USA -MAREE NOIRE : INTERROGATION SUR LES DANGERS DES DISPERSANTS

Le remède peut être pire que le mal !

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On ignore les effets à long terme de l'utilisation des dispersants sur le golfe du Mexique et les résidents du littoral.
La militante écologiste Erin Brockovitch monte au front pour prévenir de leurs danger

 

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PHOTO : La célèbre militante écologisteErin Brockovitch a sillonné le Bayou pour alerter la population sur les dispersants.


En débardeur et casquette, Erin Brockovich est arrivée au restaurant Charlie du village de Violet, sur la rive est du Mississippi, suivie de plusieurs caméras de télévision. Sérieuse et concentrée, elle s'est immédiatement installée dans l'arrière-salle où l'attendaient une cinquantaine de pêcheurs et leurs familles.

Pendant trois jours, la célèbre militante écologiste, immortalisée par l'actrice Julia Roberts en 2000, a sillonné sans répit les bayous de Louisiane pour alerter la population des dangers causés par le déversement par BP de presque 4 millions de litres des dispersants Corexit 9 500 et EC9527A dans le golfe du Mexique.

«Cargaison dangereuse»

Soixante et onze personnes, dont 29 affectées au nettoyage de la marée noire et 21 travaillant sur des plates-formes de forage, sont tombées malades au contact du dispersant. Les causes de leurs maux (migraines, étourdissements, essoufflements) n'ont pas été déterminées, mais BP a suggéré la possibilité d'empoisonnements alimentaires et elle a décidé de confisquer les uniformes des malades hospitalisés pour éviter qu'ils ne soient testés pour contamination.

«Alors que j'effectuais une visite au large, j'ai observé un navire sur lequel on lisait “Cargaison dangereuse, ne pas approcher”. Pourtant, aucune des personnes présentes sur ce bateau affecté au nettoyage ne portait la moindre protection», s'indigne Erin. Ce manque de précautions élémentaires plonge dans l'angoisse l'épouse du pêcheur David Chauvin, Kim, dont les deux fils de 20 et 21 ans ont été recrutés pour nettoyer la marée noire en mai dernier.

«Mauvais effet»

«J'ai demandé en vain à BP de leur fournir des masques respiratoires, se lamente Kim. Mais BP assure qu'il n'y a aucun danger.» Pourtant, un pêcheur de Grand Isle affirme que la compagnie pétrolière aurait refusé de distribuer des masques respiratoires pour couper court aux rumeurs de toxicité du dispersant. «On nous a dit que ça ferait mauvais effet», affirme-t-il.

Sur l'autre rive du Mississippi, à Belle Chasse, BP a organisé une soirée portes ouvertes pour répondre aux questions et préoccupations des pêcheurs. Parmi les experts présents, le biologiste marin et membre de l'agence National Oceanic and Atmospheric Administration (NOAA), Jordan Staut, affirme lui aussi que le dispersant est presque inoffensif puisque biodégradable. «Il se désintègre et se disperse naturellement après quelques jours», explique-t-il. «Évidemment, ce n'est pas idéal car sous l'effet du dispersant, le brut est coulé dans la colonne d'eau. Mais c'est la meilleure solution.» M. Staut distribue des brochures expliquant dans un langage simpliste que le Corexit est comparable au savon.

Effets à long terme

En réalité, on ignore les effets à long terme de l'utilisation de ces dispersants non seulement sur l'écosystème du golfe du Mexique, mais aussi sur les résidents de son littoral, une fois que la nappe de brut aura enseveli les plages de Louisiane, d'Alabama, du Mississippi et de Floride. En effet, jamais de telles quantités n'ont été utilisées auparavant.

Au lendemain de l'explosion de la plateforme Deepwater Horizon le 20 avril dernier, l'Environmental Protection Agency (EPA) a d'abord exigé de BP qu'elle cesse de vaporiser Corexit avant de s'incliner quelques jours plus tard, sous la pression du géant pétrolier. Ce n'est que le 8 juin dernier que l'agence gouvernementale a finalement cédé aux exigences du public et de la presse en révélant enfin les agents chimiques contenus dans le dispersant (jusque-là, le secret avait été gardé). Ils sont au nombre de huit. L'un d'eux, le 2-Butoxyethanol, est extrêmement toxique.

Le chemin des plages

Parmi les caractéristiques de ce produit citées par l'EPA, on apprend qu'il «doit être manipulé comme un cancérigène - avec une extrême prudence» ; que son «contact peut irriter la peau et endommager les yeux»; qu'il peut «causer des nausées, vomissements, diarrhées, douleurs abdominales ; migraines, étourdissements, évanouissements et vertiges»; enfin qu'il peut «endommager les reins et le foie».

L'utilisation des dispersants était censée empêcher le pétrole d'atteindre le littoral en le dissolvant. On sait aujourd'hui que le brut a malgré tout trouvé le chemin des plages. «Vous allez devoir suivre votre instinct, a donc conseillé Erin aux familles de pêcheurs. Vous êtes sur votre territoire. Vous allez devoir vous protéger.» Kim Chauvin acquiesce. Elle pense à ses fils, là-bas au large. Deux de leurs collègues sont tombés malades. Mais s'ils parlent de leurs conditions de travail, ils perdront le seul emploi qui leur reste : le nettoyage de la nappe.

Source : Le Figaro.fr