Affaire Aliker

alikeraffiche.jpgChamoiseau propose de rouvrir le dossier.

Interviewé par le Quotidien France-Antilles, l'écrivain Patrick Chamoiseau, scénariste du film,  propose de rouvrir le dossier d'André Aliker, un journaliste assassiné par Aubéry, un puissant usinier béké.

 

"Les Martiniquais ont souvent l'impression que l'oubli c'est fermer les yeux et les oreilles, et refouler le passé, l'oubli est fait du souvenir, l'oxygène de l'oubli c'est le souvenir, et le souvenir le plus sain a besoin des beautés de la justice..."

 

ALIKER, un film de Guy Deslauriers à ne pas rater.

F.A. : En quoi l'histoire d'Aliker est importante dans l'histoire de la Martinique ?

 

 

P. Chamoiseau : Parce que le développement d'un pays, et donc son accession à une pleine souveraineté, ne passe pas seulement par l'économique ou le social, mais aussi et surtout par le symbolique. Il nous faut explorer le cheminement collectif par la démarche scientifique de l'historien mais aussi avec ce que l'art nous apporte en connaissance poétique et en rayonnement. Donc en esthétisation. Et donc en beauté. Nous connaissions André Aliker, il nous fallait le charger des vibrations infinies du symbole, du vif de la beauté. Avec ce film, je crois que c'est fait. Le jour où nous aurons couvert le Pays Martinique d'une architecture symbolique qui nous exhausse vers la beauté, les verrous mortifères de l'assistanat-dépendance vont exploser...

 

 

F.A. : Faudrait-il rouvrir le procès ?

 

 

P. Chamoiseau : Oui. Qu'un tel crime reste impuni est une honte pour nous tous. La famille Aliker a droit à une totale réparation. Il faudrait trouver l'élément nouveau qui permettrait qu'une nouvelle enquête et qu'un nouveau procès lave cette honte, sans haine et sans esprit de vengeance... Les Martiniquais ont souvent l'impression que l'oubli c'est fermer les yeux et les oreilles, et refouler le passé, l'oubli est fait du souvenir, l'oxygène de l'oubli c'est le souvenir, et le souvenir le plus sain a besoin des beautés de la justice...

 

 

F.A. : On passe à l'histoire dite « moderne » et l'on quitte le domaine de l'esclavage. Il était temps ? P. Chamoiseau : Le « domaine de l'esclavage » comme vous dites, est ce que nous avons de plus moderne, et même de plus contemporain, simplement parce que ce « passé » n'est pas passé à cause des névroses du refoulement. Il n'y a pas plus de modernité dans l'histoire d'Aliker que dans celle de notre Romain du 22 mai. Le tout est de trouver à chaque fois la bonne problématique. Aliker est une somptueuse trajectoire humaine, même héroïque, qui nous permet de traverser l'histoire ouvrière de notre pays, de soupeser le rôle essentiel du Parti communiste dans ce que nous sommes aujourd'hui, et d'explorer la puissance naissante du fait journalistique... C'est vraiment le lieu même d'un symbole. A nous de le charger à fond...