ADOUBEMENT DE L'ATRIUM par Francis CAROLE

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Que retenir donc de cette visite du président de la république française en Martinique ? Qu’elle ne fut, en définitive, qu’une insipide opération électoraliste, à la fois au service d’un président en campagne qui, depuis son arrivée à l’Elysée, accumule échec sur échec et d’un candidat à la collectivité territoriale de Martinique de plus en plus fébrile et en demande d’adoubement hollandien.

 

Comme a tenu à le souligner lui-même monsieur Hollande à l’Atrium, des moyens considérables ont été mis en œuvre (pour faire illusion, devrions-nous ajouter) : pas moins de quatre ministres, un président de l’Assemblée Nationale (candidat en région Île de France et lorgnant sur le vote des « domiens »), une kyrielle de fonctionnaires, des chefs d’Etats de la Caraïbe et, bien sûr, les moyens financiers de « la République » qui s’imposent.

Ce qu’il y a de nouveau, c’est que jamais sans doute un président de la République ne s’était aussi indécemment prêté à une bacchanale électoraliste d’une telle ampleur, oubliant même l’obligation de prise de distance et de hauteur de vue que sa fonction lui commande.

Dans la mise en scène de mauvais goût jouée à l’Atrium, le chef de l’Etat français ne s’adressait pas aux Martiniquaises et aux Martiniquais : il donnait, sous le regard des caméras et l’œil parfois perplexe de l’assistance, la réplique à Ubu roi. La présidente de la collectivité majeure qu’est le conseil général en était réduite au rôle de spectatrice complaisante.

Pour tout dire, la rencontre de l’Atrium tient de la médiocre comédie politicienne, sur fond de tragédie martiniquaise.

François Hollande a-t-il considéré qu’il n’avait pas de compte à rendre aux Martiniquais ? A-t-il jugé que son gouvernement n’avait aucune responsabilité dans l’état catastrophique de notre pays ? Il reste que le discours du président français, sans relief, s’est résumé à un chapelet de réponses évasives et de promesses de cyclotron pour la Martinique ou encore de brigades pour ramasser les algues sargasses.

Sur le développement et son financement, le chômage, l’hôpital Pierre Zobda-Quitman et la santé de la population, l’enseignement, rien n’a été dit.

Quant à la formule « vous voulez un nouveau modèle de développement ? Inventez-le ! », elle traduit la légèreté de François Hollande et l’incapacité des gouvernements français à apporter une réponse suffisante et pertinente à l’urgence du développement martiniquais. Ce qui, à l’évidence, ne nous surprend guère. À moins que le subconscient du président français n’ait voulu nous crier : « Prenez votre autonomie ou votre indépendance ! » Chiche ! Alors qu’il le verbalise clairement plutôt que de participer an ba fèy aux grenouillages autour d’une « troisième voie » savamment dissimulée à la population !

En effet, un autre modèle économique exige un autre modèle politique et la trilogie habilitation-expérimentation-adaptation ne permet pas de dessiner les contours d’un nouveau paradigme politique en Martinique. Ce nouveau modèle exigerait aussi une refonte de l’activité des banques qui, dans notre pays, ont pour mission d’aspirer l’épargne martiniquaise plutôt que de contribuer à financer le développement.

Le comble de l’irresponsabilité du président de la république française a été la reprise du slogan de campagne du néo-PPM and co, campagne d’ailleurs payée avec l’argent public : « La Martinique avance ».

On trouve dans cette forfaiture intellectuelle autant de cynisme que dans sa déclaration sur la dette française envers Haïti : « Quand je viendrai en Haïti, j’acquitterai la dette que nous avons ». Nous savons par quelle pitoyable pirouette (la « dette morale ») s’est terminée cette rodomontade. Soit dit en passant, loin d’être de l’humour (noir ou blanc d’ailleurs) ou une simple bourde (ce dont, nous en convenons, il est coutumier) la posture du président exprime une certaine idéologie française qui, de fait, place l’esclavage en bas de l’échelle de ce qui est bien une hiérarchie des crimes contre l’humanité.

La Martinique avancerait donc avec un taux de chômage qui explose, la marginalisation croissante de nos jeunes et la reprise de l’émigration, l’augmentation du nombre de retraités vivant au-dessous du seuil de pauvreté, les liquidations d’entreprises, une économie en récession, un P.I.B. en régression ou encore la fermeture d’hôtels comme le Marouba.

On imagine mal le même président prétendre, dans des régions sinistrées de l’hexagone comme les Pyrénées-orientales (15,4% de chômeurs) ou encore le Languedoc-Rousillon, que celles-ci « avancent ». Mais, en colonie, toutes les licences sont permises et on trouvera toujours des candidats prêts à applaudir à ces fadaises.

Le soutien sans nuance de François Hollande à son comparse de Plateau Roy vaut caution de toutes les dérives du système à la Gaston FLOSSE qui s’installe progressivement dans notre pays : les détournements de fonds publics à des fins de propagande partisane, les trafics d’influences non sanctionnés ni même évoqués, les scandales à ciel ouvert (comme l’affaire CEREGMIA) laissés sans suite ou étouffés, la mise du préfet et des médias officiels au service du représentant local -et désormais officialisé à l’Atrium- du pouvoir socialiste.

L’attitude du président de la république française lors de sa visite en Martinique ne jette pas seulement une lumière crue sur son incapacité à se hisser à la hauteur de sa fonction. Après tout, c’est son problème. Elle illustre surtout la persistance de pratiques coloniales d’un autre âge dans notre pays. Tout est mis en œuvre par le gouvernement socialiste, au mépris du minimum démocratique, pour tenter d’imposer son homme lige à la tête de la collectivité territoriale de Martinique afin de poursuivre la même politique morbide que la Martinique connaît aujourd’hui.

Avec l’adoubement de l’Atrium, nous sommes aux antipodes de la Réquisition césairienne… Ce que nous savons par contre, c’est que par leur lucidité et leur mobilisation les électrices et électeurs de la Martinique mettront en échec les manœuvres en cours afin que notre pays s’engage dans la voie de la réussite.

Francis CAROLE

Martinique

17 mai 2015