Après la justice, qui l’avait acquitté en 2002, c’est au tour du Conseil de l’ordre des médecins de se pencher sur le cas de Wouter Basson. Une homme que la presse avait surnommé "Docteur La Mort".
Symbole des crimes du régime de l’apartheid, Wouter Basson fut l’un des accusés les plus célèbres des procès qui ont suivi la chute du régime ségrégationniste en Afrique du Sud.
Acquitté en 2002, celui que la presse avait surnommé Docteur la Mort avait argué qu’il ne faisait qu’appliquer les ordres. Il exerce, aujourd’hui encore, comme cardiologue dans une banlieue tranquille du Cap.
À l’issue de sa comparution devant le Conseil des professions médicales d’Afrique du Sud (HPCSA), qui a débuté le 26 septembre, il pourrait toutefois écoper de sa première condamnation et risque… de se voir retirer sa licence de médecin pour avoir enfreint l’éthique de la profession. Et c’est le moins que l’on puisse dire au regard de la liste de crimes dont il fut accusé.
Docteur personnel de Botha
Ancien docteur personnel du président Pieter Willem Botha, il est recruté en 1981 pour diriger Project Coast, le programme bactériologique et chimique de l’armée sud-africaine. Au cours des douze années passées à sa tête, il supervise la mise au point de poisons pour éliminer les opposants les plus gênants et mène des recherches pour diminuer la fertilité des femmes noires.
Basson avait refusé d’être entendu par la Commission Vérité et Réconciliation et n’a jamais exprimé aucun remord. « J’ai fermé ce chapitre il y a vingt ans, a-t-il redit à la presse à l’issue de la première audience. Tout ce que je veux, c’est continuer de servir le pays en tant que professionnel médical. »
SOURCE : Jeunes Afrique
Dr la Mort. Enquête sur le bio-terrorisme d'État en Afrique du Sud
L'affaire Wouter Basson : Un projet secret du gouvernement de l'apartheid visait à mener une offensive bio-chimique contre la population noire dans les années 1980-1990.
« Lorsque les premiers éléments du programme ultra secret sud-africain - le Project Coast - ont percé durant l'été 1998, nul n'imaginait encore l'ampleur qu'avait prise ce véritable bioterrorisme d'État. Anthrax, Ebola, Sida, Choléra, stérilisation de masse, poisons chimiques ethniquement sélectifs, figurent parmi les armes envisagées par les autorités de l'Apartheid contre la population noire. Un projet de guerre bio-chimique à caractère raciste largement soutenu par les puissances occidentales. Mis sur pied en 1985, le programme militaire n'a apparemment pris fin qu'en 1994, sans que toutes les responsabilités soient clairement établies. À ce jour nul ne sait où a disparu cette technologie de mort ni entre quelles mains elle se trouve. Encore moins sait-on qui pourrait en faire usage... Plusieurs auditions de la Commission Vérité et Réconciliation présidée par le prix Nobel Desmond Tutu, révéleront toutefois le nom d'un personnage : celui du docteur Wouter Basson, éminent cardiologue et scientifique, surnommé "Docteur La Mort". On lui prête d'avoir été le cerveau du projet dont l'objectif était l'extermination du peuple noir par le biais d'armes biochimiques extraordinairement sophistiquées. Début 1999, Tristan Mendès France, journaliste et documentariste, décide d'aller à la rencontre des différents protagonistes de cette terrible affaire et notamment du docteur Basson. Cette enquête, sous forme de témoignage, apporte un éclairage inédit sur l'un des complots d'État les plus extrêmes du siècle passé. » (présentation de l’éditeur)
« Des dizaines de millions de francs sont ainsi mis à contribution par le gouvernement de l’apartheid peu avant les années 90, afin de mettre sur pied un laboratoire militaire technologiquement suréquipé dans la banlieue proche de Prétoria à Roodeplaat, Des recherches extrêmement poussées sont alors enclenchées afin de développer une molécule mortelle, sensible à la mélanine qui pigmente la peau des noirs. Autrement dit, une arme d’extermination éthniquement sélective. Le laboratoire militaire du docteur Basson étudie également, échantillons à l’appui, l’éventualité de propager de graves épidémies dans les populations africaines. Un volet du Project Coast s’intéresse aussi au meilleur moyen scientifique de stériliser en masse les femmes noires. » (l’auteur)
Sur la Toile
Un dossier sur le site de l’auteur (une vidéo à télécharger)
Complicités bactériologiques autour du « Dr. Death » Au terme de 30 mois de procès, le docteur Basson a été acquitté, le 12 avril, de la totalité des 46 charges dont il était inculpé : dix huit d'entre elles concernaient des meurtres, agressions, intimidations et conspirations, vingt quatre autres des vols, fraudes et détournements (pour un montant de US$ 4,5 mns) et trois la possession d'ecstasy. Il avait été arrêté, en 1997, alors qu'il transportait de la drogue dans sa voiture et relâché immédiatement (Courrier international, 2 février 2002)
« J’ai rencontré Wouter Basson à plusieurs reprises en Afrique du Sud, notamment à Prétoria. Ma deuxième rencontre en 2000 s’est traduite par une singulière proposition : Basson me proposa une interview exclusive pour les chaînes de télévision françaises, en échange de 4 millions de francs... Ce que la production et moi-même avons bien évidemment refusé. Basson m’est apparu extraordinairement sur de lui, vénal., à l’évidence, et imbu de lui même. Ce qui m’a toujours surpris c’est l’assurance avec laquelle il était certain de ne jamais être condamné. Comme s’il se sentait protégé ou sur de son fait. En tout cas, il ne regrettait rien de ce qu’il avait commis. Et que je qualifierais pour ma part d’entreprise génocidaire.
(…) Wouter Basson bénéficie encore aujourd’hui de la protection des services secrets sud-africains, la NIA. J’ai pu le constater lors de mon tournage. L’Afrique du Sud craint que son savoir-faire puisse s’expatrier. J’ai interrogé en 2001 le gouvernement de Prétoria à travers le directeur du cabinet du président Thabo Mbeki, le révérend Franck Chikane (lui-même victime du programme Coast) concernant l’impunité de Basson et son emploi. Il m’a indiqué que si Wouter Basson était encore en fonction dans l’armée, c’est que ce moyen était la meilleure façon de le contrôler. D’autres sources m’ont informé que la CIA et le MI6 faisaient pression sur l’état sud africain pour qu’il empêche son savoir-faire de quitter le pays... » (deux extraits d'un entretien de l'auteur avec Paul Yange, Grioo)