50 PAS GÉOMÉTRIQUES : LE DOSSIER DES OCCUPANTS SANS TITRE EN DISCUSSION À LA RÉGION

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Occupants sans titre des 50 pas géométriques 

 

POUR UNE ACCÉLÉRATION DES DOSSIERS DE RÉGULARISATION

 

Intervention de Louis BOUTRIN

à la Plénière du 26 mai 2015

 

Monsieur le Président

Chers (es) collègues

 

Le premier dossier de cette plénière est un dossier particulièrement sensible puisqu’il s’agit de mettre en place un nouveau dispositif d’accompagnement à la régularisation d’occupants sans titre.

Epineuse question que celle de la régularisation des occupants sans titre du littoral qui a fait l’objet de moult débats et, depuis la loi littoral du 3 janvier 1986, de près de 18 textes de loi plus ou moins efficients. Malgré cette inflation normative la situation des Martiniquais concernés par cette disposition n’est pas réglée et son évolution demeure beaucoup trop lente. 

 

Aujourd’hui, sur proposition de l’Agence des 50 pas géométriques et dans le cadre de la réforme des aides régionales au logement social, il nous est demandé de modifier la délibération portant création d’un dispositif d’aide à la régularisation des occupants sans titre situés sur la zone des 50 pas géométriques. 

La Commission logement a donné un avis favorable pour l’attribution de 1.000 € par dossier sur la base de 50 dossiers pour 2015. Mais en réalité, il ne s’agit que de 35 dossiers donc une infime partie par rapport aux 1686 familles concernées et qui ont accepté l’offre de cession de l’État. 

 

AVANT TOUTE CHOSE, je tiens à préciser d’emblée, que le groupe des Patriotes Martiniquais et Sympathisants est bien sûr FAVORABLE à cette proposition d’aide de 1.000 €, ce d’autant que cette délibération s’inscrit dans le droit fil des délibérations antérieures dont celle prise sous l’ancienne mandature relative à la mise en place d’un dispositif expérimental d’intervention en matière sociale. 

 

Mais, chers (es) collègues, avec l’expérience que je tire de 8 années en tant qu’administrateur assidu de l’Agence des 50pas, (comme personne qualifiée et non  en qualité de Conseiller régional), permettez que je fasse 3 propositions concrètes, qui devraient nous permettre de répondre à la situation préoccupante de nombreux martiniquais sur le littoral et de donner un coup d’accélérateur à ce dossier de régularisation des occupants sans titre

 

 

1. Première proposition :

AUGMENTATION DU NOMBRE DE BÉNÉFICIAIRES

 

35 dossiers c’est beaucoup trop peu au regard du nombre de Martiniquais susceptibles d’être régularisés. Pour information, sur les 2.900 avis favorables accordés par l’Ag50pas, 1.686 occupants ont accepté l’offre de cession de l’Etat. L’aide exceptionnelle que l’Etat a déjà accordée concerne 702 occupants sans titre soit un montant global de 6, 391 Millions d’euros. 

Pour rendre ce dispositif plus incitatif, nous proposons d’aller plus loin et de l’étendre, dans un premier temps, à 141 dossiers et je m’en explique : 

Aujourd’hui, l’Agence des 50 pas géométriques a enregistré 474 dossiers en cours de paiement (le chiffre de 369 qui se trouve dans le dossier que vous nous avez transmis – page 5 du Rapport de l’Ag50pas - date de 2010 au moment où nous avions pris la délibération du 20 juillet 2010).  Sur ces 474 dossiers en cours de paiement 206 sont éligibles au dispositif d’aide complémentaire régionale. Malgré l’aide exceptionnelle de l’État, bon nombre d’occupants sans titre n’arrivent pas à finaliser leur dossier pour devenir, enfin, propriétaire de la parcelle qu’ils occupent pour certains depuis lanni lannan !

Une approche plus fine du dossier nous permet de constater que parmi les occupants concernés, il y a pas moins de 114 personnes âgées de plus de 65 ans (voir tableau page 6 du Rapport Ag50pas). Malgré l’aide exceptionnelle de l’Etat, bon nombre de ces personnes âgées n’accèdent pas à la pleine propriété, faute de moyens.

Or, le dispositif d’accompagnement à la régularisation que vous proposez depuis 2010 est plafonné à 1.000 € ce qui réduit à seulement 35 familles le nombre d’occupants que l’on pourrait aider. En augmentant ce plafond à 2.000 € par dossier, cela nous permettrait d’aider, non pas 35, mais 141 dossiers sur les 206 familles éligibles à l’aide complémentaire régionale. 

 

Monsieur le Président, Chers collègues, 

Je ne vous demande pas de faire la charité chrétienne même si je me permets de reprendre la formule célèbre… N’AYEZ PAS PEUR, N’AYEZ PAS PEUR, ALLONS-Y ! Car il s’agit de redistribuer l’argent des contribuables à bon escient et d’aider concrètement les occupants sans titre de propriété qui ont accepté l’offre de cession proposée par l’Etat. Nous avons souvent aidé dans cette assemblée de multiples multinationales pour des montants beaucoup plus importants. Aujourd’hui, en ces temps difficiles de crise financière durable, il s’agit à travers notre proposition de venir en aide aux occupants sans titre et de donner un véritable coup d’accélérateur à ce dossier.

 

Notre première proposition est mûrement réfléchie et elle est estimée, pour les 141 dossiers, à 204.000 euros que l’on pourrait échelonner sur plusieurs exercices budgétaires. Pour les autres occupants qui ont les ressources suffisantes, nous proposons un dispositif de prêts bancaires à l’instar de celui prévu par l’Ag50pas (… avec un système de garanties bancaires avec hypothèque sur le titre de propriété). 

 

Pour autant, dans cet épineux dossier de régularisation des occupants des 50 pas géométriques, nous ne sommes pas naïfs et nous tenons à ce que les critères d’éligibilité soient scrupuleusement respectés.

Le premier critère obligatoire est que la construction des bénéficiaires soit à usage d’habitation principale et non secondaire.  

Une étude de 2006 a révélé que 59 % des occupations étaient des résidences principales et 41 % des résidences secondaires. En aucun cas, nous ne pouvons participer au financement d’acquisition de parcelles pour des résidences secondaires alors que la délibération concerne un dispositif d’ « aides régionales au logement social »?

Le second critère obligatoire est que l’aide ne sera pas attribuée aux bénéficiaires mais directement de la Région à FRANCE-DOMAINE. Ils doivent effectuer leur règlement dans les 6 mois qui suivent l’acceptation de leur dossier. Il s’agit pour la Région de solder les 1.000 ou 2.000 euros (maximum) restants et non pas d’encourager des pratiques douteuses. 

Le dernier critère est fondamental. Il est impératif de veiller à ce qu’une clause anti-spéculative soit effectivement respectée dans l’accession aidée à la propriété. Le CG3P (Code général de la propriété des personnes publiques) a prévu des dispositions de remboursement de l’intégralité de l’aide en cas de revente du bien dans les 10 ans qui suivent leur acquisition. Or, cette clause anti-spéculative n’est pas respectée puisque des parcelles cédées à 8 € le m2 sont revendues entre180 et 250 € (officiellement) suivant le site et suivant la commune avant la période des 10 ans. Ce qu’il y a de plus scandaleux c’est de voir que beaucoup de personnes aisées, voire même des élus, participent à ces spéculations pour s’octroyer une résidence secondaire les pieds dans l’eau !).

 

Il faudra donc rendre obligatoire un engagement écrit de l’occupant pour ces trois critères soient respectés. Dans l’acte de vente rédigé par FRANCE-DOMAINE, la clause anti-spéculative (Article L.5112-9) doit donc être intégrée.

 

2. Deuxième proposition :

ASSURER LA PÉRENNITÉ DE L’AGENCE DES 50 PAS GÉOMÉTRIQUES

 

Dans le rapport aux Conseillers régionaux, au début du 3ème paragraphe, pour la mise en place de ce dispositif d’accompagnement, il nous est proposé un partenariat avec l’Ag50pas géométriques de Martinique. 

Il s’agit, si l’on se réfère à la délibération du 20 juillet 2010, d’un dispositif pluriannuel. En page 6, on peut lire « Ce dispositif pluriannuel est mis en place pour une durée de deux ans, à la date prévue de fermeture de l’Agence des 50 pas géométriques ». 

Or, dans la présente délibération, la durée de la Convention qui nous lie à l’Ag50pas n’est pas précisée compte tenu, très probablement, de l’incertitude qui règne sur la durée de vie de l’Ag des 50pas géométriques de Martinique. 

Certes, dans le projet de loi de modernisation du droit de l’Outre-Mer qui est actuellement en discussion au Parlement, la durée de vie l’Agence est prolongée de 3 ans c’est-à-dire jusqu’au 31 décembre 2018. Mais, ce qu’il faut savoir c’est que ce projet de loi ne prolonge pas la date de dépôt des dossiers qui est toujours fixée, jusqu’à nouvel ordre, au 31 décembre 2015. Beaucoup d’occupants sans titre pensent qu’ils ont jusqu’à décembre 2018 pour déposer leur dossier, il faut qu’ils soient informés du contraire

C’est l’occasion pour nous de mettre au débat la question du devenir de cette agence des 50 pas de Martinique qui diffère quelque peu de celle de Guadeloupe et au sort de laquelle nous ne sommes pas nécessairement liés.

En Martinique, la mission de l’Agence des 50pas est double : Régularisation (c’est ce que la loi du 12 juillet 2010 – Grenelle 2) mais aussi Aménagement.  Car, en dépit des limites imposées par une loi, comment peut-on séparer une régularisation des titres des problématiques d’aménagement du territoire ? Alors, nous apportons une aide régionale à des populations en difficultés financières sans nous soucier ni des conditions de vie à la fois sociales, sanitaires et environnementales, ni du devenir de leur quartier ou de celui de la commune dans laquelle ils vivent ? 

Ce n’est pas à l’urbaniste que je pose cette question (urbanisme département de l’Aménagement du territoire). Le cadre normatif en matière d’habitat précaire, d’habitat insalubre ou d’habitat indigne existe aujourd’hui. Ce qui manque dans notre politique c’est une structure bicéphale nous permettant de régler en même temps la problématique de l’habitat social et celle de l’aménagement des quartiers, des bourgs et des communes. L’agence des 50 pas géométriques de Martinique est donc cet outil opérationnel dont nous avons encore besoin puisqu’elle a une expertise et une logistique lui permettant d’assurer cette double mission. Or, les Ministres successifs, y compris Victorin Lurel, nous rappellent que « Les agences ne sont pas faites pour durer ». Yo lé a tou pri fèmin’y au motif qu’une loi du 30 décembre 1996 en avait décidé ainsi. 

 

On évoque le fait que la reconnaissance d’un statut d’aménageur pour les Ag50pas n’est pas d’actualité. Rien ne s’oppose en droit européen à ce que ces établissements publics puissent faire de l’aménagement.  Curieusement, dans le projet de loi sur la modernisation du droit des Outre-Mer, la Guyane et Mayotte bénéficient d’une dérogation pour assurer cette double mission. 

 

Manifestement, il y a là une disparité et nous devons faire en sorte que notre Ag50pas puisse être pérennisée avec la double mission de régularisation et d’aménagement ce d’autant que, tout le monde le reconnaît, cette mission n’a pas cessé d’évoluer et qu’il faudra à cette agence des prérogatives de police pour lutter contre le développement des nouvelles constructions illicites sur le littoral. 

 

3. Troisième proposition :

LA RÉDACTION DE LA DÉLIBÉRATION

D’abord sur les VISAS

Proposition d’ajouter 2 dispositions du CG3P (Code général de la Propriété des personnes publiques) :

Vu l’article L. 2125-1 – L2125-3 (redevance foncière à payer par les occupants et L5112-9 du (Clause anti spéculation de 10 ans)

Ensuite sur l’article 2 : « Ce nouveau dispositif consiste à verser l’aide régionale à l’Agence des 50 pas (France-domaine). Ce sont deux institutions différentes qui n’ont aucun lien entre elles. L’Agence des 50 pas est un EPIC, (Ets Public à caractère industriel et commercial) et France-domaine étant un service de la Direction Générale des Finances Publiques (DGFiP) relevant du Ministère du Budget. 

Cette confusion a été reproduite à l’article 4.

A propos de l’article 4, si l’assemblée s’accorde sur notre proposition on pourrait plafonner l’aide à 2.000 euros. 

Enfin, à l’article 5 il est écrit que « L’agence des 50pasG s’engage à transmettre à la Région pour instruction des dossiers ». Dans ce dispositif, l’instruction est de fait transférée à l’Agence des 50 pas. Il faudra donc remplacer le mot instruction par ceux de « contrôle et validation ». L’agence doit s’engager à transmettre à la Région les dossiers pour… contrôle et validation (article 5). 

 

Voilà, chers (es) collègues, NOTRE GROUPE EST FAVORABLE à une aide régionale complémentaire mais vous avez bien compris, eu égard à la complexité de ce dispositif, qu’il est nécessaire de s’accorder à la fois sur une augmentation du plafond et sur une accélération de cet épineux dossier. Les occupants sans titre du littoral attendent de nous des décisions concrètes pour qu’ils puissent accéder ENFIN à la pleine propriété. 

 

Martinique, le 26 mai 2015

Louis BOUTRIN

Groupe des Patriotes Martiniquais et Sympathisants