Identifier les priorités pour définir la Marque Martinique
par Louis BOUTRIN
Chers (es) Collègues,
Il est demandé de délibérer aujourd’hui sur ce dossier n° 3 intitulé « Projet de Réforme du Tourisme de Martinique ». Si l’on s’en tient à l’étymologie même du mot réforme, vous nous proposez donc « un changement important voire radical en vue d’une amélioration » du tourisme.
Il est bien vrai que la Martinique possède, à l’instar des autres îles de la Caraïbe, de nombreux atouts naturels, patrimoniaux, culturels favorables au développement touristique. Or, force est de constater que, dans ce secteur à fort potentiel de développement mais … extrêmement concurrentiel, nous avons du mal à tirer profit de ces atouts, d’où l’intérêt de ce dossier.
S’agissant de l’amélioration envisagée, elle est unanimement souhaitée. Qui d’entre nous ne souhaiterait pas que le tourisme soit un secteur transversal créateur d’emplois durables et valorisants avec des retombées sur les autres secteurs de l’économie, à savoir l’agriculture, la pêche, les loisirs et le secteur service ?
Quant au changement radical préconisé dans votre rapport, permettez-nous d’émettre des réserves mais aussi quelques suggestions.
NOS RESERVES portent sur :
Comme il est précisé dans le rapport, le constat est clair. La fréquentation touristique s’est effondrée en 15 ans. Le graphique présenté en page 3 du rapport est d’ailleurs tout aussi clair : nous sommes passés de pratiquement 1 million de visiteurs en 1995 à 618 000 en 2010. Une chute vertigineuse de 40 % de nos visiteurs.
Quelles en sont les causes ? De notre point de vue, les causes ne sont pas seulement endogènes, mais intègrent également des causes exogènes, non maîtrisables par les acteurs politiques et les sociaux professionnels martiniquais :
…. Dans le même temps, les sociaux professionnels mais aussi les politiques continuaient à investir dans le secteur
Ainsi, à titre d’exemple, le budget régional passe en 1998 de 9,9 M€ à 16,3M€ par an en 2005. Cet aspect est régulièrement occulté alors que l’on met en exergue la diminution des Fonds européens et des fonds d’Etat.
Et, c’est là une des faiblesses du rapport qui fixe des objectifs sans analyse concrète de l’existant et sans identifier clairement les causes et les obstacles qui ont entravé ce développement touristique attendu par tous.
Il nous faut donc revenir sur les différentes causes de l’effondrement touristique. Ce n’est pas pour reprendre une litanie mais bien pour démontrer une fois de plus que de nombreux leviers de politique économique (monétaire, fiscalité, immigration, transport aérien, foncier…) ne sont pas maîtrisables dans le cadre actuel de l’Art. 73. Loin de moi l’idée de refaire le débat sur l’évolution institutionnelle, mais de poser une question essentielle dans le cadre du débat d’aujourd’hui : Au moment où vous affirmez mettre en place une « politique unique » où en sont vos négociations avec l’Etat ? Allons nous, pour chacune de ces politiques, mettre en route le processus d’Habilitation ?
2. « LA REFORME » : Absence d’ambition de ladite Réforme :
La « nouvelle » dynamique repose sur 3 Objectifs, 12 leviers, 6 défis et 16 projets… un véritable catalogue qui s’avère n'être qu’une « reprise d’un schéma … de 1999 appelé SDAT, Schéma de Développement et d’Aménagement du Tourisme
En toute objectivité, tous les défis, projets et leviers de cette dite réforme figurent déjà dans ce document intitulé Schéma de Développement et d’Aménagement du Tourisme (SDAT) voté à l’unanimité dans cette enceinte du Conseil Régional, le 25 juin 1999, et à l’unanimité moins une voix par le Conseil Général, le 29 juin 1999.
Ce n’est pas bien grave en soi, puisqu’il s’agit d’un document élaboré par des élus martiniquais en étroite collaboration avec les professionnels du tourisme. L’objectif étant de répondre aux grandes questions d’aménagement et de développement du tourisme en tenant compte des souhaits de la population, des attentes des professionnels et des contraintes du marché fortement concurrentiel.
Mais, ce SDAT date de …1999. Il est donc obsolète. Ceci dénote donc le peu d’ambition de la dite réforme proposée aujourd’hui alors même que l’actualisation avait été faite à travers le S.M.D.E. élaboré pendant de longs mois en concertation avec les experts et les socio-professionnels.
En outre, nous constatons que vous partez d’un postulat juridique erroné. En effet, la Région Martinique préconise « une politique unique du Tourisme ». Cela sous-entend que vous vous érigez en « chef de file » du développement touristique puisque, dans le rapport, vous affirmez que « cette politique unique du tourisme doit être menée par le Conseil Régional et pilotée par le CMT… en concertation avec les autres partenaires ».
Or, actuellement, au regard du principe de libre administration des Collectivités territoriales régies par l’Article 73, un tel scénario n’est pas envisageable.
C’est donc ignorer que :
Mais, malgré cette hypothèse de Collectivité unique dans le cadre de l’Art. 73, les Communes demeurent des maîtres d’ouvrage de l’aménagement et jouent un rôle essentiel dans le développement touristique. Elles organisent l’accueil et l’animation locale et à ce titre, elles sont les garantes de l’adhésion de la population à tout projet touristique.
La politique unique du Tourisme ne se décrète donc pas. Il nous faudra trouver un cadre juridique et réglementaire pour traduire cette volonté politique affichée.
3. Le BUDGET
Nous aurions souhaité un véritable plan de financement de la « réforme ».
Curieusement, dans votre projet de réforme du tourisme, vous restez silencieux quant aux sommes que vous envisagez d’investir dans le développement du tourisme et sur les cofinancements que vous pouvez mobiliser, quand on sait par exemple que les fonds européens affectés au tourisme sont largement sous consommés et que vous avez évoqué avec le Président de la République l’idée d’un Contrat de Plant Etat-Région.
En effet, en page 11, dans le tableau représentant les simulations budgétaires, les trois volets de cette « réforme » ont été chiffrés (certes à titre indicatif) mais cela ne nous permet de savoir quel budget vous envisagez pour financer votre plan d’actions.
Ce tableau laisse apparaître en effet un budget annuel de 35 M€ renouvelé sur 3 ans. Est-ce là le budget annuel que la Région consacre au profit du développement touristique ? Quelle sera la participation des autres partenaires ?
Lors de la Table Ronde sur le Tourisme, le Président de la République a manifesté le souhait d’accompagner un certain nombre de projets touristiques. Qu’en est-il à ce jour ? Quels sont les projets qui ont été retenus et contractualisés par l’Etat ?
Certains de ces projets figurent déjà dans le Plan de Relance Régional, comme les projets relatifs au Grand Saint-Pierre, à l’éclairage…
AUSSI, en guise de conclusion, permettez-nous d’avancer un certain nombre de suggestions.
D’abord en terme méthodologique. Il nous paraît opportun de définir des orientations stratégiques à très court terme pour répondre à l’urgence de la situation du secteur touristique mais aussi à moyen terme pour conforter les bases d’une politique touristique efficiente.
La Proposition d’un « Congrès sur le Tourisme » (CG/CR), dans la perspective de la Collectivité unique de 2014, pour définir et adopter ensemble ces orientations stratégiques à venir, nous paraît tout à fait opportune.
PROPOSITIONS A COURT TERME
PROPOSITIONS A MOYEN TERME
Ce ne sont donc pas les propositions qui manquent. Les analyses se suivent et se ressemblent car faites par des experts et des administratifs compétents (félicitations au personnel de la Région !). Le tout en période de pénurie est d’identifier les priorités qui feront parallèlement la Marque Martinique. Car, à trop vouloir en faire on risque de se diluer, avec comme principale conséquence la difficulté d’émerger sur un secteur où la concurrence est vive et celle de se différencier dans une zone qui a déjà su se démarquer sur les marchés étrangers.
Notre groupe est donc déjà prêt pour apporter sa contribution à la réflexion et à la mise en œuvre de cette politique touristique.
Martinique, le 12 juillet 2011
Pour le Groupe des Patriotes Martiniquais et Sympathisants
Louis BOUTRIN