GUYANE : PÉNURIE DE MAIN D'OEUVRE AU TRIBUNAL DE CAYENNE

L'attractivité de la juridiction reste posée

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Certaines audiences seront reportées de… près de 9 mois. Le président du tribunal affirme qu'il s'agit d'une mesure temporaire dans l'attente de nouveaux magistrats. Mais la question de l'attractivité de la juridiction reste posée.

C'est la nouvelle chronique d'une juridiction en souffrance depuis plusieurs années. Elle concerne cette fois non pas la vétusté des locaux mais la pénurie de magistrats qui frappe le tribunal de Cayenne. Une pénurie qui a contraint le président du tribunal, Bruno Lavielle, à opérer un choix difficile afin de rattraper le retard pris dans la rédaction des jugements. L'ordonnance d'organisation des services du début de l'année 2015 prévoit ainsi la suppression de deux matinées d'audiences par mois, les audiences étant donc automatiquement renvoyées à une date ultérieure. Pour exemple, l'audience du 19 février a été renvoyée au 5 novembre, soit… près de 9 mois plus tard. 

Mesure temporaire


Le président de tribunal a du revêtir la froide casquette du gestionnaire pour prendre cette décision radicale qui frappe durement le sort de justiciables en attente de leurs jugements. Le chef de juridiction a livré une analyse mathématique de la situation au site local d'information «guyaweb»: «le renvoi de l'ensemble des dossiers occupe une demi-heure en moyenne, le reste du temps habituel d'audience occupe, pour sa part, 5 à 6 heures. Le ou les magistrats libérés rédigent leurs décisions en attendant - quand on siège on ne rédige pas- ou tiennent d'autres audiences moins importantes en temps. Les assesseurs peuvent être affectés à ce moment là aux fonctions de juge des affaires familiales, de juge d'application des peines, de juge pour enfants…». La mesure ne devrait selon lui pas durer plus de 6 mois car des magistrats sont attendus pour la rentrée de septembre 2015 et le président assure que les audiences reprendront alors leur cours normal. Sur ce point, Céline Parisot, secrétaire général de l'Union syndicale des magistrats explique que le ministère de la Justice dispose en effet d'une marge de manœuvre s'agissant des juridictions en difficulté: les jeunes magistrats sortant de l'École nationale de la magistrature. Elle rappelle que si la situation de sous effectif touche l'ensemble des juridictions françaises, les tribunaux de Guyane et de Mayotte sont particulièrement touchés. Le syndicat se dit ainsi défavorable à une obligation de partir au sein de ces juridictions pour les derniers du classement, situation survenue en 2011 ou l'un des auditeurs affectés à Cayenne ne sera resté qu'un an au lieu des trois années obligatoires pour un premier poste. Éloignement géographique, charge de travail, climat ou encore violence du contentieux pénal, autant de raisons qui expliquent le faible nombre de candidats au poste.

 

Droit de retrait


L'attractivité de ces territoires demeure donc une problématique sensible pour la chancellerie qui a pourtant mis en place des incitations financières. Céline Parisot confirme qu'une décision a bien été prise en octobre 2013 pour revaloriser les primes mais souligne que le décret d'application n'a toujours pas été promulgué. Elle précise que si le versement devrait être rétroactif, le montant n'est toujours pas connu et certains magistrats et greffiers ont déposé des recours devant le tribunal administratif de Cayenne afin de débloquer la situation.


Il y a un an, il aura fallu que le personnel du tribunal exerce son droit de retrait au regard des conditions de vétusté des locaux pour que la chancellerie réagisse. La garde des Sceaux Christiane Taubira s'était exprimée dans un communiqué de presse le 25 février 2014 annonçant un plan d'action intégrant une provision de 3,5 millions d'euros pour des travaux étalés sur une période de 30 mois. La ministre précisait également que 20 postes avaient été créés afin de pourvoir à l'ensemble des besoins en personnel pour le mois de septembre 2014. Moins de 6 mois plus tard cette politique volontariste se trouve rattrapée par la réalité du terrain et repose sérieusement la question de l'attractivité de la juridiction.