15 OCT. 1987 : ASSASSINAT DE THOMAS SANKARA, POURFENDEUR DE L'IMPERIALISME

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Son combat est d'une troublante actualité


” Le pillage colonial a décimé nos forêts sans la moindre pensée réparatrice pour nos lendemains ”


 ” La plus grande difficulté rencontrée est constituée par l’esprit de néo-colonisé qu’il y a dans ce pays. Nous avons été colonisés par un pays, la France, qui nous a donné certaines habitudes. Et pour nous, réussir dans la vie, avoir le bonheur, c’est essayer de vivre comme en France, comme le plus riche des Français. Si bien que les transformations que nous voulons opérer rencontrent des obstacles, des freins.“
 
Le 15 octobre 1987 Thomas Sankara, charismatique président du Burkina-Faso (anciennement Haute-Volta), est assassiné. Infatigable pourfendeur de l’impérialisme, orateur hors pair, il est pendant ses années de présidence un exemple du renouveau africain. Il reste, 24 ans après sa mort, un modèle pour tous ceux qui aspirent à une Afrique indépendante et son combat est toujours aussi actuel.


Vingt quatre ans après son assassinat, la mort de Thomas Sankara reste encore non élucidée, même si de forts soupçons portent sur son successeur, et toujours président, Blaise Compaoré qui aurait été appuyé par l’ex-puissance coloniale française et par les Etats-Unis. 

 

Ce que représentait Thomas Sankara dépassait tellement son pays que cela inquiétait plus ou moins les puissance occidentales qui ont donc poussé à sa disparition. Mais même après tout ce temps, son message continue de résonner dans le cœur et l’esprit de nombreux africains. Il a léguer sa verve, son dynamisme, son esprit d’indépendance et son espoir en une Afrique enfin libre aux générations actuelles qui bouleversent le continent. La jeunesse africaine et mondiale entend toujours le message de Thomas Sankara lors de sa déclaration historique à l’ONU :

 

« Je viens en ces lieux vous apporter le salut fraternel d’un pays de 274 000 km², où sept millions d’enfants, de femmes et d’hommes, refusent désormais de mourir d’ignorance, de faim, de soif, tout en n’arrivant pas à vivre véritablement depuis un quart de siècle d’existence comme Etat souverain, siégeant à l’ONU.

 

Je viens à cette Trente-neuvième session vous parler au nom d’un peuple qui, sur la terre de ses ancêtres, a choisi, dorénavant de s’affirmer et d’assumer son histoire, dans ses aspects positifs, comme dans ses aspects négatifs, sans complexe aucun. » (Lire ici dans son intégralité le discours du 4 octobre 1984, où Thomas Sankara s’adresse à la Trente-neuvième session de l’Assemblée générale des Nations Unies.)

Le père de la révolution bukinabè avait fait « de la lutte contre toutes les formes d’oppression et d’injustice le combat de sa vie tant en Afrique que dans le monde ». Aujourd’hui, alors que des Indignés campent devant Wall-Street, que la Tunisie va prochainement connaître ses premières élections libres, que le Mali et le Niger ont connu des élections réussies et une alternance politique, que le Mouvement Y’en a Marre secoue le Sénégal, l’on retrouve l’esprit de Thomas Sankara dans cette jeunesse qui est en train de changer le monde. Le Burkina-Faso, seul, semble rester au bord du chemin de l’évolution, confirmant malheureusement pour l’instant le vieil adage qui dit que nul n’est prophète en son pays.

Source : Ali Attar. Afrik.com 

 

Quelques citations de Thomas SANKARA 

Orateur brillant et amateur de bons mots, l’ancien président burkinabè a impressionné tous ceux qui ont pu l’écouter à une tribune. Préférant lutter avec la parole plutôt qu’avec les armes -le comble pour un militaire, il utilisait les mots en toute liberté, sans crainte des conséquences. Ses discours ont d’ailleurs fait l’objet d’un livre, où ils sont compilés (“Thomas Sankara parle”). Voici donc, pour mieux comprendre qui il était, quelques extraits des discours de Thomas Sankara.

” Le pillage colonial a décimé nos forêts sans la moindre pensée réparatrice pour nos lendemains ” 1983, Paris, Conférence Internationale sur l’arbre et la forêt

” Il faut proclamer qu’il ne peut y avoir de salut pour nos peuples que si nous tournons radicalement le dos à tous les modèles que tous les charlatans de même acabit ont essayé de nous vendre 20 années durant. Il ne saurait y avoir pour nous de salut en dehors de ce refus là. Pas de développement en dehors de cette rupture là. Il faut ranimer la confiance du peuple en lui-même en lui rappelant qu’il a été grand hier et donc, peut-être aujourd’hui et demain. Fonder l’espoir. “

” L’esprit de liberté, de dignité, de compter sur ses propres forces, d’indépendance et de lutte anti-impérialiste […] doit souffler du Nord au Sud, du Sud au Nord et franchir allègrement les frontières. D’autant plus que les peuples africains pâtissent des mêmes misères, nourrissent les mêmes sentiments, rêvent des mêmes lendemains meilleurs. ” Août 1984, Conférence de presse

« Refuser l’état de survie, desserrer les pressions, libérer nos campagnes d’un immobilisme moyenâgeux ou d’une régression, démocratiser notre société, ouvrir les esprits sur un univers de responsabilité collective pour oser inventer l’avenir. Briser et reconstruire l’administration à travers une autre image du fonctionnaire, plonger notre armée dans le peuple par le travail productif et lui rappeler incessamment que, sans formation patriotique, un militaire n’est qu’un criminel en puissance.” Discours aux Nations unies, 4 octobre 1984

” La plus grande difficulté rencontrée est constituée par l’esprit de néo-colonisé qu’il y a dans ce pays. Nous avons été colonisés par un pays, la France, qui nous a donné certaines habitudes. Et pour nous, réussir dans la vie, avoir le bonheur, c’est essayer de vivre comme en France, comme le plus riche des Français. Si bien que les transformations que nous voulons opérer rencontrent des obstacles, des freins.“

« Ces aides alimentaires (…) qui installent dans nos esprits (…) ces réflexes de mendiant, d’assisté, nous n’en voulons vraiment plus ! Il faut produire, produire plus parce qu’il est normal que celui qui vous donne à manger vous dicte également ses volontés.” 1ère conférence nationale des CDR, 4 avril 1986

” Nous n’avons pas compris comment ils [Jonas SAVIMBI de l’Angola et Pieter BOTHA d’Afrique du Sud, pro Apartheid] ont eu le droit de parcourir la France si belle et si propre. Ils l’ont tachée de leurs mains et de leurs pieds couverts de sang. Et tous ceux qui leur ont permis de poser ces actes en portent l’entière responsabilité ici et ailleurs, aujourd’hui et toujours. ” Novembre 1986, discours fait à François Mitterrand, en visite à Ouagadougou

“Il n’y a pas de révolution sociale véritable que lorsque la femme est libérée. Que jamais mes yeux ne voient une société où la moitié du peuple est maintenue dans le silence. J’entends le vacarme de ce silence des femmes, je pressens le grondement de leur bourrasque, je sens la furie de leur révolte. J’attends et espère l’irruption féconde de la révolution dont elles traduiront la force et la rigoureuse justesse sorties de leurs entrailles d’opprimées.” 8 mars 1987, Ouagadougou

« La démocratie est le peuple avec toutes ses potentialités et sa force. Le bulletin de vote et un appareil électoral ne signifient pas, par eux-mêmes, qu’il existe une démocratie. Ceux qui organisent des élections de temps à autre, et ne se préoccupent du peuple qu’avant chaque acte électoral, n’ont pas un système réellement démocratique. (…) On ne peut concevoir la démocratie sans que le pouvoir, sous toutes ses formes, soit remis entre les mains du peuple ; le pouvoir économique, militaire, politique, le pouvoir social et culturel.” Granma, La Havane, août 1987.

“Notre révolution n’aura de valeur que si, en regardant derrière nous, en regardant à nos côtés et en regardant devant nous, nous pouvons dire que les Burkinabés sont, grâce à elle, un peu plus heureux. Parce qu’ils ont de l’eau saine à boire, parce qu’ils ont une alimentation abondante, suffisante, parce qu’ils ont une santé resplendissante, parce qu’ils ont l’éducation, parce qu’ils ont des logements décents, parce qu’ils sont mieux vêtus, parce qu’ils ont droit aux loisirs ; parce qu’ils ont l’occasion de jouir de plus de liberté, de plus de démocratie, de plus de dignité. (…) La révolution, c’est le bonheur. Sans le bonheur, nous ne pouvons pas parler de succès.” Discours prononcé à Tenkodogo le 2 octobre 1987

« Le plus important, je crois, c’est d’avoir amené le peuple à avoir confiance en lui-même, à comprendre que, finalement, il peut s’asseoir et écrire son développement ; il peut s’asseoir et écrire son bonheur ; il peut dire ce qu’il désire. Et en même temps, sentir quel est le prix à payer pour ce bonheur.” “Fratricide au Burkina, Sankara et la Françafrique”, documentaire de Thuy Tien Hi et Didier Mauro, production ICTV Solférino