C’est cette fois paré du costume de président de la république qu’Alpha Condé assiste aux violences qui font suite à son élection. A 72 ans, il accède enfin à la magistrature suprême au terme d’une remontée fantastique et presque inespérée, mais dans un contexte d’extrême violence. Des heurts ont fait au moins sept morts depuis mardi et l’état d’urgence a été décrété sur toute l’étendue du territoire national.
Alpha Condé a longtemps existé loin de sa Guinée natale, qu’il quitte pour la France à l’âge en 15 ans. Il y fait toute sa scolarité et parfait ses gammes d’hommes politiques, militant très tôt à la Fédération des étudiants d’Afrique Noire en France (Feanf), qu’il dirigera pendant plus de 10 ans (1964-1975). Il s’y lie d’amitié avec Bernard Kouchner, fait la connaissance de nombreuses personnalités de la classe politique française, de Jean-Pierre Chevènement à André Santini, en passant par Michèle Alliot-Marie. Il y devient docteur en droit public. C’est dans l’Hexagone, enfin, un pays qui l’a toujours soutenu, qu’il trouvera refuge pendant ses multiples exils.
Sékou Touré, le premier président de la Guinée indépendante, avec qui ses relations étaient aux prémices excellentes, est le premier à l’y contraindre. Suite à la sanglante répression du « complot des enseignants » (20 morts et des centaines d’arrestations) fin 1961, Alpha Condé prend ses distances avec le « père de l’indépendance » guinéenne. Débute ainsi pour lui trente ans d’un exil militant fait d’oppositions aux dérives dictatoriales du régime de Sékou Touré et marqué par sa condamnation à mort par contumace en 1970 pour sa supposée participation à la tentative de renversement du régime par l’armée coloniale portugaise.
Un demi siècle dans l’opposition
Lorsque Sékou Touré s’éteint en 1984 et qu’il est remplacé par Lansana Conté, l’inusable Alpha Condé accentue sa posture d’opposant, toujours à distance. S’il rentre en Guinée en mai 1991, l’instauration du multipartisme en avril 1992 met réellement fin à son exil. Il peut ainsi se présenter à l’élection présidentielle en 1993 puis en 1998. Ces scrutins ne sont ni libres ni transparents mais Alpha Condé est officiellement crédité de 27% et 18% des voix. Quelques jours après celles de 1998, le fondateur du Rassemblement du peuple de Guinée (RPG) est arrêté avant même la proclamation des résultats. Il est alors condamné à cinq ans de prison pour « atteintes à l’autorité de l’Etat et à l’intégrité du territoire national ». L’affaire émeut la communauté internationale. La France, toujours, le secrétaire général des Nations unies, Kofi Annan, et la secrétaire d’État américaine, Madeleine Albright, plaident sa cause. Condamné à cinq ans de prison en septembre 2000, Alpha Condé est finalement gracié 20 mois plus tard avant d’être évacué de Conakry à bord de l’avion personnel du président sénégalais Abdoulaye Wade.
Jusqu’à la mort de Lansana Conté, le 22 décembre 2008, c’est le plus souvent à distance, depuis Paris, qu’Alpha Condé poursuit son combat, refusant de soutenir les Premiers ministres successifs, prenant ses distances avec la junte militaire de Moussa Dadis Camara et ses promesses de transition après le bain de sang perpétré par les bérets rouges le 28 septembre 2009. Dans un pays qui a vu défiler les régimes autoritaires, être resté dans l’opposition est incontestablement un avantage pour le leader du RPG. Ses électeurs le considèrent, à 72 ans, comme « un homme neuf » qui n’a jamais eu l’occasion de « participer au pillage du pays ». Celui que beaucoup décrivent comme un homme autoritaire et impulsif, qui écoute peu, a ainsi fait de sa figure d’opposant un fond de commerce. « C’est ma fierté d’avoir été pendant un demi siècle à la pointe du combat pour imposer la démocratie en Guinée, et d’avoir été le meilleur opposant contre les régimes corrompus qui ont conduit notre pays à la misère », affirme-t-il fièrement, prenant Nelson Mandela pour modèle.
Pendant la campagne présidentielle, Alpha Condé le malinké s’est notamment fait remarquer par ses attaques contre les Peuls. « Ce sont des Peuls, et ils sont connus », disait-il en incriminant « les grands commerçants » qui « ont réussi par le biais du trafic de faux billets et de la drogue », dans une interview accordée dans les Posts Afrique du site du journal Libération. Après avoir tiré sur le ressort de l’ethnicité, Alpha Condé va, alors que les violences se multiplient, devoir tout faire pour rassembler et apaiser. Il a déjà proposé de faire un gouvernement d’union nationale. L’opposition est une chose, l’exercice du pouvoir une autre.
SOURCE : Afrik.com
67,67 % de participation
Alpha Condé a remporté 52,52% des voix lors du second tour de l'élection présidentielle du 7 novembre, contre 47,48% pour Cellou Dalein Diallo, a annoncé lundi soir la Commission électorale nationale indépendante (CENI) de la Guinée.
Le vainqueur de l'élection a été connu plus de quatre mois après le premier tour de l'election presidentielle tenu le 27 juin. Selon les chiffres rendus publics par la CENI au palais du peuple à Conakry, sur les 4.270.531 électeurs, 2.898.233 ont voté, ce qui donne un taux de participation de 67,67%. Sur les 2.808.339 suffrages valabes, M. Condé a gagné 1.474.973, contre 1.333.666 pour M. Diallo.