REPRENDRE LE CHEMIN DE L'UNITÉ par FRANCIS CAROLE

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En septembre 1999, 19 États de la planète et l’Union Européenne se rassemblaient dans le but d’organiser le dialogue économique entre pays industrialisés et pays émergents. Ainsi, apparaissait le « G 20″ dont certains acteurs ont considéré que le dialogue mondial ne pouvait évoluer qu’à travers ce groupe.

À la veille du Noël de l’année 2014 -puissance magique du mimétisme et de la suprématie rêvée- des bruissements de réunions semi-clandestines annonçaient la naissance prochaine d’un « G 20″ bo kay, dans une divine étable, quelque part en Martinique.

Certes, ce « G 20″-là s’est déclaré, à un moment donné, « G 80″; puis, il est revenu à la formule, plus ronflante et plus chargée de prétentions, de « G 20″. Mais, au-delà de ces coquetteries arithmétiques, il s’agit de s’interroger sur le sens d’une telle initiative et sur ses incohérences conceptuelles et politiques.

En effet, le débat public, puisqu’il a été posé, doit avoir lieu, d’autant que nous ne nous sentons tenus à aucun devoir de silence qui serait dicté par la peur d’un crime de lèse-majesté.

Un changement d’époque et de nouveaux défis

Notre conviction est que le « G 20″ et les prétentions qu’il énonce révèlent une énorme confusion politique de ses instigateurs sur le rôle des élus municipaux-communautaires et les nouveaux enjeux de la Collectivité Territoriale de Martinique qui sera créée en décembre 2015.

Il ne nous viendrait pas à l’idée de discuter le rôle éminemment important des maires, des élus communautaires et des conseillers municipaux dans leurs missions auprès de la population. Cependant, la profonde mutation institutionnelle en cours n’a sans doute pas été suffisamment appréhendée par un certain nombre d’élus qui sont encore habités par l’ancien schéma institutionnel qui faisait du conseil général, notamment, une extension du pouvoir des maires, avec tous les effets que ce statut générait.

La concentration de toutes les compétences ainsi que de tous les moyens du conseil général et du conseil régional aux mains d’une seule collectivité, les possibilités d’habilitations pour adapter les lois, la réduction significative du nombre d’élus, la loi sur le cumul des mandats, l’émergence d’un interlocuteur unique face à l’Etat, toutes ces évolutions créent une situation sans rapport avec les décennies précédentes.

Par ailleurs, le contexte socio-économique, les défis d’un développement martiniquais, dans le contexte mondial actuel caractérisé par des mutations importantes et rapides que nous devons être en capacité d’anticiper, exigent des ruptures nettes avec des pratiques politiques qui sont désormais inopérantes, inefficaces et caduques.

La vision globale partagée, la recherche de l’intérêt général du territoire martiniquais, la qualité des réponses apportées aux attentes de la population, mais aussi la capacité d’anticipation, la mise en branle de compétences, l’évaluation fine des politiques publiques, la recherche de l’efficacité optimale, la bonne gestion des fonds publics constitueront les clefs de notre réussite.

J’insiste : il ne s’agit pas de procéder à une addition des intérêts communaux, aussi légitimes et respectables qu’ils puissent être. D’ailleurs, les maires ne pourront pas siéger au Conseil Exécutif de la Collectivité Territoriale de Martinique, ni assurer la présidence de l’assemblée.

Nous entrons réellement dans un changement d’époque, un changement de perspective, un changement de paradigme donc une refondation des pratiques politiques.

La mère des batailles ne saurait se réduire à la bataille des maires. Il existe des strates de pouvoir différentes et les maires, qui, en tant que responsables politiques, ont à l’évidence leur contribution à apporter, ne sont pas pour autant dépositaires du pouvoir de tout régenter en Martinique. Ce n’est d’ailleurs pas la mission qui leur a été confiée par électeurs et la loi sur le cumul des mandats est venue consacrer cette nouvelle ère.

Or, la tragédie conceptuelle des instigateurs du « G 20/80″ est que leur démarche se structure autour de visions communales et devient par là même désuète,  car le défi consiste à développer des cohérences et des dynamiques de pays.

Les conglomérats spontanés d’intérêts personnels ne durent que l’espace d’un cillement d’opportunité politicienne et, en règle générale, montrent leur incapacité à redonner un espoir durable et à construire le futur des Martiniquais.

L’unité pour faire gagner la Martinique

Le montage mis au point par le « G.x » souffre d’une autre pathologie chronique : la croyance que le peuple ne saisit pas les enjeux de la globalité et ne vote que par réflexe communal. L’histoire des combats électoraux a démontré le contraire. Ainsi, lors des élections régionales de 2004, la liste de Pierre Samot, soutenue par onze maires, n’a pas particulièrement brillé.  Les maires qui en faisaient partie ont tous, dans leur propre commune, été battus par Alfred Marie-JEANNE.

L’électrice, l’électeur, de manière très cohérente et rationnelle, vote en fonction des enjeux qui sont posés, à un moment précis. Ceux qui se targuent de « peser 3000 voix » ou « 10000″ ( comment d’ailleurs « peser » des suffrages ?) se trompent et risquent de déchanter à la fin de leur folle farandole.

On ne « pèse » pas les voix du peuple qui sont des voix dont seul le peuple est le propriétaire, à chaque élection…

Si nous respectons, dans leur personne et leurs fonctions, chacune des personnalités « membres » de ce groupe, nous ne pouvons cautionner un non-sens conceptuel et une imprudence politique qui font, consciemment ou inconsciemment, en tout cas objectivement, le jeu de l’adversaire.

Nous devons reprendre le chemin de l’unité, sur la base de valeurs, de l’intérêt général, d’une vision partagée de l’avenir de la Martinique et d’un programme de gestion.

Dans l’ombre, les agents de la division, flattant les égos, promettant titres et carrières, instillant débats abscons et fausses rumeurs, sont à l’œuvre pour créer la confusion entre nous et maintenir la gouvernance actuellement en place à la Région et au Département..

Au-delà du destin personnel des uns et des autres -qui n’est d’aucun intérêt pour le destin collectif du peuple martiniquais- nous sommes sommés de répondre au mieux à la détresse de la jeunesse, aux difficultés des transports, à la paupérisation croissante de nos aînés, aux dérives multiples de notre société et à l’urgence d’un développement respectueux de notre environnement, au service du plus grand nombre.

Est-il permis de trahir cette mission ?

Notre conviction est que, quoi qu’il nous en coûte,  nous devons, ensemble, l’accomplir.

Francis CAROLE

SOURCE : Le Palima.org