53 morts après les émeutes qui ont suivi son procès
Rodney King, figure des émeutes raciales dévastatrices à Los Angeles en 1992, a été retrouvé mort à l'âge de 47 ans dimanche 17 juin, a annoncé la police.
Le 3 mars 1991, Rodney King avait été brutalement frappé par quatre policiers blancs, devant la caméra d'un vidéaste amateur, après avoir été arrêté pour excès de vitesse. La vidéo de dix minutes fait rapidement le tour du monde et l'affaire devient l'une des plus médiatiques en matière d'abus de la part des forces de l'ordre, faisant de Rodney King un symbole des tensions raciales aux Etats-Unis. On y voit la victime recevoir 56 coups de bâton sur la tête, les bras, les genoux ainsi que de nombreux coups de pieds.
PHOTO : Le 3 mars 1991, des images filmées de la chaîne de télévision locale KTLA montrent des officiers de police qui passent à tabac Rodney King, un automobiliste en excès de vitesse.
Les quatre policiers sont alors accusés d'agression et d'utilisation excessive de la force. Mais, un an plus tard, le 29 avril 1992, les quatre
hommes sont blanchis par un jury composé dix Blancs, un Hispanique et un Asiatique. Quelque 100 000 personnes descendent alors dans la rue pour protester contre le racisme. La manifestation dégénère en violences, pillages, incendies de maisons et de commerces, et c'est seulement au 4e jour, lorsque l'armée arrive en renfort, que la situation commence lentement à redevenir normale. Le sixième jour, le maire de la ville, Tom Bradley, lève le couvre-feu qui avait été instauré, bien que les violences se poursuivent dans certaines zones.
Les violences font 53 morts, des milliers de blessés et les dégâts sont estimés à 1 milliard de dollars. "Ne pouvons-nous pas vivre ensemble ?", lance alors Rodney King à la télévision. La phrase résume alors le sentiment d'une population marquée par la diversité avec d'importantes communautés noire, hispanique et coréenne en constante tension entre elles, tout en étant frustrées par la discrimination.
"Les émeutes de Los Angeles, vingt ans après"
En 2012, Rodney King avait publié un livre à l'occasion du 20e anniversaire des émeutes, intitulé The Riot Within. "Je leur ai pardonné", avait-il assuré à propos des quatre policiers qui l'ont tabassé, lors d'un entretien à la chaîne CNN. "Parce que les Etats-Unis m'ont pardonné de nombreuses choses et m'ont donné de nombreuses opportunités. Il faut pouvoir avoir une seconde chance et moi, je l'ai eue." Rodney King a été arrêté une dizaine de fois depuis les émeutes pour des affaires mineures.
HOMMAGE DE LA PRESSE AMÉRICAINE
Icône du mouvement des droits civiques pour le Los Angeles Times, symbole des tensions raciales persistantes dans le pays, pour le New York Times, de la brutalité policière pour le Washington Post, Rodney King reçoit lundi 18 juin un hommage unanime de la presse américaine.
De nombreux titres en profitent pour ressortir des interviews récentes de ce héros malgré lui de l'histoire américaine. Le New York Times raconte qu'il a eu bien du mal à supporter cette célébrité et les espoirs qui reposaient sur lui. "Je réalise que je serai pour toujours la tête d'affiche de la brutalité policière (...). Les gens me regardent comme Malcom X, Martin Luther King ou Rosa Parks, c'est difficile de vivre avec autant d'attentes sur les épaules", expliquait-il.
Pour le Los Angeles Times, l'homme était, des années après, encore hanté par un passé trop lourd à porter. "J'ai parfois l'impression d'être dans un étau. Certaines personnes me considèrent comme une sorte de héros, d'autres me détestent. Elles disent que je le méritais. Enfin, certains se moquaient de moi quand j'appelais à la fin des émeutes, comme si j'étais fou de croire en la paix", déclarait-il au quotidien.
Dans une interview plus récente, en 2012, il reconnaissait enfin l'importance de son arrestation. Un événement qui aurait permis à d'autres de réussir. "Obama ne serait pas président sans ce qui m'est arrivé, à moi, mais aussi à d'autres personnes noires dans le passé", confiait-il. Pour autant, comme le rappelle ABC news, vingt ans après la bastonnade, l'histoire de Rodney King ne fait pas partie du passé. Le meurtre de l'adolescent noir Trayvon Martin, abattu en février 2012 en Floride, prouve que toutes les leçons du drame n'ont pas encore été tirées.
Marqué à jamais, Rodney King marchait toujours en boitant et plusieurs de ses cicatrices étaient encore visibles, révèle le New York Times. Il a été retrouvé inanimé dimanche dans la piscine qu'il avait construite de ses mains. Et où la date du 3 mars 1991 était gravée entre deux carreaux.