Présidence de l’UAG : mettre fin à l’alternance tacite au profit de la compétence manifeste
La liste des candidats à l’élection pour la présidence de l’UAG, qui se tiendra le 25 janvier prochain, vient d’être connue. 6 candidats sont en liste :
- Pour la Guadeloupe :
Alex Méril, Professeur de Mathématiques
Jean-Pierre Cherdieu, Professeur de Mathématiques
Eustase Janky, Professeur de Médecine
Jean Gabriel Montauban, Professeur d’Économie
- Pour la Guyane :
Antoine Primerose, Maître de Conférences en Électronique
- Pour la Martinique :
Corinne Mencé-Caster, Professeur de Linguistique hispanique
Une première constatation : le nombre de candidats guadeloupéens. Sans doute cela est-il dû au fait que d’aucuns estiment que « c’est au tour de la Guadeloupe » de diriger l’Université des Antilles et de la Guyane après les présidences successives de Georges Virassamy et Pascal Saffache. En effet, durant les trente années d’existence de notre université, une règle non-écrite, un accord tacite, voulait qu’il existât une alternance à la tête de l’institution entre les trois pôles qui la composent, manière de respecter un équilibre entre ces derniers. Cependant, outre le caractère coutumier de ladite alternance, on remarque qu’à ce jour, aucun Guyanais n’a dirigé l’UAG et que la présidence se partageait uniquement entre Guadeloupéens et Martiniquais. Cette anomalie fragilise donc la notion d’alternance, car si alternance il devrait y avoir, elle se prononcerait en faveur de la Guyane. Mais, depuis de l’eau a coulé sous les ponts, rendant de facto caduque, cette notion. Non seulement la LRU (Loi de Réforme de l’Université) permet désormais au président sortant d’effectuer un nouveau mandat, ce qui n’était pas possible avant, mais de plus, cette LRU a transformé les établissements universitaires en des sortes d’entreprises à la tête desquelles le président doit fonctionner presque comme un PDG. Qu’on en juge : l’UAG passera d’une dotation budgétaire de 11 millions d’euros à une nouvelle de 70 millions d’euros. C’est désormais l’université, et non plus l’Etat, qui paiera le personnel enseignant et administratif. Cette autonomie a pour nom RCE (Responsabilités et Compétences Elargies).
Ainsi donc, dès l’instant où le président n’est plus un simple administrateur, la notion d’alternance s’efface tout naturellement devant celle de compétence.
Il ne s’agira plus de « faire tourner » la présidence entre les trois pôles afin de ménager les susceptibilités des uns et des autres, mais de choisir la personne la plus capable, la plus compétente, pour tenir solidement le gouvernail. La personne la plus compétente indépendamment de son origine guadeloupéenne, martiniquaise ou guyanaise, la plus capable de garantir les traitements des personnels enseignants, administratifs et techniques, tout en veillant à la qualité et à l’attractivité des formations et de la recherche.
On mesure l’ampleur et la difficulté de la tâche qui attend le (la) futur(e) président (e) de l’UAG quand on sait que 8 universités hexagonales, passées au RCE avant l’UAG, se retrouvent en grave difficulté financière et sont contraintes de faire appel à l’Etat qui, évidemment, leur renvoie la balle. Le président d’une de ces universités s’est même retrouvé tellement désemparé qu’il a déclaré remettre la gestion de son établissement au recteur de l’académie au motif que ce dernier est chancelier de l’Université, titre pourtant honorifique !!!
Dans ces conditions, le(la) futur(e) président(e) de l’UAG ne doit plus être ni un(e) Guadeloupéen(ne) ni un(e) Martiniquais(e) ni un(e) Guyanais(e) mais bien un(e) UAGeais(e) dont la patrie ne doit pas être celle d’un pôle particulier, mais bien celle de l’institution UAG dans son entier. Sinon, l’UAG courra inévitablement à la catastrophe à l’instar des huit universités évoquées plus haut.
Compétence, audace, grande capacité de travail, souci de l’intérêt général -soit donc un esprit pleinement UAGiste-, telles devraient être les qualités requises pour gouverner désormais cette université.
Enfin, ces élections pourraient être l’occasion pour l’UAG de procéder à une féminisation de sa direction, et pas seulement de sa présidence. Il faut donc saluer la présence d’une candidature féminine, parmi les six candidats, non en vertu d’un penchant marqué pour le féminisme, mais parce que cette candidature rappelle, si besoin en était, que la compétence n’a pas de sexe et que l’alternance n’est pas que territoriale. Rappelons qu’il n’y a eu qu’une présidente en 30 ans d’existence de l’UAG !
Face aux nouveaux défis d’un marché universitaire férocement concurrentiel, il faut développer des façons de pensée inédites, sortir des sentiers battus et accepter de rebattre les cartes, à la lumière des nouvelles donnes. Ne plus surfer sur la vague de l’alternance territoriale pour légitimer une candidature est une première façon de faire preuve d’un état d’esprit neuf, pleinement conscient de la modernisation des schémas universitaires et des enjeux récents. C’est aussi accepter de regarder en face la compétence des candidats, sans compromission, ni esprit de clocher !
Comment continuer d’accepter que plus de 60% des bacheliers antillo-guyanais partent étudier dans l’Hexagone chaque année et désormais au Québec ou aux Etats-Unis ? Que certains pôles ne disposent pas des ressources nécessaires pour dispenser un enseignement véritablement universitaire ? Que nos jeunes ne puissent bénéficier de stages à l’international de manière plus régulière, et ce, malgré la crise ?
Certes, il ne s’agit pas de le nier : au cours des trente dernières années, les présidents de l’UAG ont tracé la voie, défriché le chemin, multiplié leurs efforts pour construire l’université du futur !
Il appartient au (à la) nouveau (elle) président(e) de s’inscrire encore plus résolument dans leur sillage pour inventer de nouveaux modèles de développement et d’attractivité !
Compétence, UAGisme et imagination, tels semblent être, en définitive, les trois critères qui devraient être mis en avant le 25 janvier prochain lorsqu’il s’agira de choisir un nouveau (/une nouvelle) président (e) pour notre université. Ne nous y trompons pas : il ne s’agit pas d’élire un(e) président(e) de pôle mais bien un(e) président(e) d’université qui aura la délicate mission de respecter l’équilibre entre les pôles de l’université et leurs territoires de rattachement !