Pour ou contre une fusion des 3 collectivités territoriales
Les Alsaciens doivent dire par référendum s'ils souhaitent la fusion des trois collectivités territoriales (conseil régional et conseils généraux). 25% de participation sont requis pour que le projet aboutisse.
Philippe Richert veut y croire. Après plus de 120 réunions, au cours desquelles il a croisé plusieurs milliers de personnes, le président UMP du conseil régional d'Alsace se dit «raisonnablement optimiste» sur l'issue du référendum proposé par les trois collectivités alsaciennes (la région, le Haut-Rhin et le Bas-Rhin). «Pour la première fois de son histoire, l'Alsace choisira son destin», affirme l'ancien ministre, convaincu que les électeurs se mobiliseront en faveur du oui au-delà des 25 % des inscrits, requis dans chacun des deux départements, soit 316 915 personnes. C'est toute la difficulté.
Cette campagne électorale s'est avérée plus difficile que prévue. Longtemps passé inaperçu au plan national, le référendum a été occulté ces jours-ci par l'affaire Cahuzac, avec la crainte d'un discrédit jeté sur la classe politique qui renforcerait le non ou l'abstention. Mais surtout, alors que la fusion du conseil régional et des deux conseils généraux a fait l'objet d'un large consensus dans les trois assemblées, que de sondages en sondages, la population se disait acquise à un projet soutenu par le milieu culturel et universitaire, la campagne a suscité de multiples oppositions, coalisant les extrêmes.
Après Marine Le Pen, venue recadrer sèchement les troupes du Front national, plutôt proches du oui, Jean-Luc Mélenchon s'en est pris, violemment, mercredi à Mulhouse, à la nouvelle collectivité qui donnerait «le signal du démembrement de la France». Le matin, Nicolas Dupont-Aignan avait mis en garde, à Strasbourg, «contre le désossage» du pays. Sur la même ligne, on trouve les syndicats, de la CFTC à la CGT, qui craignent une mise à mal du droit du travail et des licenciements dans les collectivités.
«On devrait faire tout aussi bien»
«On propose une démarche plus lisible, avec une collectivité plutôt que trois, et 20 % d'élus en moins. Mais il n'est pas question de licencier des fonctionnaires», se défend Philippe Richert, qui a recentré la campagne sur ces thèmes sensibles en période de crise économique, au détriment de l'identité régionale et d'une Alsace plus forte dans l'espace rhénan. «Chaque soir, on nous interpelle: ferez-vous des économies?», raconte le président bas-rhinois Guy-Dominique Kennel. «On devra faire tout aussi bien, avec de moins en moins d'argent», répond son homologue haut-rhinois, Charles Buttner. «La fusion, c'est la simplification, du gain de temps et bien sûr des économies financières, au moment où l'État demande aux collectivités de faire un effort», résume Richert.
« L'Alsace gardera ses deux préfectures »
Manuel Valls
Drôle de campagne… Les alliés les plus imaginatifs de Philippe Richert sont les écologistes, qui disent «naturellement oui». Leur porte-parole, Jacques Fernique, prêche «l'efficacité de l'action publique», tout en faisant campagne pour «un autre oui» avec les socialistes. «Un oui construit, qui n'a rien à voir avec le projet UMP», précise Antoine Homé, chef de file PS au conseil régional. Le gouvernement est favorable au projet, mais les socialistes sont divisés. Les Strasbourgeois ont créé un groupe du non, avec des affiches, mais sans faire campagne.
Dans leur tract, les adjoints du maire de Strasbourg Roland Ries - tenant «du ni oui ni non» parce que le siège serait partagé entre Strasbourg et Colmar - en appellent à s'inscrire dans l'Acte III de la décentralisation, qui est pour le moins embourbé. «Cela prendra plus de temps que prévu», reconnaît Alain Fontanel, proche de Roland Ries et conseiller d'Harlem Désir, qui se cantonne dans l'abstention.
À l'inverse, le maire UMP de Colmar, Gilbert Meyer, agite la menace du départ de la préfecture vers Strasbourg. L'argument porte, alors que la mobilisation n'est pas acquise dans le Haut-Rhin. «L'Alsace gardera ses deux préfectures», a assuré le ministre de l'Intérieur, Manuel Valls, lors des questions orales à l'Assemblée. Comme le relève Philippe Richert, «la victoire du oui sera aussi un signal pour la modernisation du pays…»