L'ancien maire a la mémoire qui flanche !
Au deuxième jour du «procès de la tempête Xynthia», l'ancien maire de la Faute-sur-Mer, à qui l'on reproche d'avoir signé des permis de construire en zone inondable, a témoigné.
Ni lui, ni ses avocats ne s’attendaient à ça. Mardi après-midi, alors que tous pensaient la deuxième journée d’audience du «procès de la tempête Xynthia» terminée, le président du tribunal des Sables d’Olonne a fait venir à la barre le principal prévenu, René Marratier. Maire de la Faute-sur-Mer de 1989 à 2014, on lui reproche d’avoir sciemment négligé les dangers auxquels il exposait ses administrés en signant des permis de construire en zone inondable, et en refusant les mesures de prévention des risques que l’Etat lui demandait de prendre.
«Monsieur Marratier, démarre le magistrat, je voudrais savoir ce que vous inspirent nos travaux d’aujourd’hui ?» Le ton est sec, cassant. Toute la journée, des experts ont démontré que les risques d’inondation étaient largement connus et prévisibles, ce qu’a toujours nié l’élu.
René Marratier est surpris. Il bredouille : «J’ai encore pas dormi de la nuit précédente, avec toutes ces victimes qui me ressassent ces choses. Je reste persuadé que c’est pas à mon humble niveau qu’on pouvait faire des prévisions. Parce que c’est pas moi, petit élu local, avec toutes les obligations qui m’incombent, ne comptant pas mes heures, la voirie, l’entretien des espaces...» Le président le coupe, irrité.
«Dans la presse, devant le juge d’instruction, partout vous avez dit : "De mémoire de Fautais on n’avait jamais connu ça." Partout vous vous êtes prémuni de votre qualité d’ancien de la commune, de personnage de terrain opposé aux technocrates pour refuser le plan de prévention des risques, pour dire qu’on ne pouvait pas savoir. Or la journée d’aujourd’hui, justement, a montré qu’on savait, que tous les anciens savaient ! Votre territoire a vécu en permanence des inondations au XXème siècle, tout le monde l’admet sauf vous !»
MALAISE
René Marratier se tasse à la barre, de plus en plus mal à l’aise. «J’avais souvenir de la tempête de 1999. Les autres d’avant, j’en ai entendu parler, certes, mais je n’en avais pas de souvenir. Jamais je n’aurais imaginé ce qui s’est passé. Je n’avais pas les compétences, je n’avais pas les armes. J’ai des regrets bien sûr...» Le magistrat l’interrompt à nouveau. «Je ne comprends pas la certitude avec laquelle vous avez asséné qu’il n’y a jamais eu d’inondation dans votre commune, alors que tout prouve le contraire. Comment vous avez pu occulter une réalité que vous connaissiez ?!» «Je n’ai pas occulté, tente l’ex-maire. Mais nous sommes une petite commune, aux moyens limités, rudimentaires...»
Le président écarte l’argument : «Le problème, c’est que vous assénez les choses, de manière péremptoire. Quand les services de l’Etat vous ont alerté sur les risques d’inondation, si vous aviez dit : je vais voir, me renseigner... Mais non, vous avez répondu que la digue Est était parfaite, qu’il n’y avait pas de danger !» René Marratier ne dit plus rien, il repart s’asseoir à sa place.
Juste avant son interrogatoire, le tribunal a projeté durant de longues minutes, dans un silence glaçant, des images des maisons inondées de la Faute-sur-Mer, de l’eau jusqu’aux toits. Sur les bancs des parties civiles, plusieurs pleuraient. Vingt-neuf personnes sont mortes noyées à la Faute-sur-Mer dans la nuit du 27 au 28 février 2010. Les victimes s’exprimeront à partir de mercredi après-midi, et pendant plus d’une semaine. Le procès est prévu pour durer jusqu’au 17 octobre.