Ce scrutin est la dernière étape des accords de paix signés au Kenya en janvier 2005 et qui a mis un terme à plus de vingt ans de guerre civile entre le Nord, à majorité arabe et musulmane, et le Sud, composé d'une centaine d'ethnies africaines, essentiellement animistes et chrétienne (1983-2005).
« Etre maître de notre vie et de notre terre »
Signer la disparition du plus vaste pays d'Afrique, c'est pour ça que des centaines de Sud-Soudanais se sont présentés dès la tombée de la nuit devant les portes des 2 638 bureaux de vote de Djouba, la principale ville du Sud-Soudan.
Habillé d'une chemise bleue nuit et d'un pantalon sombre, Joseph Akog a une allure impeccable. Pourtant, il vient de passer la nuit dehors, dans la poussière. Il veut être l'un des premiers à glisser son bulletin dans l'urne. Il résume le sentiment général : « Nous voulons être maître de notre vie et de notre terre. »
Le jeune homme ne vote pas n'importe où. Son bureau de vote est situé au Mémorial John-Garang, du nom du leader historique des indépendantistes sudistes, mort dans un mystérieux accident d'avion en 2005
C'est d'ailleurs là que son successeur, Salva Kiir Mayardit, donne le coup d'envoi de ce référendum. Et pour une fois, les horaires sont respectés.
A 8h05, le président de la région semi-autonome du Sud-Soudan, tend sa carte d'électeur, récupère son bulletin de vote, s'avance dans l'isoloir, appuie son pouce imbibé d'encre devant le symbole de son choix, glisse son bulletin dans l'urne et trempe son doigt dans une encre censée être indélébile.
« Le référendum n'est pas la fin du voyage, plutôt le début »
Rien d'extraordinaire dans ces gestes. Rien non plus dans le discours qui suivit, où l'homme a souligné qu'« il s'agissait d'un moment historique qu'attendait la population du Sud-Soudan ».
La veille, Salva Kiir Mayardit avait été plus inspiré : « Le référendum n'est pas la fin du voyage, mais plutôt le début d'un autre. » Et rendait hommage au quelque deux millions de combattants sudistes morts durant la guerre civile.
« Je crois que le docteur John [John-Garang] et tous ceux qui sont ceux qui sont morts avec lui sont avec nous aujourd'hui. Et je suis sûr qu'ils ne sont pas morts en vain. » (Ecouter le son, en anglais)
Nombreux sont les personnalités à avoir assisté au départ de ce « voyage ». Sous la tente des VIPs, on reconnaît notamment l'ancien candidat démocrate à la présidence des Etats-Unis et actuel président de la commission des Affaires étrangère au Sénat, John Kerry. Mais aussi l'acteur Gorge Clooney, dont l'association Not on Our Watch est fortement impliquée au Soudan.
George Clooney se félicitait de la tenue de ce référendum :
« Quand vous demandiez à n'importe qui présent sur place depuis plusieurs mois, il vous répondait : “Ecoutez, ce sera reporté, il n'y a pas moyen de les [les dirigeants du nord et du sud] faire travailler ensemble.” C'est une vraie réussite du président Salva Kiir. » (Ecoutez le son)
Du beau linge qui laisse Peter Riek de marbre. Il préfère exhiber fièrement son index gauche tâché d'encre, preuve qu'il a voté :
« Le temps est venu pour les Sud-Soudanais de faire leur choix. Le choix de la séparation. Ce n'est plus le temps des discours. Nous avons besoin de la séparation, maintenant. On l'attend depuis cinquante ans [depuis l'indépendance du pays en 1956, les Sud-Soudanais considèrent qu'ils ont toujours été traités comme des citoyens de seconde zone, ndlr]. »
L'indépendance, Mickaël Luis la désire également avec ardeur. Comme toutes les personnes qui l'entourent dans ce bureau de vote du centre-ville. Mais autant par intérêt personnel que général. Ce bureau de vote est dévolu aux prisonniers. Si le Sud-Soudan devient indépendant, des prisonniers pourraient être libérés.
Ce que confirme le colonel James Lisamure, administrateur de la prison, « cela pourrait concerner tous les prisonniers, sauf les condamnés à mort. » Condamné à six ans de prison pour avoir frappé un homme, Mickaël Luis a déjà purgé deux ans. Il espère que ce seront les derniers.
Kofi Annan satisfait de la participation des femmes au scrutin
L'ambassadeur japonais à Khartoum est venu visiter ce bureau de vote inédit. L'ancien secrétaire des Nations Unis, Kofi Annan et l'ancien président des Etats-Unis, Jimmy Carter n'ont pas osé. Ils ont préféré visiter, plus classiquement, une école primaire transformée en bureau de vote pour l'occasion. Et de faire notamment l'éloge des femmes qui représentent plus de 50% des inscrits.
Kofi Anann vantait la forte participation des Sud-Soudanaises :
« Laissez moi dire que le président Carter et moi-même sommes très heureux de constater la participation active des femmes. Et je note que 52% des inscrits sont des femmes. »
Jimmy Carter montre un intérêt particulier pour la région depuis plusieurs année. Son ONG, le Carter Center, a dépêché une centaine d'observateurs chargée de surveiller le bon déroulement du scrutin sur un total de 1400 observateurs internationaux.
En face de l'école se dresse l'église Sainte-Theresa. La plus grande de Djouba. Comme chaque dimanche, Salva Kiir Mayardit s'y est rendu pour le second office. Probablement a-t-il prié pour qu'au moins, 60% des électeurs enregistrés prennent part au vote. Si ce quorum n'est pas atteint, le scrutin sera purement annulé. Et tout serait à recommencer.
SOURCE : Rue89