«J'ai rêvé, a-t-elle prononcé en marge d'un rassemblement pour les valeurs de la République, que nous puissions remplacer ce défilé militaire par un défilé citoyen où nous verrions les enfants des écoles, ou nous verrions les étudiants, où nous verrions aussi les seniors défiler dans le bonheur d'être ensemble, de fêter les valeurs qui nous réunissent. [...] Ce n'est pas des valeurs que nous portons […]. Je pense que le temps est venu de supprimer les défilés militaires du 14-Juillet parce que ça correspond à une autre période.»
À droite, on trouve son idée «pathétique», selon les termes d'Henri Guaino. Pour le conseiller spécial de Nicolas Sarkozy, le défilé du 14 juillet constitue «un hommage que la nation se rend à elle-même». Eva Joly ne veut pas, selon lui, «voir la dimension tragique de l'histoire, de la politique», en simplifiant les choses à outrance.
Le secrétaire d'État aux Anciens Combattants Marc Laffineur s'est déclaré «scandalisé et choqué», relate LePoint.fr. «Justement, le [but du] défilé du 14-Juillet, c'est de rendre hommage à tous les efforts et sacrifices que font les militaires», a-t-il dit, alors que plusieurs soldats français ont été tués en Afghanistan ces jours précédents.
Le député de la Droite populaire, Lionnel Luca, a dégainé sur Europe 1: «Je ne sais pas ce qu'elle aurait fait en 1944-1945, peut-être qu'elle aurait supprimé le défilé des chars de la 2è DB [division de blindés] du Général Leclerc».
On retiendra aussi les critiques qui font référence aux origines norvégiennes de la candidate. A droite comme à l'extrême droite: «il est temps pour elle de retourner en Norvège» (Lionel Tardy), candidate «anti-France» (Guy Teissier), ou «n'ayant pas une culture ancienne des valeurs françaises» (François Fillon).
Pour Marine Le Pen, les propos de la candidate d'EELV démontrent qu'elle «ne comprend absolument rien aux liens profonds qui existent entre le peuple et son armée». «Je ne crois pas qu'il soit légitime de se présenter à la présidence de la République quand on est devenu français tardivement et quand encore il y a quelques mois on était aux côtés du gouvernement norvégien pour lui apporter des conseils».
À gauche, si les réactions ne sont pas aussi virulentes, elles ne sont —à quelques exceptions près— pas moins négatives à l'égard d'Eva Joly. Ségolène Royale, candidate à la primaire socialiste, a considéré que l'idée de supprimer le défilé du 14 juillet serait une très mauvaise idée, notamment parce que cela remettrait en cause nos traditions. «Toutes les formes de polémique sur les rites de la République ne sont pas souhaitables», a-t-elle indiqué sur France Info.
«Le 14-Juillet, c'est notre fête nationale, c'est la fête de la République, de nos trois valeurs, la liberté, l'égalité, la fraternité, et n'oublions jamais […] que si nous sommes un peuple libre, c'est parce que justement des hommes et des femmes ont donné leur vie pour que nous [le] soyons.»
Même avis pour Laurent Fabius, Stéphane Le Foll ou Manuel Valls: tous pensent que la déclaration d'Eva Joly est «déplacée», que sa proposition est «une phrase maladroite et une expression de mauvais goût».
Seule la candidate de Lutte Ouvrière, Nathalie Arthaud, s'est dite largement favorable à la suppression du défilé. Pour elle, «l'État a transformé ce qui étaient les premiers pas de la République française libérant le Tiers-État de l'oppression en un défilé militaire qui n'est qu'une vitrine pour marchands d'armes et une démonstration de puissance d'un pays impérialiste». Un avis partagé par José Bové, soutien de Nicolas Hulot à la primaire d'Europe Écologie-Les Verts: «On pourrait voir des gens qui, à travers le monde, luttent pour la liberté dans leur pays. […] Montrer les muscles comme on le voit, ça fait un peu has-been», a-t-il déclaré sur Europe 1. C'est selon lui «une logique de puissance, […] une logique de défense nationale dépassée».
Que cherchait Joly, tout juste adoubée candidate? L'Express analyse la situation en relation avec une période plutôt calme pour les médias, et rappelle que le 14-Juillet reste un symbole de cohésion nationale, et une preuve que la France conserve «un appareil militaire suffisamment significatif pour pouvoir peser au stade international et défendre ses valeurs».
«En période d'eaux basses pour les médias, elle était sûre de provoquer un tintamarre autour de son nom. […] Certes, il y a une part de vrai pacifisme nordique dans les propos d'Eva Joly —cela se respecte. Mais il y a bien davantage un calcul destiné à asseoir son existence médiatique après toutes les dissensions constatées chez les écolos.»
SOURCE : Slate.fr