages spécifiques pour la consommation aux Antilles, différents de ceux pour l'exportation, et de passer à une éventuelle standardisation.

« Très important, il faut tenir compte des coûts additionnels que la distribution répercutera aux producteurs et qui seront très supérieurs à ceux engendrés par la mise en oeuvre des collectes sélectives ».

 Dans le modèle de consignation des emballages à usage unique, on se situe entre les deux modèles précédents.

Le consommateur est en effet, invité à ramener l'emballage vide au point de vente, ce qui implique les mêmes coûts au niveau du point de vente que ceux exposés pour la reprise des emballages réutilisables.

Mais ensuite, les coûts de tri et de stockage sont limités, les emballages étant dirigés vers les centres de traitement et l'industrie verrière... On peut aussi imaginer plus aisément la création d'une organisation s'occupant de contrôler les flux tant physiques que financiers, alimentés par les metteurs sur le marché.

« Plus proche du modèle actuel de collecte sélective, ce modèle conduit parfois à des coûts beaucoup plus élevés, en raison des activités de reprise pièce par pièce au niveau des points de vente, sans compter le caractère plus contraignant au niveau des consommateurs », précise l'ingénieur.

Pour résumer, il paraît donc important de retenir qu'en termes de coûts internes, les systèmes de consignation conduisent à des coûts additionnels pour la distribution beaucoup plus élevés que les coûts évités au niveau des collectivités locales.

  Sans compter qu'il faut aussi prévoir un système de collecte pour les emballages en verre non touchés par la consigne qui représentent tout de même un volume non négligeable et pour lesquels il faut offrir une solution au consommateur habitué à trier tous ses emballages en verre afin de les recycler...

  S'agissant du verre, il convient d'éviter de le collecter en mélange avec d'autres emballages par des éclats de verre brisé...

  Il convient donc de collecter ces emballages en verre non consignés à travers un système de collecte spécifique comme ceux qui existent aujourd'hui mais dans ce cas, on va se retrouver avec des coûts énormes par tonne collectée, le coûts fixes devant être répartis sur des quantités très inférieures à celle d'aujourd'hui qui incluent tous les emballages verre de boissons.

  On aura bien compris, in fine, que les coûts liés aux inévitables contrôles, relativement limités dans le cadre des collectes sélectives (seuls en effet, les conteneurs et les camions sont pesés), mais plus lourds lorsqu'on met en œuvre un système de consigne (en raison du suivi par pièce puisque c'est l'état de l'emballage qui justifie ou non le remboursement de la caution...).

 Qu'en est-il du côté des coûts externes ?

Consigne du verre Il faudra bien évidement tenir compte des impacts d'un projet sur la société dans son ensemble : c'est l'objectif de l'analyse coûts bénéfices...

« Les analyses coûts-bénéfices visant à comparer la consigne des emballages réutilisables par rapport aux collectes sélectives, tendent à montrer que le principal paramètre à prendre en considération dans la comparaison est la distance au marché impliquant plus ou moins de transport, générateur, des principales nuisances.

En règle générale, les bénéfices externes constatés pour les courtes et moyennes distances ne compensent pas l'augmentation significative des coûts internes du système de consigne par rapport à la collecte sélective.

Mais dans certains cas, caractérisés par de courtes distances entre le lieu de conditionnement et la zone de consommation, la consigne pour emballage réutilisable peut s'avérer préférable au recyclage d'un point de vue environnemental, pour autant que le taux de réutilisation soit suffisamment élevé »...

 Selon une récente étude (rapport RDC-Environnement & Pira international de mars 2003), réalisée pour la Commission européenne, il apparaît qu'en termes de coûts internes par 1 000 litres mis sur le marché, la bouteille en verre à usage unique recyclé est toujours moins chère que la bouteille en verre réutilisable consignée, le différentiel augmentant avec la distance au marché. En revanche, la situation s'inverse pour les coûts externes et pour les courtes et moyennes distances...

Au final, selon cette étude, l'emballage réutilisable en verre consigné s'avère légèrement plus économique, socialement parlant que l'emballage en verre à usage unique, pour des distances inférieures à 100 km si la taux de recyclage atteint 91% et 300 km pour un taux de recyclage de 42%.

 Certains éléments sont fondamentalement importants... Ainsi, il ne faut pas oublier de prendre en considération les distances à parcourir, la sécurité du personnel affecté à la reprise des bouteilles vides, la question de savoir si la consigne des emballages boissons est un instrument réellement efficace, contre les déchets sauvages...

Force est de constater que les emballages boissons ne représentent que quelques % des déchets sauvages et que le système de consigne, très onéreux, ne résout pas ce problème.

Aux Pays Bas, par exemple, un accord récent vient d'être conclu entre le ministère de l'Environnement et le secteur privé, visant à prendre des mesures de lutte contre les déchets sauvages en pénalisant spécifiquement les « mauvais » citoyens et en évitant de pénaliser l'ensemble des consommateurs.

Dans certains cas, le problème des heures d'ouverture limitées des points de vente, celui des files d'attente et celui de la perte de pouvoir d'achat du fait de l'immobilisation des montants des consignes, constituent autant de freins à l'expansion de ce système.

 Bref, la consigne a séduit beaucoup de pays…

En Belgique, pays beaucoup plus petit que la France, la question est régulièrement remise sur le tapis et avec elle le système des éco-taxes. La consigne est omniprésente ou presque pour les bières, le plus souvent conditionnées en emballages verre réutilisable.

  Aux Pays Bas, dont la superficie est une fois et demi plus grande que celle de la Belgique, la tradition de la consigne est également institutionnalisée. Mais il semblerait que les modes de consommation évoluent vers des emballages à usage unique...

  En Allemagne, on s'apparente plus à un certain dogmatisme en la matière. Après de nombreuses tergiversations et malgré de nombreuses études le secteur privé a laissé tomber son combat contre la consigne. Résultat : le marché des boissons est tombé dans le giron des distributeurs spécialisés en boissons qui importent leur type d'emballage, à savoir le PET à usage unique, plus facile à consigner...

  Dans les pays nordiques, on assiste également à une nette prédominance de la consigne...

Cela étant, en France, la consigne fait grincer les dents et de nombreux intervenants se montrent pour le moins récalcitrants à l'idée de la voir revenir... Cela étant leurs arguments méritent d'être exposés :

 Pour ce qui est des emballages en verre, ils estiment la production quelque peu dispersée et la distribution assez variée

 L'exportation pèse relativement lourd pour les produits concernés

 A cela s'ajoute que nous nous trouvons régulièrement face à des modèles de production et de distribution peu compatibles avec les flux logistiques et financiers inhérents aux systèmes de consigne

 D'autre part, il semble que nous ayons le plus souvent à faire face à des distances de plus de 300 km pour acheminer les produits avec à la clé un bénéfice environnemental très limité

 Et puis, dernier argument de poids : la France dispose d'un système performant de collecte sélective permettant d'atteindre les objectifs de recyclage tels que définis par l'Union Européenne.

 3 constats :

  Le marché français ne présente pas le profil idéal pour considérer la consigne des emballages en verre comme étant une alternative valable au système actuel des collectes sélectives

  Les coûts potentiellement évités au niveau des collectivités locales sont faibles par rapport à l'augmentation des coûts liés à l'instauration d'un système de consigne des emballages de boisson en verre

  Le problème du tri par couleur n'est pas mieux résolu par le tri sur les points de vente que par le tri au niveau des conteneurs ou automatisé après le collecte sélective.

« Je terminerai par un dernier message : il ne faut pas oublier que c'est, in fine, le consommateur qui paie l'addition, aussi bien lorsque les flux financiers passent via les collectivités locales que via la distribution. Addition qu'il importe de garder raisonnable »...

 
 
 
Source : Dechetcom