PLAN CHLORDECONE 2008-2010 : OBSERVATIONS DE L'ASSAUPAMAR SUR L'EVALUATION DE CE PLAN

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1. L’ORGANISATION DES REUNIONS CROS-GREPHY 


 

Les réunions CROS-GREPHY sont improductives. Le débat n’est pas possible compte-tenu des nombreux sujets traités (ECOPHYTO + Plan Chordécone), de leur densité, parfois de leur technicité, et aussi de la réception tardive des informations.



Proposition :

  • Repréciser les objectifs des différents plans, le rôle des groupes et commissions et l’articulation de l’ensemble CROS/GREPHY/CRES/ECOPHYTO/Plan CHLD.
  • Remettre en place les forums pesticides avec comme objectifs principaux l’information, l’écoute réciproque et le débat.


S’agissant du Plan ECOPHYTO :

  • Aucune représentation des APNE n’est prévue dans le Comité Régional Epidémio-Surveillance (CRES). Seulement des chercheurs et des personnalités en lien direct avec le milieu agricole participent aux réunions. Quelles sont les raisons de l’exclusion des APNE ? 
  • Certaines informations relayées par la presse écrite en octobre-novembre 2010 prétendent la réduction des pesticides de 70% en Martinique. Vérité ou manipulation de l’information ?

Proposition :

  • Inviter les APNE aux réunions du CRES. 
  • Présenter le suivi ECOPHYTO de l’année écoulée dès le 1er trimestre de l’année suivante.

S’agissant du Plan CHLD :

Actuellement :

  • La réunion dure 3h. A plusieurs reprises, elle a concerné à la fois le Plan ECOPHYTO et le Plan CHLD. Elle se déroule souvent sous forme de lectures successives des documents joints par les différents intervenants. Nécessaire, mais sans intérêt immédiat. De plus, fastidieux car ces documents sont nombreux, dans des domaines variés et leur appréhension par l’esprit (résultats de recherches et/ou de contrôles...) nécessite une analyse détaillée et peut-être des explications, ce qui n’est pas envisageable dans le temps imparti. 
  • Les questions sont donc limitées ; elles n’ont pas toujours de réponse. Il n’y a pas de vrai débat compte tenu du temps restant. Au final, un sentiment général d’insatisfaction mêlé au dépit : « à quoi ça sert, tout est déjà décidé ; une telle concertation, c’est pour la forme ».

Propositions pour une meilleure dynamique de concertation:

  • Prévoir des réunions séparées pour Plan CHLD et Plan ECOPHYTO.
  • Réception des documents par mail le + tôt possible (au moins 15 jours auparavant).
  • Fournir e-mail de correspondants, afin de donner aux participants dans un délai fixé, la possibilité d’échanger sur les documents joints (éclaircissements, explications, précisions ...). 
  • Lors de la réunion, resituer le sujet dans la vision globale (enjeux, risques, objectifs, méthodologie pour la gestion, check-list ...). 
  • Analyse des indicateurs.
  • Cocher les objectifs atteints, les avancées et/ou améliorations des derniers travaux, les intégrer dans l’ensemble.
  • Sinon, expliquer les difficultés rencontrées, les nouvelles perspectives possibles en présentant les avantages/inconvénients. A ce stade, instaurer le débat. 
  • Suite à la réunion, dans un délai fixé, donner aux participants la possibilité d’échanger et de faire des observations et/ou des propositions.
  • 2. EVALUATION DU PLAN D’ACTIONS CHLORDECONE 2008-2010

Action n°1 : cartographie de la connaissance de la contamination des sols

Comme l’Etat a tenu à garder la confidentialité sur la contamination des parcelles, il nous est difficile de juger du niveau de connaissance sur la réalité de la contamination.

Cependant, nous avons attiré son attention à propos de l’existence de cultures maraîchères sur d’anciennes bananeraies dont les nouveaux propriétaires ou locataires n’ont pas été informés de la contamination du sol au moment de la vente ou du bail. Egalement de plantations vouées à l’autoconsommation, ainsi qu’à l’échange et/ou la vente sur les marchés en dehors du circuit des coopératives. Enfin, de l’existence possible de parcelles contaminées à l’extérieur du secteur Nord Atlantique, puisque la présence de CHLD a été décelée dans l’eau sur d’autres secteurs de l’île.

C’est pourquoi, dès le début du Plan, nous avons demandé que, mises à part les parcelles plantées en bananes et cannes pour lesquelles, d’après les analyses, le risque de contamination des cultures est inexistant ou faible, l’Etat se charge de l’analyse systématique des sols pour toutes les autres cultures, afin de réaliser une cartographie de la réalité de la contamination et non de la potentialité. 

Certains paragraphes du « compte-rendu par action de décembre 2010 » laisse entrevoir que la connaissance de la contamination des sols est loin d’être totalement maîtrisée.

 

Action n°6 : examen des possibilités de traitement de la CHLD dans les sols

Aucune avancée.

Fin 2008, le projet de révision du SDAGE attirait déjà l’attention « aucune technique de dépollution n’est aujourd’hui disponible » (sic).

Trois ans après, les aires d’alimentation des captages d’eau potable ne sont toujours pas dépolluées.

 

Action n°7 : développer la recherche sur la faisabilité et les techniques de dépollution

Pas d’avancée.

Ni sur les parcelles contaminées, ni sur le charbon actif, les boues, sédiments, bio films ...

Pourtant, au début du plan, la phyto-extraction paraissait être une solution viable pour les pollutions extensives. Quelles expérimentations ont été effectuées ? Quel bilan ?

 

Action n°9 : évaluer le potentiel de contamination des productions agricoles par l’irrigation

Aucun résultat.

Compte-tenu du nombre important de cours d’eau contaminés par le CHLD, il serait tout de même nécessaire de prendre en compte le risque de pollution diffuse des sols générée par l’irrigation.

 

Action n°11 et 12 : exposition des nourrissons et jeunes enfants

Pas de données communiquées sur l’étude TI MOUN.

Pas d’étude d’imprégnation de la population en Martinique.

Nous avons demandé le suivi sanitaire des femmes enceintes, des nourrissons et des enfants jusqu’à l’âge de 10 ans.

 

Action n°15: dispositif de toxico vigilance

Pas de mise en place du centre de toxico vigilance.

 

Action n°16: recommandations pour la recherche et la surveillance

Absence de concertation et de débat avec les parties prenantes locales.

 

Action n°20: renforcer la surveillance des denrées alimentaires d’origine animale et végétale produites, consommées ou mises sur le marché

Démarrage tardif des plans de contrôle des denrées animales terrestres et de la pêche en Martinique (seulement en 2010).

Les résultats manquent de précisions (valeurs LD, LQ, LMR par type de denrées, localisation des prélèvements ...).

S’agissant des denrées végétales, nous avons demandé le contrôle des produits dès la plantation et pas seulement à la vente des produits.

En Guadeloupe, les plans de surveillance et de contrôle des produits semblent mieux structurés, plus rigoureux et la présentation des résultats est plus claire.

 

Action n°21: programme « JAFA »

Parmi les 8500 foyers ciblés, 3432 foyers étaient absents ou ont refusé les enquêtes. Quelle analyse de ces rejets ? Quel est le devenir de ces personnes ? Cultivent-elles, consomment-elles, vendent-elles des produits à risque ?

En Martinique, parmi les 6052 foyers enquêtés, 184 foyers sont en situation de surexposition. Cela paraît peu comparativement à la Guadeloupe qui, moins touchée par la pollution au CHLD, en compte 242.

L’explication est donnée mais la conclusion a de quoi inquiéter : « les analyses de sol n’ont été proposées qu’aux forts consommateurs de légumes racines (plus de deux fois par semaine). Nombre de jardins situés en zone contaminée ont ainsi échappé au diagnostic et pourraient devenir des sources d’exposition à la chlordécone » (sic). Ces foyers ont-ils fait l’objet de tests d’imprégnation ?

 

Action n°23: recommandations pour les travailleurs et anciens travailleurs

Nous avons demandé le suivi sanitaire des ouvriers agricoles exposés durant la période d’utilisation du chlordécone.

Les résultats définitifs de l’étude de faisabilité de reconstitution de la cohorte des travailleurs exposés au CHLD en Martinique ne nous ont pas été communiqués. Il semble, d’après le compte-rendu par action, qu’ils devraient être disponibles au cours du 1er semestre 2011.

 

Action n°24: finir l’extension aux Antilles du réseau de toxico vigilance des pesticides Phyt’attitude

Pas de centre de toxico vigilance.

 

Action n°25 et 26: accompagnement des agriculteurs installés sur des sols contaminés

Leur accompagnement psychologique n’est mentionné nulle part. Ce sont pourtant les premiers, en particulier les petits agriculteurs et paysans, à avoir été exposés aux traumatismes engendrés par cette catastrophe : désarroi face à l’ignorance des dangers du CHLD, angoisse et culpabilisation pour participation à l’empoisonnement involontaire de la population, cessation brusque d’activité économique et de moyens de subsistance, sanctions (destructions de récoltes) ressenties comme une injustice, inadaptées au contexte psychologique et social déjà précaire. Ces traumatismes qui d’ailleurs s’étendent à une grande partie de la population, peuvent expliquer certains comportements de rejet observés (absence, refus de parler, renfermement), ou au contraire de défiance, ou encore de débrouillardise et de solidarité malvenue augmentant le risque de mise en circulation de produits contaminés.

 

Action n°29: traçabilité des produits et information du consommateur

Pas de traçabilité des fruits et légumes commercialisés.

 

Action n°36: mieux caractériser l’exposition du consommateur au paraquat et autres résidus de pesticides

Attente du rapport final de l’étude Sapotille qui devait paraître dans le courant du 1er semestre 2011.

 

 

CONCLUSION

Même si elle n’est pas encore complètement maîtrisée, la connaissance de la contamination des sols par le CHLD a beaucoup progressé. Egalement, les recherches sur les transferts sol-plantes ont proposé aux agriculteurs des possibilités de reconversion ce qui, pour la population, a éloigné les craintes d’une pénurie de produits locaux et aussi d’une dépendance alimentaire accrue de l’extérieur.

Beaucoup d’actions sont à approfondir, en particulier dans le domaine de la santé où le suivi de la population dans son ensemble et des populations cibles (femmes enceintes, nourrissons, enfants, ouvriers agricoles autrefois exposés) demeure une des priorités. Les produits de la mer très consommés par la population et attrait touristique de la Martinique doivent être aussi une préoccupation importante.

Cependant, s’il faut déjà tirer une leçon de cette expérience traumatisante, nous pensons que dès maintenant les bases du développement d’une agriculture biologique, économiquement et socialement accessible à tous, doivent être posées en Martinique. Nécessairement, elles doivent s’accompagner de la volonté déterminée de dépolluer les sols.




La Secrétaire Générale,

 

Mme TOULON