Plan de relance d’urgence régional triennal 2010/2013 Le président du Conseil régional a annoncé au cours d’une conférence de presse tenue le 14 avril que son plan de relance d’urgence triennal avait « généré » 724 emplois en six mois d’application
France –Antilles du 15 avril, sous la signature de L M-M, titre son papier sur le sujet : « 724 emplois générés par le plan de relance régional. Le plan de relance n’est pas un vœu pieux. Chiffres à l’appui, la Région a présenté hier à la presse ses premiers résultats, après six mois de travail ». Notez le mot : « généré » qui veut dire « produit » pour le sens commun.
En d’autres termes le plan de relance régional aurait « produit » 724 emplois. Admirez l’utilisation du subliminal.
Citant Serge Letchimy, le quotidien lui prête le propos suivant : « Au 14 avril, près de 724 emplois ont été générés, dont environ 60 % sont des créations d’emplois ».
Que sont les autres ? Des maintiens d’emploi existants ? Donc 40 % des emplois « relance » ne sont pas des créations au titre des 5 000 emplois nouveaux promis. Le piège des mots fonctionne.
Le journal poursuit : « Georges Para, directeur de l’Insee, bientôt officiellement chargé de l’évaluation du dispositif, estime que d’ici trois ans (ndlr : durée du plan de relance) 3 700 à 4 130 nouveaux emplois apparaîtront ». Sur quelle base notre estimable statisticien a –t-il effectué cette évaluation à l’horizon 2 013 ? Une audacieuse extrapolation dont l’Insee détient la magie ? Mystère…
Dans le document adressé à la presse par la Région sur le « 1er Bilan » de ce plan de relance d’urgence, pas plus d’explication sur ces chiffres qui semblent éblouir la journaliste de France-Antilles. Il faut donc croire sur paroles celui qui est présenté comme directeur de l’Insee.
Or il ya un hic. M. Georges Para a adressé à toute la presse un courrier daté du 28 mars où il indique qu’il quitte ses fonctions de directeur de du service régional de l’Insee à partir du 4 avril 2011 pour de nouvelles responsabilités. A en croire France-Antilles il sera chargé bientôt « officiellement » par la Région de l’évaluation du dispositif du plan de relance régional. Par conséquent, l’évaluation qu’il a donnée le 14 avril de 3 700 à 4 130 emplois en 2013 est officieuse.
Quelle méthode d’évaluation ? Les déclarations des entreprises ? Cette évaluation est avancée en utilisant l’autorité intellectuelle et morale qui s’attache à la fonction de directeur de l’Insee. Georges Para à la date du 14 avril, comme le mentionne France-Antilles, est sur le point d’être sous l’autorité du président du Conseil régional. Il n’est plus directeur de l’Insee. Cela manque pour le moins de rigueur éthique pour ne pas dire plus.
Comment a-t-on évalué les 724 emplois générés par les 70 chantiers ayant démarré au 14 avril 2011 sur les 221 programmés selon la Région ?
On a interrogé par questionnaire les entreprises ayant obtenu les chantiers, répond Catherine Conconne. Et les entreprises ont été identifiées par les communes.
Quelle est la fiabilité de cette méthode ? Les emplois recensés sont ceux annoncés par les entreprises donc. Cela a-t-il été contrôlé ?
On a aussi recueilli les chiffres obtenus par le RSI et la CGSS, membres du Comité de suivi du plan de relance installé par la Région, respectivement sur l’emploi indépendant et l’emploi salarié. Il est annoncé une augmentation sur les six derniers mois de 6,1% de l’emploi indépendant dans le bâtiment au RSI. Et de 16,2 % de l’emploi salarié dans le bâtiment à la CGSS. Le comité de suivi comprend en outre l’Insee, le Pôle emploi, le Trésor public, la Caisse des congés du Bâtiment et l’Iedom qui communiquent des indicateurs économiques.
Comment identifier dans les variations de l’emploi globales constatées par la RSI et la CGSS celles qui sont liées au plan de relance d’urgence régional ? L’appareil statistique permet-il une telle évaluation ?
Autre donnée avancée : l’augmentation des ventes cumulées de ciment en février 2011 depuis le début de la présente année 2011 de 17 % par rapport à la même période janvier/février de 2010. La consommation de ciment, qui effectivement reflète l’activité du BTP, est en croissance sur les deux premiers mois de 2011, c’est une bonne chose. Attendons la suite.
Mais, selon la lettre de l’Iedom d’avril 2011, elle est toujours en dessous de 2,6 % par rapport à la moyenne de longue période 1995/ 2011 pour le cumul annuel janvier/février : 34,3 milliers de tonnes contre 35 000 tonnes. Elle est loin de la consommation d’avant-crise de janvier-février 2008 qui atteignait 45 000 tonnes. La chute reste de 22,2 % par rapport à 2008, c’est-à-dire considérable. Créations d’emplois dans le BTP : sont-ils imputables au seul plan régional ?
De plus, il est malhonnête d’imputer cette remontée de la vente de ciment et des emplois indépendants et salariés au seul plan de relance régional.
Par exemple, il ne faut pas oublier que le conseil général, sous la présidence de Claude Lise, a lancé début novembre 2010 un programme de travaux d’urgence en soutien au secteur du BTP d’un montant annuel de 30 millions d’euros et qui s’est traduit par 205 opérations.
Par ailleurs, Daniel Marie-Sainte, dans son communiqué publié le 15/04/2011 au nom du groupe des patriotes et sympathisants souligne à juste titre que « En réalité, un grand nombre de ces emplois nouveaux dans le BTP résultent de chantiers, initiés sous la mandature d’Alfred Marie-Jeanne et des Patriotes Martiniquais, visibles par tous et que l’actuelle majorité ne fait que continuer ». Exemples : musée du Père Pinchon et bâtiment des archives régionales à Didier (FDF), Institut régional des métiers du sport et de la jeunesse à Mangot-Vulcin (Lamentin), RN1, RN5, etc. Il faut raison garder. Certes en février 2011, comme le souligne intentionnellement France-Antilles, le nombre de demandeurs d’emploi de catégorie A, avec 41 270 chômeurs recensés officiellement, recule de 0,3 % par rapport à janvier 2011 (41 400 demandeurs d’emploi), soit – 130 demandeurs d’emploi. Mais ce nombre de demandeurs d’emploi est en augmentation de 1 276 personnes par rapport à février 2010, soit de plus 3,2 % sur un an.
Et le taux de chômage officiel (nombre de demandeurs d’emploi par rapport à la population active) est passé de 24,4 % en février 2010 à 25 % en février 2011. On ne peut déduire d’une variation sur un mois une tendance.
Encore une fois, la nécessité d’un plan de relance n’est pas discutable. Mais pourquoi cette frénésie de communication qui fait penser à un certain Nicolas Sarkozy au lieu de travailler sereinement à l’avancement du pays ? Et surtout pourquoi avoir annoncé le chiffre de 5 000 emplois créés qui déjà devient 3 700 à 4 130 emplois « générés » à l’horizon 2013 dont seulement 60 % sont des créations véritables d’emplois. Cela a tout l’air d’un tour de prestidigitation pour lequel maintenant on semble prêt à s’affranchir de toute déontologie statistique.
Décidément, la quête obsessionnelle du pouvoir à la future Collectivité unique est mauvaise conseillère.
Quant aux économistes et statisticiens qui y prêtent la main, ils devraient éviter d’utiliser les chiffres pour justifier un discours partisan.
Michel Branchi