L'Union Européenne déconseille le Mexique et les Etats-Unis
La commissaire européenne à la Santé a appelé les Européens lundi à reporter les déplacements non essentiels au Mexique ou aux Etats-Unis, en raison de l'épidémie humaine de grippe porcine dans cette région. Andorra Vassiliou et les chefs de la diplomatie des Vingt-sept se sont réunis à Luxembourg alors que l'Espagne confirmait le premier cas européen de grippe porcine.
Le Ministère de la Santé a déclaré que la France dispose de stocks suffisants de médicaments (Tamiflu) pour faire face à une éventuelle extension de l'épidémie. Qu'a-t-elle prévu pour les régions des Antilles et de la Guyane, situées aux ports de l'épidémie ? (voir carte). Un premier bilan fait état de 103 morts au Mexique. Enquête sur un nouveau virus qui inquiète la communauté scientifique.
Le comportement du nouveau virus grippal A (H1N1), apparu au Mexique et aux États-Unis, pose de multiples questions aux experts.
• Que sait-on du nouveau virus ? D'après les spécialistes, c'est un virus H1N1 d'origine porcine. Les virus chez le porc appartiennent à la «famille» des influenza A. À l'origine, tous les virus grippaux du porc viennent de l'homme. C'est l'homme qui a infecté le porc. C'est la raison pour laquelle les deux espèces ont les mêmes virus H1N1, H3N2, H2N2, etc.
Rappelons que les sous-types viraux sont définis par leur hémagglutinine (H) et leur neuraminidase (N), deux protéinesde surface indispensables à l'entrée du virus dans les cellules et à la multiplication virale. Le nouveau virus est un hybride de deux virus H1N1 porcins : l'un est un H1N1 «classique» (ce virus a une histoire commune avec l'homme), l'autre est un H1N1 «eurasien» également appelé «avian-like». Il vient des oiseaux et a supplanté en Europe les virus classiques chez le porc.
• Existe-t-il des médicaments ? Les biologistes moléculaires qui ont comparé les séquences génétiques de ce virus avec celles des autres virus grippaux prédisent que le nouveau virus est sensible au Tamiflu et au Relenza, du moins au début de l'infection. Ils sont rejoints dans cette analyse par les cliniciens qui ont soigné les malades au Mexique et aux États-Unis. En revanche il résiste aux «vieux» antiviraux (amantadine et rimantadine) qui ne font plus partie de l'arsenal prépandémique en France. Il est à noter qu'une des souches dominantes de la grippe saisonnière humaine (un H1N1) est devenue résistante à 100 % auTamiflu.• Y a-t-il un vaccin ? La Mairie de Mexico a voulu lancer vendredi une campagne massive de vaccination contre la grippe porcine. avec le vaccin de la grippe saisonnière. Une partie du virus H1N1 est en effet contenue dans le vaccin humain contre la grippe saisonnière. Mais compte tenu de la distance antigénique entre les virus porcins et humains, une protection croisée semble très improbable. Le Comité français de préparation prépandémique n'a pas recommandé cette stratégie vaccinale.• Combien de temps faut-il pour préparer un nouveau vaccin ? Une fois le virus identifié et séquencé, une préparation d'une souche tuée servira de «semence» qui sera produite en grande quantité et injectée à des œufs embryonnés de poulets. C'est l'affaire de quelques mois. Dans le meilleur scénario, les autorités sanitaires accepteraient qu'un vaccin anti-H1N1 soit considéré comme une simple modification du vaccin saisonnier, ce qui raccourcirait son enregistrement administratif. Deux bonnes nouvelles : contrairement au virus H5N1 aviaire, ce virus de porc ne tue pas les embryons de poule. Et les industriels des vaccins vétérinaires ont une grosse expérience du vaccin H1N1. Mais vendredi, un expert français avertissait : «Les ressources industrielles limitées et la demande potentielle énorme d'un vaccin pandémique vont mettre en difficulté notre arsenal manufacturier. Il est probable que nous ne soyons pas capables de mener à bien de front un vaccin pandémique et un vaccin contre la prochaine épidémie saisonnière humaine.»
• Ce virus est-il pathogène ? L'appellation «hautement pathogène» ne s'applique qu'aux virus aviaires lorsqu'ils sont testés chez le poulet et qu'ils y provoquent une forte mortalité. À l'évidence, toutefois, le H1N1 est capable de tuer des adultes jeunes en bonne santé. Par ailleurs, il est capable de se transmettre d'homme à homme : les Centers for Disease Control (CDC) américains ont vérifié qu'aucun des 11 patients infectés aux États-Unis n'a été en contact avec des porcs. Idem pour une majorité des morts mexicains. En revanche, le H1N1 déclenche, chez le cochon, une maladie plus sévère que d'autres souches
• Quelles précautions faut-il prendre pour éviter la contagion ? Les mesures d'hygiène classiques restent de bon aloi : lavage fréquent des mains, isolement des malades susceptibles d'être contagieux, annulation des réunions.
Pour ce qui est des voyages à l'étranger, il faut se renseigner avant le départ auprès du ministèrede la Santé ou des Affaires étrangères. On peut contacter la plate-forme grippe aviaire au 0825 302 302. Sur place, évitez les rassemblements publics (spectacles, réunions, concerts). Si vous partez au Mexique, renseignez vous sur votre destination, mais les États centraux sont à éviter.
• La mise en quarantaine est-elle efficace ? C'est une stratégie qui avait été tentée par l'Australie en 1918 pendant l'épidémie de grippe espagnole qui a fait 20 millions de morts. Mais fermer un continent aussi vaste est impossible. Et l'on sait en matière d'épidémies que les contrôles à la sortie des pays contaminés sont beaucoup plus efficaces que les mesures à l'entrée des pays indemnes. Mais les autorités australiennes avaient gagné une denrée inestimable : du temps. «Retarder d'une à trois semaines la survenue d'une pandémie de grippe sur son territoire, c'est énorme, précise Jean-Claude Manuguerra (Institut Pasteur, Paris). Cela permet de mieux se préparer, et surtout d'étaler le pic de l'épidémie, elle est déjà moins forte quand elle surgit.» Mais il est déjà trop tard pour empêcher le virus mexicain de faire le tour