M.Lafleur, né le 20 novembre 1932, a été terrassé par une crise cardiaque dans sa résidence australienne d'où il a été transporté vers un hôpital sans pouvoir être ranimé.
Le président de la République a fait part dimanche dans un communiqué, de sa "profonde émotion", saluant celui qui "aura incarné l'engagement pour le maintien de la Nouvelle-Calédonie dans la France". Nicolas Sarkozy a également rappelé que Jacques Lafleur a "toujours su, lorsque l'essentiel était en jeu, tendre la main à ses adversaires pour éviter le retour des violences et la division de la Nouvelle-Calédonie".
L'annonce de sa mort a suscité une vive émotion dans l'archipel et, malgré les controverses qui ont émaillé la fin de sa carrière, un concert de louanges unanimes.
"C'est un géant de la politique calédonienne qui nous quitte. Il a marqué de manière indélébile l'histoire du pays", a déclaré à l'AFP le président du gouvernement local, Philippe Gomes (droite modérée).
Président du Congrès, Harold Martin, fidèle compagnon de M. Lafleur jusqu'en 2004, a salué la mémoire de "celui qui a sauvé la Nouvelle-Calédonie et lui a donné une perspective".
Dans les rangs indépendantistes, Roch Wamytan, figure du FLNKS, a rendu hommage à "un homme qui avait une vision et à "un adversaire redoutable et coriace, qui inspirait un grand respect".
Actuellement en visite dans l'archipel, Bernard Accoyer, président de l'Assemblée nationale, a pour sa part salué "l'homme de paix et de dialogue".
Jacques Lafleur avait démissionné de son dernier mandat d'élu au Congrès du territoire, en avril 2010, après s'être brouillé avec tous ses anciens fidèles. Personnage énigmatique, amateur de golf et de bon vin, ce fils de sénateur, enrichi dans le nickel, s'était lancé en politique tardivement, après une vie insouciante et festive entre Paris et Nouméa.
Fondateur du Rassemblement pour la Calédonie dans la République, il entre à l'Assemblée nationale en 1978, s'imposant comme le chef de file des anti-indépendantistes "caldoches" (Calédoniens d'origine européenne), face aux indépendantistes kanak.
Lors des violences qui ont opposé les deux camps au début des années 1980, il incarne une ligne dure, hermétique à toute négociation avec le FLNKS (Front de Libération Nationale Kanak Socialiste, indépendantiste).
Pourtant, après la tragédie de l'assaut de la grotte d'Ouvéa, qui fit 21 morts dont 19 activistes kanak, il signe contre toute attente les accords de Matignon, le 26 juin 1988, sous l'égide du Premier ministre Michel Rocard, serrant la main de son ennemi d'hier, Jean-Marie Tjibaou, leader charismatique des Kanak.
Avec cette poignée de main, les deux hommes entrent dans l'histoire et permettent le retour de la paix en Nouvelle-Calédonie, jamais remise en cause depuis, malgré l'assassinat en 1989 de M.Tjibaou.
Dans la foulée, Jacques Lafleur, redoutable homme d'affaires, vend son entreprises minière aux Kanak, aidés par l'Etat, pour leur permettre de rentrer dans l'économie, empochant au passage près de 15 millions d'euros.
Dix ans plus tard, en 1998, cet homme intuitif et charmeur signe avec le FLNKS, une nouvelle fois sous un gouvernement de la gauche, l'accord de Nouméa, qui organise la décolonisation par étapes de la Nouvelle-Calédonie.
Il essuie une défaite historique aux élections provinciales de 2004, remportées par des dissidents de son propre parti, qui ne supportaient plus son pouvoir absolu.
Jacques Lafleur est ensuite écarté de la présidence du Rassemblement-UMP, au terme d'une homérique crise interne, avant de perdre son mandat de député en 2007.
De santé fragile, il était apparu en public il y a une quinzaine de jours lors d'une cérémonie à Nouméa, au cours de laquelle il avait reçu, aux côtés d'un fils de Jean-Marie Tjibaou, la Colombe de la paix, distinction décernée par l'Allemagne et l'Unesco.