Discussion au Sénat, jeudi 12 mai 2011, du projet de loi
relatif aux collectivités de Guyane et de Martinique
Explication de vote (abstention) du Sénateur Claude Lise
« Au terme de ce débat, je dois vous exprimer ma déception et une très grande inquiétude.
D’abord, du fait des conditions dans lesquelles le débat a été mené, c'est-à-dire trop vite et avec une écoute insuffisante.
Ensuite, pour deux raisons de fond : la première, c’est la conception qui a prévalu pour la collectivité unique, une conception qui ne peut aboutir qu’à concentrer un maximum de pouvoirs dans les mains d’un parti (ou d’un regroupement de partis) ayant gagné les élections à l’Assemblée de Martinique.
Dans ces conditions, l’opposition sera réduite à la portion congrue.
Certaines formations, bien que représentatives de courants d’opinion relativement importants, seront marginalisées, voire éliminées.
On a donc délibérément choisi l’efficacité au détriment de la démocratie. Mais il faut savoir que l’absence de démocratie ne peut que nuire à l’efficacité.
Partout dans le monde, la preuve est faite qu’il n’y a pas de développement authentique sans démocratie. Par ailleurs, lorsque dans une île, des minorités sont muselées, elles n’ont le choix qu’entre être étouffées ou se révolter.
La deuxième raison, c’est le fait que le texte retenu ouvre la possibilité de renvoyer à 2014 la mise en place de la collectivité unique.
Je ne comprends pas que l’on puisse, après avoir précipité, il y a plus d’un an, la consultation des citoyens, leur expliquer que l’on a tout le temps pour mettre en œuvre le cadre institutionnel pour lequel ils ont opté ; d’autant que ce cadre institutionnel leur a été présenté comme un instrument susceptible de permettre aux élus d’exercer avec beaucoup plus d’efficacité leurs responsabilités au service du développement local.
D’autant que, plus le temps va passer, plus on risque d’assister, dans les deux collectivités territoriales, à la création de services concurrents et en doublons.
Je ne peux donc pas voter ce texte en l’état. Je ne voterai pas contre, car je considère que la réforme visant à remplacer le système de région monodépartementale par une collectivité unique est réellement nécessaire. Je vais donc m’abstenir, en espérant que l’Assemblée nationale prendra le temps d’écouter des arguments qui ont été bien vite balayés ici. »
Claude LISE a déposé plusieurs amendements. Parmi ceux-ci, il faut notamment mentionner l’un portant sur la question de la prime majoritaire et un autre concernant la date butoir de mise en place de la collectivité unique. Ces amendements n’ont pas été adoptés.
Amendement 71, déposé par Claude LISE, sur la prime majoritaire
Objet : « La prime de majorité de neuf sièges ne garantit pas suffisamment le respect d’une représentation pluraliste à laquelle sont légitimement attachés les citoyens martiniquais.
Elle risque, en effet, de minorer par trop, voire d’éliminer, des formations politiques représentatives de sensibilités politiques dont on ne peut sous estimer l’importance au sein de la population.
On doit tenir compte, par ailleurs, de l’ajout, à ces neuf sièges de prime, des neuf sièges du conseil exécutif. Celui-ci sera, en effet, de toute évidence, issu des rangs de la liste arrivée en tête lors de l’élection de l’Assemblée de Martinique.
Une prime de cinq sièges sera tout à fait suffisante, si l’on se réfère à l’histoire de la vie politique martiniquaise, pour assurer une majorité stable à l’Assemblée de Martinique. »
Amendement 73, déposé par Claude LISE et Jean-Etienne ANTOINETTE, sur la date butoir de mise en place de la collectivité unique
Objet : « Cet amendement vise à rétablir la date de la première élection des conseillers à l’Assemblée de Martinique au plus tard le 31 décembre 2012, telle qu’inscrite dans le projet de loi du Gouvernement.
Les citoyens consultés en janvier 2010 comprendraient mal que l’on puisse envisager de repousser à 2014 la mise en place d’une réforme institutionnelle qu’ils ont approuvée dans le but de supprimer les dysfonctionnements résultant de la coexistence d’une collectivité départementale et d’une collectivité régionale sur un même territoire.
La date butoir du 31 décembre 2012 serait plus conforme aux engagements pris par le président de la République.
Dans un contexte économique et social qui ne cesse de se dégrader, elle garantirait la mise en place le plus tôt possible d’u instrument institutionnel permettant de conduire les politiques publiques locales de façon plus efficaces et d’offrir un cadre lisible et stabilisé aux acteurs économiques.
Elle éviterait la poursuite de la création de services concurrents et en doublons qui ne manqueront pas de générer des difficultés lors de l’unification des deux collectivités. Elle éviterait également de maintenir les agents des deux collectivités actuelles dans une situation d’incertitude peu propice à un bon fonctionnement des services.
Aucun obstacle juridique n’empêche cette mise en œuvre, ainsi que l’a clairement exprimé le Conseil d’Etat dans son avis de janvier 2011. »
Claude Lise
Sénateur de la Martinique.