VIENT DE PARAÎTRE : LE PREMIER POLAR DE RAPHAËL CONFIANT

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La collection "Polar" de Caraïbéditions va se voir étoffée de deux nouveaux titres, d'ici la fin de l'année 2010.

Le développement de cette collection est important pour nous car le polar est un genre littéraire qui rend facilement compte de la réalité sociale d’un pays, et c’est précisément ce que notre maison d’édition cherche à révéler à travers toutes ses publications.

Si ce genre fut longtemps associé à une culture populaire, il a acquis au cours de la dernière décennie, ses lettres de noblesse et il a largement étendu son lectorat auprès de toutes les classes sociales. Ceci a contribué à susciter l’intérêt d’un nombre croissant d’auteurs «classiques», notamment celui de Raphaël Confiant qui s’est enfin décidé, pour notre plus grand bonheur et celui des lecteurs, à faire évoluer ses personnages dans l’univers noir du polar.

Dans son premier roman policier, Raphaël Confiant nous offre ainsi, à la sauce antillaise, tous les ingrédients du genre - crime, mobiles, enquêtes, suspects et coupables - dans une Martinique très loin des clichés, le tout avec une écriture plus libérée et un style percutant.

Plus qu’un nouveau roman, plus qu’un nouveau style d’écriture, c’est le genre policier caribéen que l’auteur souhaite initier au même titre qu’existe par ailleurs le polar scandinave et le polar américain.

    

Présentation du polar par l'éditeur

Grand émoi à Fort-de-France! Un honnête entrepreneur en travaux publics, Sésostris Ferdinand, est découvert assassiné (et castré) dans un boxon du quartier des Terres-Sainvilles. La Dominicaine, avec laquelle il avait passé la nuit, demeure introuvable et la police finit par clore l’enquête au bout de quelques mois. Sa veuve, Irmine, ne peut s’y résoudre et embauche un détective privé, Jack Teddyson, afin de tenter d’éclaircir le mystère. Ce dernier, personnage déjanté, cynique et désabusé quant à la nature humaine, va pénétrer dans le monde interlope de la borlette (loterie clandestine haïtienne), de la prostitution, de l’affairisme et de la politique dans une île, la Martinique, qui a perdu ses repères suite à l’effondrement de l’économie de la canne à sucre à la fin des années soixante du XXe siècle. Aidé par son ami l’inspecteur Maxence, Teddyson enquête sur des citoyens au-dessus de tout soupçon.

Sésostris Ferdinand a-t-il été tué par sa propre épouse dévorée par la jalousie? Parce qu’il ambitionnait de ravir le poste d’un député gaulliste dont il finançait le parti? À cause de son intrusion dans l’univers de la borlette marquée au coin du vaudou? Parce qu’il gênait le bizness des macs de prostituées dominicaines? À cause des dettes qu’il avait accumulées au poker auprès de joueurs syriens? Par l’un des employés de son entreprise du bâtiment, Madinina-constructions?

Mystère en pays créole…

    

Entrevue avec l'auteur

Raphaël Confiant, écrire votre premier Polar : une idée de longue date, un caprice ou une envie de changer de genre?

L’écrivain antillais se doit d’explorer tous les genres littéraires, même si le roman à connotation identitaire ou historique ne peut pas ne pas être dominant à cause de la situation particulière de nos pays. Il y avait donc longtemps que je souhaitais m’aventurer sur ce terrain-là, chose que j’avais fait timidement et maladroitement il y a une dizaine d’années avec «Le Meurtre du Samedi-Gloria» lequel est, en fait, un roman classique déguisé en roman policier. Avec «Citoyens au-dessus de tout soupçon», par contre, j’entre de plein pied dans le polar.

Avez vous pris plaisir à changer de genre littéraire?

Énormément de plaisir car c’est comme s’aventurer sur une terre étrangère, découvrir de nouveaux paysages, de nouveaux modes langagiers. J’ai d’abord ressenti une plus grande liberté. Liberté stylistique car le polar déconstruit la langue littéraire classique. Liberté au niveau thématique ensuite car le polar part le plus souvent d’un fait banal, voire trivial, le plus souvent un meurtre, et se déploie ensuite dans les domaines de la politique, du sociologique etc... sans pour autant ennuyer le lecteur avec des théories. Liberté existentielle enfin, car cela m’a permis de décrocher un moment, du militantisme qui m’est imposé par la situation historique de la Martinique que j’ai déjà évoquée.

En quoi l’écriture d’un tel ouvrage est elle différente de celle de vos romans habituels?

Habituellement, mes romans sont adossés soit à des faits historiques (époque de l’Amiral Robert, pèlerinage de la Vierge du Grand Retour etc.) soit à des phénomènes sociologiques (arrivée et installation des Indiens ou des Chinois à la Martinique). Avec ce polar, j’ai dû travailler sans filet, sans la béquille historique ou sociologique, c’est-àdire que j’ai dû faire preuve d’inventivité. Je veux dire par là qu’alors que dans mes romans habituels, on trouve à la fois des personnages inventés (Amédé Mauville, Philomène etc.) et des personnages historiques (l’Amiral Robert, Gauguin etc.), avec «Citoyens au-dessus de tout soupçon», j’ai été obligé d’inventer la totalité de mes personnages. N’y étant pas habitué, ce ne fut pas facile, mais j’en ai tiré un grand plaisir d’écriture.

Est ce plus facile ou plus difficile?

À mon niveau, c’est plus difficile. Il existe une abondante documentation sur l’Amiral Robert ou sur l’arrivée des Indiens à la Martinique et il suffit d’y puiser les éléments utiles à la rédaction d’un roman, alors que là, j’ai dû remplacer ce travail d’archives par celui de l’imagination.

Retrouve t’on dans ce roman policier les ingrédients habituels de vos précédents romans?

On ne se refait pas! Mon univers créole habituel est très présent dans ce polar, mais d’une manière assez différente de celle que l’on trouve dans mes livres précédents. La langue, par exemple, y est plus libre. Les personnages sont décrits de manière plus distanciée.

Vous êtes vous inspiré de faits réels?

Pas du tout! Enfin, pas pour l’intrigue principale, je veux dire. Comme j’ai toujours des sous-intrigues dans mes romans, là, oui, j’ai eu recours à certains faits réels. Mais ce n’est pas du tout un roman à clés. Inutile de chercher à qui correspond dans la réalité le détective Jack Teddyson ou Sésostris Ferdinand, l’entrepreneur qui se fait assassiner dans la chambre d’une prostituée dominicaine!

Retrouvera t’on le détective Teddiyson dans d’autres histoires?

Je l’espère. Mon héros, Jack Teddyson a l’étoffe, je pense, pour devenir un personnage récurrent. D’autant qu’à travers ses enquêtes, il dévoile des aspects peu reluisants de la Martinique moderne. Le polar est, au fond, une manière de faire de la critique sociale et politique sans en avoir l’air. Oui, Teddyson reviendra et plus tôt qu’on ne le pense!

Si oui, après les thèmes de la prostitution, de la borlète et de l’affairisme martiniquais abordés dans ce premier polar, de quels autres thèmes souhaiteriez vous parler?

Teddyson enquêtera dans le prochain opus sur le milieu de la francmaçonnerie insulaire. Dans les textes qui suivront, j’évoquerai le milieu des combats de coqs. Celui du monde béké très certainement... Bref, ce ne sont pas les thèmes qui manquent!

D’après vous y a t’il, pour le roman policier, un «genre caribéen» comme cela peut être le cas pour le «polar scandinave»?

Tout à fait! Un polar caribéen ne peut être un simple décalque plus ou moins habile du polar européen ou étasunien. Il doit se forger son propre style et inventer sa propre démarche narrative. C’est ce que, modestement, j’ai tenté de faire. Je voudrais voir naître le polar créole.

in Potomitan