BRESIL : VAGUE D'ASSASSINATS D'ECOLOGISTES EN AMAZONIE

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125 paysans-écologistes menacés de mort.


 
NOVA IPIXUNA (Brésil) — Face à l'impunité dont bénéficient localement les tueurs, le gouvernement brésilien a envoyé des troupes fédérales en Amazonie pour tenter de faire barrage à une vague d'assassinats d'écologistes opposés au déboisement illégal du poumon vert de la planète.


 

C'est près de cette petite ville de 15.000 habitants de l'Etat amazonien du Para, qu'ont été tués par balle fin mai dans une embuscade, José Claudio Ribeiro da Silva, 52 ans, et sa femme Maria do Espirito Santo da Silva, 51 ans, qui dénonçaient la déforestation sauvage.

 

Depuis, trois autres paysans ont été assassinés dans cet Etat, où les conflits agraires sont souvent meurtriers, et un quatrième dans l'Etat amazonien du Rondonia, forçant la présidente de gauche Dilma Rousseff à envoyer des renforts fédéraux dans le Para.

 

Les défenseurs des paysans-écologistes, faisant état de menaces reçus par le couple Ribeiro, montrent du doigt les puissants propriétaires terriens et les exploitants forestiers de la région comme les commanditaires du double meurtre.

 

Typique d'un crime commandité, les tueurs ont coupé l'une des oreilles de José Claudio Ribeiro comme preuve de leur services.

Le couple assassiné faisait partie du Conseil national des récolteurs (CNS) fondé par l'écologiste et défenseur de l'Amazonie, Chico Mendes, assassiné lui aussi par des tueurs en 1988.

 

La présence des forces de sécurité est quasi invisible. Sur la route reliant Maraba -deuxième ville du Para- et Nova Ipixuna, les journalistes de l'AFP ont rencontré un seul poste de contrôle policier.

 

"Nous ne faisons pas de patrouille ici, nous recevons les instructions de Brasilia de protéger les familles menacées", a expliqué à l'AFP, sous couvert d'anonymat, une source de la Force nationale à Maraba qui dispose de trente hommes.

 

Au cours d'une opération surprise samedi dernier, ces militaires ont évacué et mis à l'abri deux familles qui recevaient des menaces depuis l'assassinat des époux Ribeiro.

 

Les autorités analysent maintenant "le risque encouru par ces familles" et décideront "si on doit les transférer dans une autre région", a indiqué le procureur Marcio Cruz.

 

"C'est une action importante (...) avec l'objectif clair non seulement d'éviter de nouveaux assassinats, mais aussi d'accélérer les enquêtes en cours", avait dit le ministre de la Justice, José Cardozo, en lançant l'opération, baptisée "En défense de la vie", qui pourrait être élargie à d'autres Etats amazoniens.

 

La confiance accordée par les paysans aux autorités du Para est limitée, en raison du "degré d'impunité" qui y règne, selon José Batista, l'avocat de la Commission Pastorale de la Terre (CPT), qui suit les conflits agraires en Amazonie.

 

La CPT, un organisme liée à l'Eglise, a établi une liste de 125 activistes et dirigeants paysans menacés de mort dans le pays. Trente de ces paysans menacés vivent dans le Para.

 

"Au cours des quarante dernières années, il y a eu plus de 800 assassinats dans le Para, la plupart perpétrés par des tueurs à gages. Au total, nous avons réussi à faire un procès à seulement neuf présumés responsables et abouti à en faire condamner huit, dont seulement un est en prison", a déploré M. Batista lors d'un entretien avec l'AFP.

 

Le commissaire de Maraba, José Humberto de Melo, s'insurge. "Nous avons une équipe de police 24 heures sur 24 à Nova Ipixuna et nous ne comprenons pas pourquoi les menaces ont été dénoncées à Brasilia et pas dans notre commissariat", a-t-il dit à l'AFP .

"A vrai dire, nous doutons de la véracité de ces menaces", a-t-il ajouté.

 

Selon le policier, deux des trois assassinats n'ont "rien à voir" avec des conflits agraires.

Cette vague de meurtres en Amazonie intervient sur fond de débat au Parlement sur l'assouplissement, au profit du lobby agricole, de la loi protégeant la plus grande forêt du monde. La réforme approuvée en mai par les députés prévoit notamment la légalisation de zones forestières déboisées illégalement.

 

Dans ce pays grand comme seize fois la France, 1% de la population détient 46% des terres cultivables.

Le Brésil étant devenu un énorme exportateur de denrées agricoles (soja, céréales, viande), les propriétaires terriens essaient de gagner du terrain sur l'immense forêt amazonienne, poumon vert de la planète.

 

Les déboisements sauvages perturbent le mode de vie des populations indigènes, suscitent la rancoeur des paysans sans terre et ont fait du Brésil le cinquième plus grand émetteur de gaz à effet de serre au monde.

 

SOURCE : AFP