AGRICULTEURS, PÊCHEURS, AQUACULTEURS, LES OUBLIES DU PLAN CHLORDECONE 1

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Les oubliés du Plan Chlordécone : un dossier du quotidien "France-Antilles"


"Depuis février 2007, les choses ont fort heureusement évolué. On se souvient que notre livre « Chronique d'un empoisonnement annoncé » avait été perçu comme un livre dénonciateur car, aux Antilles, nous n'avons pas cette culture d'investigation et les principaux responsables ont d'emblée cherché à se protéger. Visiblement, le ton a changé notamment du coté de l'Etat qui a mis en place un « Plan Chlordécone 1 » . On peut néanmoins regretter que les agriculteurs et aquaculteurs aient été les oubliés de ce Plan".


PHOTO : Louis BOUTRIN, Président de l'association "Pour une Ecologie Urbaine" et coauteur de "Chronique d'un empoisonnement annoncé".

 

À la veille de la tenue du Grephy/Cros, durant lequel le plan Chlordécone II va être dévoilé, Louis Boutrin, le président de l'association Pour une écologie urbaine et coauteur de « Chronique d'un empoissonnement annoncé » donne quelques points à soulever ou à accélérer. Propositions d'un côté, éléments de réponses de l'autre.

 

Veille sanitaire : Bilan de santé pour les ouvriers concernés

 

Louis BOUTRIN : « Cela nous semble une des propositions les plus urgentes : il n'est pas normal que l'on n'ait pas fait de bilan de santé aux ouvriers agricoles.

Nous demandons d'abord le recensement de tous les ouvriers agricoles ayant travaillé dans la banane de 1972 jusqu'à 2002, puis un bilan de santé et un bilan biologique pour savoir si on retrouve du chlordécone dans leur sang.

Nous avons accompagné les agriculteurs à l'Agence régionale de santé pour que soit pris en compte cet aspect sanitaire.

Dans six mois, nous ferons un bilan avec le directeur de l'ARS, Christian Ursulet » .

 

Veille sanitaire : Une cohorte en cours

 

MARTINE LEDRANS, ÉPIDÉMIOLOGISTE À LA CIRE ANTILLES-GUYANE : « Nous avons lancé deux études de faisabilité dans le but de reconstituer une cohorte (1) . Ce n'est pas simple de faire une rétrospective sur 1973-1993. Il faut retrouver les ouvriers agricoles, alors que les exploitations se sont succédé et que tous n'avaient pas le même statut, exploitant, salariés ou non. C'est à cause de toutes ces difficultés que nous avons lancé une étude de faisabilité. Pour la Martinique, nous aurons les résultats au premier trimestre 2011. Potentiellement, les travailleurs concernés sont plusieurs milliers. Ensuite, il faut voir quel genre d'études nous devons faire. C'est tout le travail à venir, dans le cadre du plan chlordécone II » .

 (1) Une cohorte est un ensemble de personnes ayant vécu un même événement sur une période, en l'occurrence les ouvriers agricoles.

 

 

Dispositif d'aide : « Nous demandons une indemnisation »

Louis BOUTRIN : « Des propositions ont été faites à l'Etat, dont l'aide à la reconversion et le départ anticipé à la retraite pour les ouvriers agricoles concernés. Dans ce dispositif, il y aurait une personne-ressource et un guichet unique pour centraliser l'ensemble du dispositif d'indemnisation. Le préfet s'est engagé. Quand des aquaculteurs, par exemple, se retrouvent concernés par des interdictions administratives (interdictions que nous demandons et que nous approuvons), il ne faut plus qu'ils se retrouvent lésés et ruinés du jour au lendemain » .

 

« Il nous a fallu trouver la liste de cultures possibles sur les terres contaminées puis trouver les bonnes bases juridiques » explique la direction de l'Agriculture.

 

Dispositif d'aide : « Nous proposons un accompagnement »

 

NICOLAS FROUTÉ, DIRECTEUR DE L'AGRICULTURE, À PROPOS DES AGRICULTEURS ET DES AQUACULTEURS. CONCERNANT LES PÉCHEURS, LES MÊMES SCHÉMAS SERONT APPLICABLES. : « 430 diagnostics individuels ont été réalisés, 150 agriculteurs seraient concernés. Nous ne voulons pas nous contenter d'une vision à la parcelle mais souhaitons une approche globale de l'exploitation. Le dispositif d'accompagnement, pendant la phase de mise en place du plan de reconversion, s'accompagne de quatre outils : le diagnostic, la formation, l'aide à la modernisation et le suivi sur 5 ans pour être certain que l'exploitation est pérenne.

La mesure d'accompagnement financier dégressive sur trois ans sera appelée « aide à la mise aux normes communautaires » et est constituée de deux financements Feader (65%) et ministère de l'Agriculture.

Cela a été long à mettre en place car il nous a fallu trouver la liste de cultures possibles sur les terres contaminées puis trouver les bonnes bases juridiques.

Actuellement, on discute avec les services de la commission, car elle nous impose des contraintes de plafonnement. On n'aura pas tout ce qu'on a demandé, mais le ministère de l'agriculture fait le maximum dans le cadre du plan chlordécone II pour trouver des solutions d'accompagnement complémentaires » .

 

Sols contaminés : Sols contaminés : à geler !

Louis BOUTRIN : « La première mesure que nous exigions était le gel des terres contaminées. En effet, toutes les terres ne sont pas contaminées. Il faudrait une cartographie précise, qui tarde à venir. On pourrait alors assurer la traçabilité des aliments qui viennent des terres saines.

Les agriculteurs dont les parcelles sont contaminées sont doublement pénalisés : ils ne peuvent pas exploiter leur parcelle et il y a un doute sur leur production.

Nous proposons donc d'en faire des terres de cannes à sucre afin de fabriquer du biocarburant, car l'Europe nous impose 10% de biocarburant dans nos voitures à l'horizon 2015.

Nous pouvons anticiper et convertir de ce drame humain et économique en un atout de développement.

Nous n'avons, hélas pour l'instant, pas été suivis dans cette proposition de gel » .

 

« Nous proposons de faire des sols contaminés des terres de cannes à sucre afin de fabriquer du biocarburant » .

 

Sols contaminés : Il faut les exploiter!

NICOLAS FROUTÉ, DIRECTEUR DE L'AGRICULTURE : « Sur ces 8 000 hectares de terres contaminantes qui présentent un tiers des surfaces agricoles de l'île, il faut avoir en tête deux points :

- Ces terres ont un avenir alimentaire parce que, depuis plus d'un an, la recherche a validé une liste de cultures qui peuvent être mises en place sans aucun problème de santé sur des terres faiblement contaminées, voire fortement contaminés.

- Sur les terres agricoles, qui ne représentent au total qu'un quart de la surface de l'île, il faut faire des choix. Or, depuis les états généraux de l'Outre mer de 2009, on sait que les Martiniquais veulent de la sécurité alimentaire, pas des biocarburants.

Les débouchés non alimentaires sont intéressants, c'est sûrement une piste d'avenir mais il faut des priorités » .


 

 

 

 VOLET JUDICIAIRE 

 

- Un appel aux agriculteurs concernés

 

Louis BOUTRIN : « Notre dossier a été délocalisé au pôle Santé du Tribunal de grande instance de Paris, et nous avions deux chefs d'accusation : mise en danger de la vie d'autrui et administration de substance dangereuse.

Le tribunal n'a retenu que le premier. Nous allons utiliser tous les recours possibles, pour aller au bout de notre logique. Si le tribunal ne nous donne pas satisfaction, nous allons recourir à une juridiction européenne.

Parallèlement, nous allons inciter tous les agriculteurs à prendre un avocat pour déposer plainte individuellement pour accélérer le dossier des indemnisations. Nous leur proposons le nôtre : maître Gérard Dowrling-Carter.

Nous ferons une conférence fin janvier parce que nous avons déjà travaillé avec les agriculteurs de l'Organisation patriotique des agriculteurs martiniquais (Opam) mais nous voulons travailler avec l'ensemble des agriculteurs. Nous lançons un appel à tous les agriculteurs pour qu'ils déposent plainte individuellement » .

 

 

 PLAN CHLORDECONE II : Présentation vendredi

 

Le comité régional d'observation et de suivi d'ECOPHYTO 2018 et du GREPHY tiendra vendredi 17 décembre.

Didier Houssin, le directeur général de la Santé et délégué interministériel pour le chlordécone sera présent. Cette séance plénière du CROS-GREPHY sera consacrée au bilan du plan d'action chlordécone 2008-2010, à la synthèse des ateliers de concertation locale qui se sont déroulés en Guadeloupe et Martinique les 30 septembre et 4 octobre dernier, ainsi qu'à une présentation du projet d'un plan chlordécone 2011-2013.

 

DOSSIER PREPARE ET PRESENTE PAR C.E.

in France-Antilles du 15 décembre 2010