Contribution de Louis Boutrin

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Lettre ouverte à Michèle Alliot-Marie
 


"Au moment où une chape d’illusion s’effondre, n’ajoutez pas une nouvelle à travers votre proposition d’Etats Généraux que vous voulez nous imposer". LB

 

 

 

 

LETTRE OUVERTE à MICHÈLE ALLIOT-MARIE

 

Madame la Ministre de l’Outre-Mer,

 

Le 20 mai 2005, 55 % des électeurs français rejetaient le projet de Constitution européenne. Pour sortir de l’impasse dans laquelle la victoire du NON avait plongé l’Europe, nos gouvernants ont modifié les règles du jeu. Et de quelle manière !

Le 8 mars 2008. Une fois élu, le président Sarkozy a réintroduit par le soupirail du Parlement, un traité qui avait été expulsé par la grande porte du référendum. En oeuvrant ainsi, vous avez certes exorcisé le NON mais vous avez surtout démontré, non sans cynisme, votre capacité à ignorer l’expression populaire issue des urnes. Mais cela concerne la construction de l’Europe et, c’est votre affaire !

 

Le 4 mars 2009. A la question du député martiniquais Alfred Marie-Jeanne qui vous demande d’ouvrir le champ du possible par le passage à l’Art. 74 définissant le cadre de l’Autonomie de la Martinique, vous évoquez la consultation référendaire du 7 décembre 2003 sans omettre de préciser que la proposition d’une Assemblée unique avait été refusée par les électeurs (N.B. : 50, 48 % pour le NON). Belle pirouette du haut de votre perchoir, mais quelle dose d’amnésie sélective !

En effet, votre propos contraste singulièrement avec la croisade du président Sarkozy pour infirmer les décisions des peuples néerlandais et irlandais au référendum sur la Constitution européenne.

A travers cette réponse, nous constatons également que votre pendule est restée fixée à l’heure du 7 décembre 2003. Vous ne pourrez pas pour autant figer l’Histoire. Le peuple martiniquais, descendu massivement dans la rue, vous a envoyé, à vous aussi, un signal fort quant à son exaspération et sa révolte face aux incohérences du système actuel qui demeure de type colonial.

 

Une nouvelle génération de Martiniquais frappe à la porte de la justice sociale et de la Liberté. Elle a fait choix de la rue pour exprimer son mécontentement et son désarroi face à la vie chère et aux profits abusifs. Cette revendication populaire s’inscrit certes dans un contexte de crise économique mondiale mais elle est exacerbée en Martinique par les injustices sociales, le poids du passé colonial et esclavagiste dont les séquelles sont encore palpables

Cependant,  cette colère qui s’est manifestée lors des récentes émeutes de Fort de France est symptomatique du malaise social et de la nécessité d’apporter des solutions urgentes à la situation.  

Ignorer cette réalité là, en restant sourde aux requêtes des représentants du peuple, c’est courir le risque d’accentuer la crise de confiance grandissante. Les gouvernements successifs, toutes tendances politiques confondues, n’ont jamais tenu compte des interpellations des parlementaires Martiniquais. Les conséquences, vous les connaissez. Elles sont véhiculées par ces images qui font le tour de la planète. Belle publicité pour Le pays des Droits de l’Homme et du Citoyen !

L’heure est donc venue de rompre avec ces pratiques archaïques. Il en va de la crédibilité même des élus locaux et du maintien de la paix sociale. Sans une confiance retrouvée, on ne peut imaginer une évolution en toute sérénité de la Martinique si les responsabilités essentielles nous échappent. L’évolution attendue par la population et la satisfaction des revendications sociales actuelles devraient trouver leur traduction dans des politiques publiques qui tardent à être mises en œuvre. L’organisation cohérente des pouvoirs publics dans le cadre d’une large autonomie, même si elle ne résout pas tous les maux de la société martiniquaise, permettra de répondre en grande partie à tous ces objectifs.

C’est tout le sens de notre démarche en faveur d’une évolution institutionnelle relayée par nos parlementaires.

Au moment où une chape d’illusion s’effondre, n’ajoutez pas une nouvelle à travers votre proposition d’Etats Généraux que vous voulez nous imposer.

En Martinique, depuis 10 ans, une réflexion approfondie a été menée en concertation avec la population. Elle a débouché sur des projets concrets remis au Premier Ministre le 5 janvier 2008. Il n’y a donc pas lieu de succomber au mirage d’une énième grand-messe. Donnez plutôt une suite favorable à la requête de ceux qui ont la légitimité des urnes pour préparer l’avenir des Martiniquais.

L’organisation d’un référendum sur l’Autonomie dans le cadre de l’Art. 74 de la Constitution répondrait à cette exigence de l’histoire. C’est cette réponse que nous attendons de vous, Madame la Ministre de l’Outre-Mer.

 

Martinique, le 8 mars 2009

Louis BOUTRIN