Du siège de la Radio Télédiffusion Sénégalaise (RTS) à l’université Cheikh Anta Diop, ils étaient des milliers ce dimanche dans les rues de Dakar pour donner le coup d’envoi du 11e Forum social mondial. Venus des quatre coins du monde, activistes, enseignants, syndicalistes, travailleurs sans-papiers, paysans et responsables politiques ont défilé dans la capitale.
Dix ans après la première édition du Forum social mondial, à Porto Alegre au Brésil, le slogan reste le même : « Un autre monde est possible ». Les manifestations, conférences, débats, marches et ateliers, vont durer jusqu’au 11 février sur plusieurs sites dont l’Université Cheikh Anta Diop et Gorée, l’île symbole de la traite négrière, située au large de la capitale. Cette année, les organisateurs du rassemblement anti-libéral ont choisi pour thème : « les crises du système et des civilisations ».
« Le Forum de Dakar doit contribuer à changer le monde »
« Le monde est en train de changer avec l’agonie du système capitaliste. Le forum de Dakar doit contribuer à changer le monde », analyse Taoufik Ben Abdallah, le coordonnateur du Forum social africain. Cette édition de Dakar est la deuxième organisée sur le continent africain après celle de Nairobi au Kenya en 2007. « Nous dirons pendant cette semaine ce que nous pensons du monde. Nous voulons que règne la justice, la démocratie et le progrès. Ce que les Tunisiens, les Egyptiens, les Guinéens et les Ivoiriens nous disent, c’est un message d’espoir, juge le leader altermondialiste. L’Afrique ne doit plus être un champ de bataille pour les grandes puissances. C’est un continent riche. Il faut qu’on la laisse élaborer ses propres stratégies de développement. »
Fier d’accueillir un tel événement dans sa ville, le maire de Dakar, Khalifa Sall souhaite que la capitale sénégalaise devienne « un nouveau point de départ pour le mouvement altermondialiste ». « Le monde capitaliste a montré ses limites, dit-il. La gouvernance du monde capitaliste a fait la preuve de ses insuffisances et de ses échecs. »
« Le temps de l’Afrique est arrivé »
Très en vue parmi les marcheurs, la première secrétaire du parti socialiste français s’est montrée très bavarde devant les journalistes proposant un « nouveau partenariat » à l’Afrique. « L’Europe et l’Afrique ont vraiment un chemin à parcourir ensemble pour mettre en place les bases d’une nouvelle civilisation », explique-t-elle. Souhaitant marquer son opposition à Nicolas Sarkozy, auteur du très controversé « discours de Dakar », Martine Aubry s’est dite « désolée » par la politique actuelle de l’Union européenne et de la France et estime que « le temps de l’Afrique est arrivé ». « Arrêtons de regarder le Maghreb et l’Afrique avec compassion. Ce qui s’est passé en Tunisie montre que le peuple peut redevenir maître de son destin, quels que soient ses moyens. C’est peut-être ce que l’Europe a oublié », observe-t-elle. Avant de poursuivre : « L’Afrique, c’est 6 % de croissance par an quand on est à 2 % en Europe. C’est une démographie galopante, ce sont des jeunes qui prennent la vie à pleines mains, se saisissent des nouvelles technologies, font vivre une culture contemporaine très forte et assise sur des bases extrêmement anciennes. Je crois qu’il faut regarder l’Afrique (…) comme un partenaire. D’autres ne s’y sont pas trompés, je pense à la Chine, l’Inde ou le Brésil. »
Evo Morales, Lula, Chavez et compagnie
En fin de journée, le président bolivien Evo Morales, figure populaire de la gauche latino-américaine, prend la parole sur une scène installée dans l’université et fustige le « neolibéralisme » et le « néocolonialisme », « ennemis des peuples ». « Le capitalisme agonise dans le monde face à la rébellion des peuples. Il souffre d’une crise financière, d’une crise énergétique et nous apporte une crise alimentaire. Et ce sont les pauvres (…) qui doivent payer cette crise du capitalisme », lance l’ancien syndicaliste. « En Afrique, vous avez connu la domination, nous l’avons également vécu en Amérique Latine. Mais c’est à travers le combat de résistants qui ont parfois donné leur vie que nous avons recouvré la liberté » réaffirmant la nécessité pour les pays du Sud de ne pas privatiser les services de base comme l’eau, l’électricité ou la santé. La foule apprécie même si certains regrettent l’importance accordée aux hommes politiques alors que le rassemblement se veut apolitique.
D’ici à la fin du Forum social mondial, d’autres fortes personnalités politiques sont attendues à Dakar. L’ancien dirigeant du Brésil Luiz Inacio Lula da Silva, un habitué des sommets altermondialistes, devrait participer à cette 11e édition. Les présidents vénézuélien Hugo Chavez et guinéen Alpha Condé ou encore le dirigeant de l’Union africaine Jean Ping sont également annoncés.