PALIMA : L'Appel du 22 mai 2009

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POU NOU CHANJÉ PÉYI-A 

« On n’est rien sur terre si on n’est pas tout d’abord  l’esclave  d’une cause, la cause des peuples, la cause de la justice et de la liberté »

 Frantz FANON

 A celles et ceux qui ont consacré leur vie à la lutte pour la justice et au projet d’une  Martinique verticale.

A nos sœurs et frères qui se battent inlassablement dans les syndicats, les organisations populaires et les partis patriotiques et anti-colonialistes.

Aux militantes et militants, organisés ou non, de la cause martiniquaise. Aux femmes de  notre pays sans qu'aucun changement n’est possible, à notre jeunesse qui est aussi notre espoir, à notre peuple...


Le mouvement populaire de février-mars 2009, né de la grève générale déclenchée par une intersyndicale puis portée par le Collectif du 5 février, a projeté un intense éclairage sur notre pays. La grande leçon politique qui s’impose désormais est que le statut départemental a implosé et que la société martiniquaise exige plus de responsabilité et un meilleur partage des richesses. Les «Etats Généraux des Outre-Mers», organisés précipitamment par l’Etat français pour tenter de «koubarer» l’insurrection des consciences en Guyane, Guadeloupe, Réunion et Martinique, sonnent comme le glas du modèle colonial-départemental dans les derniers confettis de l’Empire. Il s’agit, en effet, d’une instance sans légitimité politique et institutionnelle dont les conclusions, de ce point de vue, ne pourront constituer qu’une simple référence et non l’expression de la volonté de nos peuples.

 

LA MORT D’UN MODELE IDEOLOGIQUE

En dépit de la nécessaire analyse critique que l’on pourrait avoir sur tels ou tels aspects de ces journées de février-mars, un constat s’impose : La force qui a déferlé à Fort-de-France et dans l’ensemble du pays a bousculé les assises mêmes du système en place. Elle a exprimé l’aspiration des martiniquais à prendre en charge leur espace, à profiter de ses atouts et à ne plus être considérés comme de simples faire-valoir, des exécutants, des ombres dans leur propre pays. Dans l’un des documents distribués par le PALIMA à des milliers d’exemplaires, durant ce mouvement, nous écrivions : « Au-delà des négociations en cours à la Préfecture et de leur issue, ce sont les dogmes économiques de la société coloniale, ses rituels idéologiques, son fonctionnement, ses chimères et ses prétentions qui sont mis à nu par cette insurrection tranquille de notre peuple ».

 

Face à ce constat d’impasse, certains demandent aux Martiniquais de « creuser encore » ; «un trésor est caché dedans »psalmodient-ils en litanies pour conjurer l’histoire. Nous n’aurions pas encore, selon ces esprits complexes, exploité toutes les insondables ressources du statut départemental-colonial !!! Fouillons donc, creusons, plongeons, enfonçons-nous. Et qu’importe que la noyade menace !

 

L’échec du modèle sociétal porté par le statut départemental-colonial, depuis 63 ans, réside d’abord dans son incapacité à mettre fin à l’organisation socio-raciale de la société martiniquaise où règne encore la «békécratie». Cette survivance de la période esclavagiste doit être brisée aujourd’hui, non par l’exclusion des individus ou l’anathème mais en éliminant l’idéologie raciste et toutes les formes de privilèges de caste et de domination (foncier, monopoles, alliance privilégiée avec l’Etat français, passe-droits etc…). A cette condition (la fin de la caste békée), les personnes concernées ont leur place dans notre société car notre objectif ne consiste ni à régler des comptes ni à assouvir une quelconque revanche.

 

Cet échec réside aussi, massivement, dans l’incapacité à offrir des perspectives à la jeunesse martiniquaise, de plus en plusmarginalisée alors même que se développe la discrimination ethnique à l’embauche

 

QUEL « DEVELOPPEMENT ? »

L’impasse du système départemental peut aussi aisément se décliner dans le domaine économique :

 

Le développement d’une société de sur consommation et une croissance sans développement.

 

Un chômage endémique (environ 23 %), aux conséquences sociales pénalisantes, offrant à notre jeunesse la précarité pour projet et générant délinquance et dérives de toutes sortes.

 

Un commerce extérieur déficitaire avec un taux de couverture de 17,8 % des importations par les exportations

 

Une concentration des échanges extérieurs vers la France (70 %) sur un nombre limité de produits ; des performances médiocres sur le marché mondial et des secteurs d’activités sous perfusion.

 

Une sous-industrialisation de l’économie.

 

La quasi-inexistence de la recherche développement, source d’innovations pouvant permettre la réactivité et l’anticipation

 

 

 

Au-delà, la départementalisation a livré notre pays à une cohorte de prédateurs et de « profiteurs », de diverses origines, dans une logique d’import-distribution et de rentabilité rapide sans lendemain pour nous.

L’Etat français a alimenté cette économie de prédation qui lui permettait d’entretenir son alliance avec la caste békée tout en garantissant des marchés captifs à ses entreprises, dans un contexte mondial où aucun débouché n’est à négliger.

Par ailleurs, le contrôle des territoires de la Caraïbe, du Pacifique et de l’océan Indien assure à la France des positions géo-statégiques d’un grand intérêt et le statut de seconde puissance maritime de la planète.

Il importe aussi de préciser que les richesses du sous-sol et des fonds océaniques de notre pays sont propriétés exclusives de l’Etat français qui en dispose comme il l’entend.

La spéculation foncière et le génocide par substitution achèvent de marginaliser notre peuple dans son propre pays.

Ce système fermé, archaïque et déshumanisant a tentéde figer le Martiniquais dans la posture de spectateur de sa propre histoire etl’a délibérément coupé de son milieu naturel, la Caraïbe et le continent américainpour lesquels on a tenté de lui inculquer savamment désintérêt et mépris. LaFrance a maintenu notre «nation en cage » dans un monde qui, lui, ne cessait des’ouvrir et de se transformer (émergence de la Chine, de l’Inde et, dans notre grande région, du Brésil, du Venezuela, sans omettre des pays de la Caraïbe comme Barbade...).

Or, disons-le, prosaïquement : Ça n’a pas marché. Pas totalement en tout cas. Nous avons su résister et nous prémunir contre la cécité et l’atrophie mentale. Cette résistance a pris toutes les formes, investi tous les possibles, trouvé ses voies secrètes et surpris les certitudes arrogantes…Certes, nous n’en sortons pas totalement indemnes, mais nous avons suffisamment de force pour rester debout, nous reconstruire et construire notre nation.

 

UN DEMISIECLE D’HISTOIRE DU MOUVEMENT NATIONAL (19592009)

Notre nation est née du système le plus raciste que l’homme ait jamais inventé : l’esclavage des africains dans la Caraïbe et sur le continent américain qui niait jusqu’à notre appartenance à l’espèce humaine. Un itinéraire original, fruit du génie et de la force de notre peuple, relie ce passé à la situation actuelle des Martiniquais, prêts à prendre toutes leurs responsabilités. Dans les conditions particulières de notre histoire, la lutte contre la discrimination raciale et sociale a –même quand la perspective était brouillée– objectivement constitué une première étape de réhabilitation denotre humanité et de construction de notre identité nationale. Tout au longde l’histoire, de grandes révoltes, réussies ou non, ont scandé notre longuemarche vers la liberté et la souveraineté : Luttes des caraïbes et desesclaves, révolution anti- esclavagiste du 22 mai 1848, insurrection deseptembre 1870, émeutes urbaines de décembre 1959, grève de janvier-février1974 etc...

Dès le milieu des années 1950, le débat s’ouvraitsur le statut, après la loi d’assimilation de 1946. Ainsi, en août 1955, lors d’uneconférence fédérale du Parti Communiste Martiniquais, l’ouvrier Placide LUAP, délégué du Carbet, soutenu par le délégué de Saint-Pierre, préconisait « lareconnaissance des droits du peuple martiniquais ».

 

3. DE DECEMBRE 1959 A 1980 : UNE PERIODE DECONSTRUCTION

Les événements de décembre 1959 ont été le premiercoup de semonce contre le système colonial-départemental. Dans la foulée de cemouvement de masse, le Conseil Général de Martinique, seule assemblée de l’époque,votait une motion réclamant une plus grande participation à la gestion desaffaires martiniquaises. Dans un contexte international caractérisé par la montéedes luttes de libération et des luttes révolutionnaires –y compris dans la caraïbe,avec l’exemple de Cuba en janvier 1959– décembre 1959 ouvre une ère derupture, même si, comme nous l’avons signalé, le débat existait sur la questionnationale dès le milieu des années 1950 et que l’insurrection de septembre1870, un siècle plus tôt, symbolise un des sôcles premiers de notre combat pourl’émancipation

 

En tout cas, dans la Martinique du milieu du XXe siècle,ces événements constituent, pour reprendre les mots de Frantz FANON, « unepremière manifestation de l’esprit national martiniquais ». Ils initierontle long fil de nos résistances. Ce sera une période de construction dumouvement national.

En septembre 1962, l’Organisation de la JeunesseAnti-cololanialiste Martiniquaise (OJAM) adoptait en assemblée générale la déclarationhistorique qui réclamait « la Martinique aux Martiniquais ». Cette déclaration sera affichée partout en décembre de la même année pour commémorer les émeutes de décembre 1959.

Dans ces circonstances, l’autonomie apparaîtra pour les partis de gauche comme l’alternative à la départementalisation. Ainsi, le22 mars 1968, Aimé CESAIRE affirme l’existence de la nation martiniquaise. Enaoût 1971, la convention pour l’autonomie qui se tient au Morne-Rouge réunit leP.C.M., le PPM, la CGTM, l’Amicale des maires du sud et des partis de gauche dela Guadeloupe, de la Guyane et de la Réunion. Dans « le Progressiste » du 22 juin1977, CESAIRE dénoncera le «génocide par substitution ».

A l’arrivée de François MITTERRAND au pouvoir, en1981, le PPM décrète un « moratoire » sur la revendication statutaire. Dèslors, la revendication nationale sera portée, principalement, par lesorganisations patriotiques.

Apparues à la fin des années 60, celles-cicontribueront, de manière significative, au développement de la revendicationnationale et de la conscience sociale, souvent dans la perspective d’un projet desociété révolutionnaire, en écho aux luttes progressistes se déroulant sur laplanète.

La défense et la promotion de la langue créole, dubèlè, des grands événements historiques, de la culture martiniquaise en général,le travail d’éducation politique de la population, l’organisation destravailleurs et des jeunes sur des bases plus radicales, les batailles pour préserverle patrimoine écologique de notre pays constituent autant de fronts de lutteque les patriotes ont inlassablement animés durant toutes ces décennies. Lagrande grève de janvier-février 1974, si admirablement chantée par Kolo BARST,est l’un des symboles de ce formidable effort de mobilisation du peuplemartiniquais.

 

4. DE 1981 A 2009 : A L’EPREUVE DU CHANGEMENTGLOBAL

C’est la période d’une nécessaire mutation quiexigeait à la fois l’intensification du mouvement populaire de masse et lavolonté d’occuper tout le champ de l’action politique, notamment le front électoral,afin de sortir des logiques groupusculaires et de l’action confidentielle.

Il était urgent d’agir sur la société globale et desaisir toutes les opportunités pour avancer : victoires électorales, luttecontre le fascisme et interdiction faite à LE PEN de débarquer en Martinique (décembre1986), vote au congrès des élus départementaux et régionaux d’une motionreconnaissant l’existence d’un peuple martiniquais et d’une nationmartiniquaise (20 février 2002), mobilisation en février 2005 pour l’abrogationde l’article 4 de la loi du 23 février 2005 sur l’enseignement du « rôlepositif » de la colonisation etc. Il faut aussi considérer comme une avancée del’ensemble du peuple martiniquais la tentative de doter notre pays d’unealternative politique, économique et sociétale avec la consultation du 7 décembre2003, l’élaboration du Schéma Martiniquais de Développement Économique ( SMDE)et de l’AGENDA 21 (projet de développement durable et solidaire). La recherched’un compromis historique sur un statut régi par l’article 74, lors du congrèsdes élus de décembre 2008, doit être analysée comme un effort louable afin de dépassercertains clivages pour tenter d’avancer, ne serait-ce que de quelques pas… En dépitdes difficultés, et dans un contexte international profondément modifié, lemouvement patriotique et anti-colonialiste a su faire front. L’heure est désormaisvenue de passer de la seule dénonciation à la mobilisation politique pourchanger notre pays, en surmontant, sans les nier, les différences secondairespour tenter de « camper » notre nation sur ses propres fondements, sûre d’elle-mêmeet ouverte au monde. Dans cette formidable entreprise, chacun a sa place : Lesouvriers, les agriculteurs, les employés, les jeunes, les femmes, les artistes,les intellectuels… Au-delà, chaque cœur et chaque esprit qui épouse la cause denotre patrie est convoqué à ce rendez-vous car notre nation ne se réduit ni àune race, ni à une fin en soi, ni à l’exaltation stérile du passé, ni à unparti ou courant. Elle se veut une communauté d’espérance et d’histoire enmarche vers un futur meilleur pour nous tous

 

NECESSITE D’UN PROJET NATIONAL DU PEUPLEMARTINIQUAIS

 

Le mouvement de février-mars a mis en évidence denombreux défis fondamentaux qui ne sauraient être relevés par la seulemobilisation syndicale ou dans le cadre du statut actuel qui, par nature et parvocation, est destiné à générer domination et injustices. Se pose donc l’urgencede la refondation de la société martiniquaise et d’une nouvel état d’esprit carla lutte contre la « pwofitasyon » est à la fois une guerre des valeurs philosophiqueset sociétales et une guerre économique et politique.

Quelles valeurs doivent donc régir notre société ?Quel modèle de développement, quel modèle social, quel modèle politiquesouhaitons-nous ?

 

5. L’ALTERNATIVE D’UN ETAT NATIONAL MARTINIQUAIS

 

Les chances de résolution pertinente de cesinterrogations et des défis évoqués plus haut ne sauraient être envisagées quedans le cadre d’un Etat martiniquais souverain et démocratique, au service duplus grand nombre et dans l’action pour rendre un autre monde possible. Cettedimension internationale du combat pour le progrès humain ne peut être assuméedans le corset ridicule et désuet du statut colonial- départemental.

Ainsi, lorsque des martiniquais reprochent aux élusleur « incapacité » à régler les problèmes du pays, ils posent précisément,peut-être à leur insu, la question des pouvoirs réels dont ceux-ci disposentpour prendre en charge la Martinique. A l’évidence, des élus responsablesdoivent, au moins et d’abord, être pleinement dotés de compétences d’Etat ;puis viennent l’orientation politique et les moyens que l’Etat se donne ainsique les capacités et la volonté des femmes et des hommes en situation deresponsabilité. Il s’agit donc de savoir si nous sommes prêts à doter notrepays des moyens de s’administrer lui-même. Certains nous opposeront sans doutela théorie de la « fin des Etats » ou de la « fin de l’Etat nation », telle quepensée par l’économiste K. OHMAE (« De l’Etat Nation aux Etats-Régions »-1996).Mais celle-ci ne résiste pas à l’analyse. En effet, cette vision partielle etpartiale de la planète et de ses enjeux, portée par le néo-libéralismetriomphant de la fin du XXe siècle, a contribué à répandre l’idée que « leproblème c’est l’Etat » et qu’il fallait réduire au maximum sa capacité d’interventiondans la sphère publique.

 

Donc « surtout pas d’Etat » et « encore moins d’Etatmartiniquais » fulminent quelques penseurs locaux, enivrés par le mirage de la «mondialisation », la source miraculeuse d’une certaine « pensée moderne ». Lacrise financière et économique qui sévit aujourd’hui rappelle opportunémenttoutes les limites de ces spéculations. En outre, « le fait marquant de cesdernières décennies réside sans doute dans l’éclatement et la recomposition desensembles politiques et la montée des nationalismes : Indépendances baltes,implosion de l’URSS (…), explosion de la Yougoslavie, division de la Tchécoslovaquieen deux républiques distinctes, Tchèque et Slovaque…

Autant d’exemples, qui montrent bien que lamondialisation ne s’oppose nullement à l’émergence de nouveaux Etats souverains. »(Rapport du 1er congrès du PALIMA—Décembre 2002) . Ainsi, de 46 Etats en 1900,notre planète en comptait, en 2006, 191.

En dépit donc de la puissance considérable acquisepar les multinationales, l’Etat représente encore l’unité de base de l’organisationpolitique de notre planète. L’entité nationale peut, dans le cadre d’unepolitique régionale et internationale de progrès, constituer un des espaces d’oppositionau néo-libéralisme et de construction d’alternatives globales, plus solidaireset plus humaines.

L’Etat martiniquais représente –non pas une finalité–mais un instrument privilégié des transformations que nous voulons pour assurerla souveraineté de notre nation et le bien-être de notre peuple ; c’est le seulmoyen nous permettant d’envisager l’avenir dans un monde ouvert qui ne selimite pas à la France et à l’Europe.

 

 ETAT ET SOUVERAINETE CITOYENNE

 

Un débat légitime et souvent fructueux a toujoursexisté sur les rapports entre l’Etat et le droit ainsi qu’entre l’Etat et lepeuple. Le PALIMA estime que les valeurs, les repères et l’organisation d’unEtat démocratique ne se limitent pas à la représentation du peuple par les élus.Ils doivent inclure des instruments garantissant une véritable souverainetécitoyenne. Dans une société marquée historiquement par la captation dupouvoir par des représentations extérieures, les groupes dominants, ou les réseaux,souvent dans des rapports de violence, il s’agit de faire en sorte que les femmeset les hommes de notre pays soient acteurs et auteurs du développement et de lamarche en avant de la société.

D’ailleurs, dès le début des années 1990, lesmilitants qui ont, par la suite (octobre 1999), constitué le PALIMA appelaient àla création de conseils de quartiers dans la capitale et dans les communes, élusdémocratiquement par le peuple et indépendants des équipes municipales en place. Eneffet, la démocratie implique le droit de s’exprimer dans un cadrecontradictoire qui allie le respect de la liberté d’expression et une hauteconscience de l’intérêt général. L’Etat martiniquais que nous appelons denos vœux et que nous devons, d’ores et déjà, construire pas à pas, devra doncinscrire dans la constitution les mécanismes de contrôle exercés par lescitoyens à tous les niveaux et de leur participation à l’élaboration despolitiques nationales.

 

UNE AUTRE VISION DU DEVELOPPEMENT ET DE NOTREPLACE DANS LE MONDE

 

Au-delà d’un autre statut, nous visons unchangement radical et en profondeur des structures économiques et socialesainsi que des rapports entre les humains. Notre engagement se situe donc résolumentdans le cadre de la nécessaire recherche par les peuples et les mouvementspopulaires d’une alternative viable et durable à la sauvagerie néo- libérale.

De ce point de vue, notre analyse du 1er congrès duPALIMA reste valable : « Le triomphe de cette idéologie met en lumière lesvices du système. La logique productiviste conduit la planère à la catastrophe,et aux pires aberrations : Alors que la production mondiale est très largementsupérieure aux capacités de la consommation mondiale, la course pour produiretoujours plus s’intensifie sans solutionner pour autant le problème de la faim.Les techniques utilisées sont de plus en plus sophistiquées et agressives pourl’atmosphère, les ressources en eau, le monde végétal, le sol et le sous-sol,le monde animal et l’homme bien entendu. Alors que nous produisons 110 %des besoins alimentaires de l’humanité, 30 millions de personnes meurent defaim chaque année dans le monde : illustration effarante de l’injustice de la répartitiondes biens sur la planète, un enfant meurt de faim toutes les minutes ! Le goûtdu superflu, du luxe insolent… méritent-ils que nous continuions à foncer têtebaissée dans le mur ?

Les cultures des peuples à travers le monde sont,elles aussi brutalement agressées par le mode de vie états-unien qui tend à s’imposerà tous, mobilisant les populations en quête d’une alternative au néo-libéralisme. »(Rapport du 1er congrès du PALIMA—Décembre 2002).

La Martinique, située au centre de l’archipelantillais qui cumule de nombreuses potentialités humaines, environnementales,minérales et minières, a la possibilité de devenir maîtresse de son destin, endisposant d’un Etat souverain et en développant une intégration régionale. Elledoit tirer partie de la nouvelle donne politique et économique apparue depuisces dernières années dans la Région Caraïbe et sur le continent américain. Bienentendu, cette intégration à notre environnement immédiat n’exclut pas –bien aucontraire– des relations avec l’Europe, l’Afrique, l’Inde et l’Asie. « Loinde rendre obsolète l’aspiration à la souveraineté de notre peuple, lestendances actuelles du monde l’appellent au contraire à prendre au plus vite enmain son destin afin de profiter, au mieux de ses intérêts, des opportunités d’unmonde qui s’ouvre de toutes parts vers la nouveauté. Bien entendu, lesforces qui s’opposent à cette évolution ne sont pas prêtes de baisser les braset la lutte sera encore dure, même s’il est évident que la roue tourne enfaveur des forces de décolonisation ». (Rapport du 1er Congrès du PALIMA).

 

NOUS UNIR POUR COMMENCER A CHANGER NOTRE PAYS

 

Si nous voulons que la Martinique avance d’un cran,si nous voulons qu’elle nous appartienne vraiment, si nous voulons la prépareraux défis du présent et du futur, alors, il nous faut rassembler ce qu’il y ade meilleur en nous, sans esprit de compromission, certes, mais aussi sanssectarisme ni dogmatisme confortable… et paralysants.

 

TRANSFORMER UNE « NATION EN CAGE » EN UNE NATIONEN MARCHE

Sortir enfin des archaïsmes économiques, politiqueset sociaux qui figent notre pays dans une éternelle lamentation exige que,tous, nous nous hissions à hauteur d’histoire et que nous nous comportionsenfin en « propriétaires légitimes et majoritaires »1 de ce pays.

Un tel statut n’est pas donné : Il réclame de nousvision audacieuse de l’avenir, lucidité, courage, humilité et abnégation. Ilnous commande aussi d’aller à l’essentiel et d’être toujours prêts à sacrifierdes intérêts de chapelle et à courte vue aux intérêts supérieurs de notrepeuple. Les patriotes et les anti-colonialistes en général, dans la richessede leur diversité, ont une responsabilité particulière pour favoriser ce bondqualitatif indispensable. Préparons donc le socle qui permettra demain l’éclosionde toutes les espérances de notre peuple. Ne laissons pas en héritage à nosenfants le néant de nos propres insuffisances et de notre impuissance.Essayons, de toutes nos forces, de leur laisser des fondations solides à partirdesquelles ils bâtiront une vie de femmes et d’hommes responsables. Soyons à l’écoutede chaque battement de cœur de l’histoire afin de saisir ce que le niveau deconscience des masses autorise. L’avant-garde ne doit pas établir sonquartier général dans les nuages mais dans les rangs mêmes du peuple. A l’évidence,l’expérience de tous les peuples nous est nécessaire, mais le combat politiquene se déroule pas en Martinique dans les conditions politiques que furentcelles de la Russie Tsariste, de la Chine féodale sous occupation japonaise ouencore de l’Afrique du Sud raciste. Nous devons donc trouver notre propre voie,celle que la réalité martiniquaise passée et présente rend possible. 1

Guy CABORT-MASSON – « La remise en question »

 

Le mouvement populaire de février-mars 2009 aclairement exprimé la volonté de mettre un terme à la « pwofitasyion » desmagnats de l’import-distribution ainsi qu’à la discrimination sociale et économiquequi, aujourd’hui encore, marginalise la majorité des Martiniquais, souvent surla base de critères socio-raciaux. « Matinik sé ta nou… Matinik sé pa ta yo »,chantions-nous. Mais nous devons agir sans cesse, sur tous les fronts, pour quenotre pays soit vraiment nôtre. Il ne s’agit pas pour autant de dédommager l’Etatfrançais de ses responsabilités et de son obligation morale d’accompagner lareconstruction de ce qu’il a détruit. Dès lors, dans la situation actuelle,toute la question consiste à définir s’il est plus profitable à notre peuple decontinuer à barboter dans le marigot du système départemental- colonial, dans l’attentedésabusée du grand soir, ou s’il vaut mieux préserver une possibilité d’avenirdans le cadre d’une autonomie politique que nous souhaitons la plus largepossible. Sommes-nous en capacité de transformer une « nation en cage » en unenation en marche ? Sans renoncer à la construction à terme d’un Etatmartiniquais, sans considérer l’autonomie comme une panacée, sans être parconviction « étapiste », sans ignorer le bras de fer constant qui persisteraavec les gouvernements français –de droite ou de gauche-, le PALIMA considèrequ’il n’y a rien de pire que le statu-quo colonial actuel, avec ses exclusiveset ses monopoles. Nous considérons que cette autonomie large que nous soutenonsest l’objectif immédiat autour duquel il est possible de rassembler le pluslargement les martiniquais aujourd’hui. Ce bond qualitatif doit êtreaccompli avec notre peuple, en tenant compte de ses préoccupations, de sesrevendications, de son état d’esprit. A cet effet, un effort de pédagogie sansprécédent s’impose pour informer, convaincre, associer et mettre en mouvementla population.

 

QUELS OBJECTIFS DEVONS NOUS CHERCHER A ATTEINDREDANS LE CADRE DE CETTE AUTONOMIE LARGE ?

Dans cette phase, nous cherchons à gagner desespaces de pouvoir pour tenter de préserver l’avenir, de jeter les bases d’un développementendogène, durable et solidaire et mieux nous intégrer dans notre environnementgéographique et culturel. Il s’agira en substance de préparer notre peuple àassumer pleinement sa souveraineté. Comme nous l’avons indiqué plus haut, nousne partons pas de rien : L’Agenda 21 et le SMDE, tant sur le diagnostic de lasituation que sur les alternatives, secteur par secteur, constituent desprojets solides et crédibles qui doivent s’enrichir des apports du mouvement du5 février 2009.

 

a)Préserver l’avenir

Le processus de dépossession et de marginalisationdes martiniquais dans leur propre pays est largement entamé (spéculation foncière,ghettos socio-raciaux, discrimination ethnique à l’embauche etc…). L’exigencede compétences adaptées peut nous permettre de freiner ces phénomènes par lamise en œuvre d’une politique foncière pour protéger les terres agricoles,mettre un terme à la spéculation foncière ainsi qu’à la discrimination à l’emploi.

Il nous faut aussi assurer la maîtrise desressources de notre sous-sol et de nos fonds marins ainsi que le contrôle denotre espace maritime, toutes choses totalement entre les mains de l’Etat français.

 

b) Jeter les bases d’un développement endogène,durable et solidaire

 

La question du développement constitue l’un des défismajeurs auxquels nous nous trouvons confrontés. Notre objectif consiste àrompre avec les archaïsmes économiques du système départemental-colonial pourjeter les bases d’un développement endogène, durable et solidaire.

 

Il conviendra ainsi de donner la priorité àplusieurs axes :

 

Mise en œuvre de politiques publiques favorisant une véritable mutationdes structures

 

économiques, la diversification des filières productives, l’émergence d’unespace économique martiniquais non-soumis à la prédation. Cette démarche seveut une réponse à la prédation économique et aux « profiteurs » de toushorizons.

 

Préparation des conditions d’une souveraineté alimentaire optimale parla valorisation du savoir-faire de nos agriculteurs, la modernisation des filières,la promotion de la recherche, etc…

 

Valorisation de notre bio-diversité

 

Impulsion de la recherche-développement et organisation d’une meilleuresynergie entre l’université, l’entreprise et la recherche (ex : création d’uncentre de l’innovation technologique).

 

Diversification de nos sources d’approvisionnement et recherche d’unemeilleure insertion sur le marché mondial.

 

Définition d’une fiscalité adaptée .

 

Conquête d’une plus grande indépendance énergétique.

 

 

c)Intégrer notre environnement géographique

Tout en maintenant ses relations avec l’Europe, laMartinique a vocation à s’intégrer dans son environnement naturel, la caraïbe,et, plus largement, le continent américain.

Notre insertion dans ce vaste espace de développementconstitue un atout supplémentaire pour nous, dans une région en pleine mutationéconomique et politique. Elle pourra s’articuler autour de :

 

La coopération scientifique (risques majeurs, changement climatique, écosystèmesmarins etc…).

 

Les transferts de technologies et les échanges de services.

 

La desserte aérienne, les échanges commerciaux, les accords de coopération(exemple de la pêche…).

 

 

Dans un contexte de désengagement de l’Etat français,réussir notre intégration dans la région Caraïbe-Amérique revêt une importancecruciale pour l’avenir.

A travers ce statut d’autonomie large, nous devonsaussi chercher à mieux maîtriser les contenus du système éducatif et à mettreen œuvre une politique culturelle et linguistique innovante et audacieuse

 

PALIMA – Appel du 22 mai 2009

 

NOUS

 

La situation coloniale en Martinique, avec sonorganisation institutionnelle ubuesque, ses survivances de la périodeesclavagiste, l’infantilisation permanente des Martiniquais par des ministreset des fonctionnaires français dispensateurs, pour le moins, de leçons « bonnegouvernance », constitue, à y réfléchir un instant, une insulte permanente à l’intelligence.Comment avons-nous pu accepter cela ? Comment un tel système peut-il encorecontinuer à fonctionner et prétendre régir nos vies et nos rêves ? Au-delàde toutes les justifications, au-delà des alibis, nous devons être responsablesde notre sort. Amilcar CABRAL, que Frantz FANON connaissait, déclarait en 1966:

« Il est pourtant une forme de lutte qui nousparaît fondamentale et qui n’est pas expressément inscrite à notre programme… c’està la lutte contre nos propres faiblesses que nous faisons allusion (…), l’expériencenous montre que dans le cadre général de la lutte quotidienne, le combat quenous menons contre nous-mêmes –quelques soient les difficultés que nous crée l’ennemi–est, à l’heure actuelle et pour l’avenir de nos peuples, de tous le plusdifficile ».

Cette réflexion de CABRAL garde, en ce 22 mai 2009,son actualité brûlante pour nous tous, des responsables les plus éminents auxplus simples des citoyens… car elle nous renvoie face à nous-mêmes ; elle nousrappelle que tout dépend de notre conscience et que nos choix et comportementsd’aujourd’hui structurent notre futur. Les profiteurs qui organisent la «pwofitasyon », les colonisateurs qui colonisent ne le font qu’autant que nous l’acceptions.Dès lors, la dénonciation peut se transformer en schizophrénie enivrante sielle ne cherche pas d’abord à changer radicalement l’ordre social qui génère ladomination.

Il est des jours où l’histoire ne convoque pas laparole qui se plaint, mais la parole qui construit, les pieds qui frappent lesol pour se débarrasser d’anciennes poussières et les mains qui, déjà,caressent un jour nouveau…

 

PALIMA—Appel du 22 mai Partipour la Libération de la Martinique 25, rue Gabriel Péri—Les Terres-Sainvilles —97200FORT DE FRANCE tel: 0696.45.43.13 E-mail : lepalima@orange.fr—Site internet :www.lepalima.org